Le père de la symphonie

Avec ses compositions
innovantes, Haydn a
irrémédiablement
transformé la musique

Il y a des compositeurs qui ne
sont pas nés à la bonne
époque car coincés entre
plusieurs génies et à une
époque charnière de la
musique où celle-ci prenait
d’autres directions. Ce fut le
cas de Joseph Haydn (1732-
1809), ami de Mozart et
maitre de Beethoven, et surtout père d’un classicisme que le grand
public identifie assez mal à l’inverse du baroque et du romantisme
qui constituent les deux époques qui l’encadrent.

Malgré ce handicap historique, Joseph Haydn marqua de son
empreinte gigantesque la musique de son temps ainsi que celle qui
lui succéda. Après des débuts difficiles, Haydn entra au service des
princes autrichiens Esterhazy, sorte de Médicis de la musique en
Europe centrale. Très vite, ses compositions firent le tour de
l’Europe et il fut invité à les interpréter dans les grandes capitales
du continent, à Londres ou à Paris notamment. La première
rencontre avec Mozart eut lieu en 1784 et Haydn perçut
immédiatement le génie du jeune compositeur. Avec Beethoven, les
relations furent à la fois proches et tendues.

Auteur d’une œuvre conséquente, Haydn peut être considéré
comme le père de la symphonie moderne, genre qu’il développa et
perfectionna tout au long de sa vie. Avec 106 symphonies réparties
en plusieurs périodes (Sturm und Drang, parisiennes, londoniennes),
il jeta ainsi les bases de la symphonie classique en y introduisant une
dimension dramatique, dimension que Beethoven allait porter à la
perfection. Avec lui, la symphonie devint un nouvel objet musical.
« Pour moi, la musique d’Haydn est audacieuse, presque expérimentale.
C’est pour cela qu’elle tolère plusieurs manières de l’interpréter car tout
est une question de rythme »
affirme Nathan Cole, violoniste à
l’orchestre philharmonique de Los Angeles. Mais tous les musiciens
en conviennent : les symphonies d’Haydn exigent une grande
technicité : « Haydn demande une grande concentration et une énergie
intense pour pouvoir faire ressortir au maximum l’expressivité de
l’œuvre»
estime Klaidi Sahatci, Konzertmaster à l’orchestre de la
Tonhalle de Zurich et chambriste reconnu.

En matière de musique de chambre, Haydn consacra la forme du
quatuor à cordes et laissa des sonates pour piano très diverses où
l’on perçoit l’influence d’un Scarlatti mais également toute la fougue
du Sturm und Drang tirée de CPE Bach. Cette variété de
compositions trace une œuvre tout à fait singulière où le rire côtoie
la mélancolie. « Sa musique est très inventive, souvent très drôle. On
sent chez lui une volonté de surprendre le public et de le stupéfier »

poursuit Klaidi Sahatci

Haydn laisse enfin l’une des œuvres majeures de la musique sacrée,
la Création, oratorio composé en 1798, que beaucoup de spécialistes
considèrent comme son chef d’œuvre. Pour la petite histoire, c’est
en se rendant à la première parisienne, le 24 décembre 1800, que
Bonaparte fut victime de l’attentat de la rue Saint-Nicaise. Bientôt,
un nouveau monde, celui de l’Empire, allait être créé…

Laurent Pfaadt