Archives de catégorie : Musique

de grands noms du romantisme allemand et nordique

Schumann, Mendelssohn, Brahms, Grieg, Sibelius : durant le mois
de décembre, de grands noms du romantisme allemand et
nordique étaient à l’affiche des concerts d’abonnement de
l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg.

Aziz Shokhakimov
© Jean-Baptiste Millot

Au programme de leur concert de Noel, l’OPS et son chef Aziz
Shokhakimov avaient inscrit l’oratorio Christus de Mendelssohn ainsi
qu’une des symphonies pour cordes de jeunesse. Écrite pour quatre
voix solistes, chœur et orchestre, l’œuvre que son auteur laissa
inachevée en 1847 lorsqu’il mourut dans sa trente huitième année
témoigne de sa grande aisance dans l’écriture vocale. L’influence de
Bach y est notable, notamment celle de la Passion selon Saint-
Mathieu que le jeune Mendelssohn avait exhumée et jouée à Leipzig
en 1829, devant un parterre où figuraient entre autres le poète
Heine et le philosophe Hegel. Quant à Christus, son dernier oratorio,
il ne sera donné que bien après sa mort, en 1852. Dans le concert
strasbourgeois du 10 décembre, que nous avons pu entendre la
veille lors de la générale, on remarque d’abord un très bon quatuor
vocal. Shokhakimov se montre particulièrement soucieux de la
clarté de la partie orchestrale et de la justesse du chœur
philharmonique de Strasbourg, tout en préservant la beauté
mélodique de l’œuvre. Dans la symphonie pour cordes n°12 en sol
mineur, composée à l’âge de quatorze ans (donc avant le génial Songe
d’une nuit d’été), le chef souligne la fraîcheur et la juvénilité de la
partition, écrite pourtant dans une tonalité assez sombre.

Intercalés entre cette partition de jeunesse et l’oratorio tardif de
Mendelssohn, le programme comportait aussi Advent de Walter
Braunfels, compositeur allemand de la première moitié du XXè
siècle, qui gagna en son temps une certaine notoriété grâce à son
opéra Die Vögel. Tiré de la pièce d’Aristophane Les Oiseaux, il figure
au programme de l’Opéra du Rhin, en janvier 2022. Advent, fragment
de Das Kirchenjahr, série de cantates épousant le déroulement de
l’année liturgique, est une pièce orchestrale et vocale à la sonorité
agréable, presque voluptueuse, à défaut d’offrir autre chose. Elle
précédait une des grandes œuvres de Brahms, les Variations sur un
thème de Haydn, répertoire dans lequel on était curieux d’entendre
Shokhakimov. Il en propose une interprétation verticale, mettant en
valeur l’harmonie contrapunctique au détriment d’un certain
velouté mélodique, dans une couleur générale très claire.

Une semaine auparavant, les 2 et 3 décembre, Alexandre Tharaud, pianiste en résidence durant la saison 2021-2022, jouait le concerto
pour piano de Grieg. Connaissant les grandes qualités mélodiques et
poétiques du pianiste, on est un peu surpris, dès les premières
mesures, par la puissance et la force qu’il insuffle à l’œuvre. Cela
étant, durant le premier allegro et l’adagio, on se prend volontiers à
ce jeu pianistique, bien relayé par l’orchestre et la direction de
Shokhakimov, avant d’être décontenancé par un dernier mouvement
dont le pianiste savonne bizarrement le thème introductif avec une
répartie orchestrale dont la violence un peu confuse semble ici hors
de propos.

Le concert avait débuté par une œuvre rarement jouée, l’ouverture
de Hermann et Dorothée composée par Schumann en 1851. Inspirée
de l’œuvre éponyme de Goethe, dont l’action se situe durant les
guerres révolutionnaires françaises en Allemagne, la musique
déploie un entrelacs de thèmes mélodieux entrecoupés d’une
Marseillaise aux accents inquiétants, dans une atmosphère étrange
typique du dernier Schumann. Pour finir, une très grande
interprétation de la première symphonie de Sibelius, longuement
applaudie par le public et par les musiciens d’un orchestre
visiblement conquis par son directeur. Dès le solo introductif de la
clarinette (magnifiquement donné par Jeremy Oberdorf), on devine
que le chef opte pour une conception particulièrement âpre, sombre
et anguleuse de l’œuvre. On pense davantage au finlandais Paavo
Berglund qu’à l’américain Léonard Bernstein, pour évoquer deux
grands noms de l’interprétation sibélienne. Retenant les cuivres
dans une couleur blafarde et jouant sur la puissance des cordes et
des bois, Shokhakimov fait preuve d’un art du clair-obscur
consommé. Ainsi abordée, cette symphonie de jeunesse fait déjà
entendre un Sibelius de la maturité, quand le sentiment humain fusionne avec la minéralité du monde.

Par Michel Le Gris

Gimeno transcende Mahler

L’Orchestre Philharmonique du Luxembourg a offert une troisième symphonie de Mahler pleine d’émotions et d’énergie

Gimeno transcende Mahler
©Alfonso Salgueiro)

Il est de ces concerts dont on se rappellera longtemps. Un concert où
le chef, allé au bout de lui-même, en ressort vidé, éreinté. Un concert
où l’orchestre a réellement fait corps avec l’œuvre. Un concert où le
chœur a parlé d’une seule et même voie.

Ce fut le cas lors de cette troisième symphonie de Gustav Mahler
absolument bouleversante. Composée en 1895 lors de l’une de ses
fameuses retraites à la montagne, le compositeur s’inspira
grandement de la nature environnante pour élaborer ses grandes
pages orchestrales. Et il faut dire qu’avec l’Orchestre
Philharmonique du Luxembourg, le spectateur eut réellement
l’impression d’être sur ces falaises abruptes, au milieu de ces prairies
et au bord d’un lac. Un équilibre sonore très bien respecté a magnifié
le message mahlérien notamment lors des fameux solos de la
trompette venue des coulisses et du premier violon qui délivra une
interprétation empreinte d’une atmosphère bucolique de toute
beauté.

L’ancien percussionniste devenu chef – il a prolongé jusqu’en 2025 à
la tête de la phalange du Grand-Duché – a porté une attention toute
particulière à ses instruments de prédilection afin de retranscrire la
dimension tellurique de l’œuvre. La batterie avec son côté marche
militaire qui annonce les symphonies à venir de Chostakovitch était
ainsi parfaitement en place. Tout comme celles du tambourin et des
cymbales servant les figures mythologiques de la symphonie : le dieu Pan dans le premier mouvement mais également celle de Gerhild
Romberger, alto transfigurée en pythie mahlérienne, regard
insondable et destin dans la voix. Car au bord de ce lac se trouvait un
temple. Et tout autour des vents répandaient leurs chants funèbres.
Sans savoir s’il s’agissait d’harpies ou de sirènes, le spectateur, attiré
par cette mélodie lugubre et irrésistible, entra alors dans l’édifice et
y vit son destin.

Par Laurent Pfaadt

Retrouvez toute la programmation de l’OPL sur :
https://www.philharmonie.lu/fr/

Les Nations célèbrent l’Europe

Jordi Savall et le Concert des Nations achevaient à la Philharmonie de Paris son cycle Beethoven

Jordi Savall
© Barbara Rigon

La Philharmonie de Paris était pleine comme un œuf. Les raisons ?
Une Neuvième symphonie de Beethoven toujours prompte à attirer
les foules. Et interprétée par l’un des ensembles les plus talentueux
de la planète, le Concert des Nations, sous la conduite de son
emblématique et engagé chef d’orchestre, Jordi Savall. Autant dire
tous les ingrédients pour une soirée d’anthologie, ce qu’elle fut
assurément. Élargissant ainsi depuis plusieurs années son spectre
musical, le Concert des Nations s’est engagé depuis juin 2019 dans
un incroyable projet consistant à interpréter à la Philharmonie de
Paris l’intégrale des symphonies de Beethoven.

Avec les 8e et 9e, Jordi Savall a ainsi transformé cet épilogue en
apothéose. La huitième a offert aux spectateurs, le spectacle d’une
œuvre en mouvement. L’interprétation sur instruments d’époque
(vents en bois notamment) et la fidélité aux tempi d’origine
inscrivirent la symphonie dans une histoire, celle d’un classicisme
abouti, dans la longue tradition impulsée par Joseph Haydn. Dans
cette respiration musicale assez incroyable se dégagea notamment
la beauté du violoncelle solo dans le deuxième mouvement.

Le public était ainsi prêt à recevoir cette neuvième symphonie
comme l’immense don d’une formation musicale qui a fait de la
musique le pont entre les cultures et les êtres. Une fois de plus, le
Concert des Nations n’a pas failli à sa réputation. Jordi Savall et ses musiciens ont ainsi bâti une véritable cathédrale sonore où dans
chaque chapelle pouvait se lire l’histoire de l’Europe avec ses
tragédies portées par des percussions incroyables, ses soubresauts
transcendés par les cordes et ses appels à l’unité sublimés par les
chanteurs en particulier par Mingjie Lei, ténor dont la magnifique
tessiture en a fait l’une des grandes voix de la scène lyrique. Et
comme si cela ne suffisait pas, l’architecte de ce magnifique édifice
rappela que « la musique est le véritable langage de l’Europe » avec, une
fois n’est pas coutume, des Nations au service de cette dernière.

Par Laurent Pfaadt

Sous la direction de John Nelson

Les mercredi 13 et jeudi 14 octobre, le public de l’OPS retrouvait
un chef fort apprécié à Strasbourg, l’américain John Nelson, pour
un concert entièrement consacré à Berlioz, dont il est l’un des
grands interprètes actuels. Il accompagnait le ténor Michael
Spyres, bien connu également dans notre ville, et le très jeune
altiste Timothy Ridout dont c’était la première collaboration avec l’orchestre.

Damnation Faust
© Gregory_Massat

Après une ouverture de Béatrice et Bénédict laissant entendre un
orchestre bien sonnant, le cycle de mélodies pour ténor et orchestre
composé sur six poèmes de Théophile Gauthier et intitulé Les Nuits
d’été faisait résonner dans la salle Érasme la voix veloutée et
puissante du bariténor Michael Spyres. L’étendue de son spectre
vocal, offrant des aigus de haute volée et un grave de belle tenue,
convient particulièrement à cette partition qui exige beaucoup du
chanteur. Ces dernières années, Michael Spyres s’est fait connaître à
Strasbourg lors des soirées et des enregistrements, mondialement
salués, des Troyens et de La Damnation de Faust, sous la direction du
même John Nelson à la tête d’un OPS des grands soirs. Son
appropriation musicale du personnage de Faust et la qualité de sa
diction avaient été particulièrement remarquées. Le soir du 14
octobre,  ténor et  chef s’accordent dans une belle prestation suave
et chantante du cycle des Nuits d’été. Dans le contexte d’un
enregistrement et d’une prochaine publication discographique chez
Warner, les protagonistes auront probablement encore travaillé
l’atmosphère musicale et la diction du texte, durant les séances de
retouche effectuées les deux jours suivants.

Avec Harold en Italie, symphonie pour grand orchestre et alto
principal, on quitte l’atmosphère chambriste pour une formation 
plus large. Même si les musiciens jouent maintenant sans masques,
la situation sanitaire limite encore le nombre de pupitres sur scène
nous privant ainsi, deux semaines plus tôt, de la seconde symphonie
de Mahler sous la direction de Claus Peter Flor. Dans Harold, on
commence quand même à retrouver un quatuor à cordes consistant,
du type 14  – 12 – 10  – 8 – 6. Il faut, en revanche, se réjouir du
maintien sur estrades des cuivres et percussions, qui apporte
beaucoup de douceur et d’aération à la sonorité globale de
l’orchestre sonnant très beau, comme lors du premier concert de
Shokhakimov  au mois de septembre, quoi qu’on ait pu lire ça ou là.

Avec Nelson et le jeune altiste londonien  Timothy Ridout, la partie montagnes, est une des plus belles qui se puisse concevoir, prenante,
colorée (jeu de l’altiste et celui des bois et cuivres !) et
magnifiquement chantante. Les soulèvements orchestraux qui
suivent, peu faciles à négocier, bénéficient d’une bonne mise en
place. Le caractère processionnel de la Marche des pèlerins, titre du
second mouvement, est bien restitué, avec une fois encore un jeu
d’alto qui force l’admiration. Dans le troisième mouvement, La
sérénade d’un montagnard des Abruzzes à sa maîtresse, Nelson adopte
un ton tour à tour endiablé et élégiaque, particulièrement
enthousiasmant. Privilégiant la profondeur du chant, son
tempérament ne le pousse évidemment pas du côté de la démesure
et de l’explosion sonore dans l’épisode final, l’Orgie des brigands, qui
n’en sonne pas moins de façon idiomatique, avec une couleur
générale bien berliozienne.

John Nelson a entrepris un enregistrement intégral de l’œuvre de
Berlioz, d’abord chez Erato et Virgin, aujourd’hui chez Warner.
Commencé il y a vingt ans à Paris avec Benvenuto Cellini et le Te
Deum, il s’est poursuivi à Strasbourg, sous forme d’enregistrement
de concert, avec Les Troyens et La Damnation de Faust, en même
temps qu’à Londres pour le Requiem. Interrompu entre temps pour
les raisons que l’on sait, il a donc repris ici même cet automne et
continuera en juin prochain avec Roméo et Juliette. Bien que d’origine
américaine, Nelson inscrit sa passion pour Berlioz dans la suite de
celle de grands chefs anglais du passé récent ou lointain (Colin Davis,
Thomas Beecham) ou contemporain (John Eliott Gardiner). Au plan
du style, c’est de celui de Gardiner que se rapproche le lyrisme et
l’éloquente clarté de Nelson plus que de la froide et un peu
mécanique précision de Colin Davis. Au demeurant, Nelson joue
avec un orchestre moderne quand Gardiner use d’instruments
d’époque, de sonorité plus perçante. Il n’empêche que l’un et l’autre emploient avec bonheur exactement le même effectif orchestral
dans Harold en Italie.

Michel Le Gris

Retrouvailles berlioziennes

Le compositeur français était à l’honneur du concert de l’orchestre philharmonique de Strasbourg

copyright Grégory Massat

On aurait dit une réunion de famille. Car entre Berlioz, le chef
d’orchestre John Nelson et le ténor américain Michael Spyres, la
relation est tellement forte que l’on peut aisément parler de
communion. Ayant gravé ensemble plusieurs disques de référence
dont les Troyens et la Damnation de Faust chez Erato, John Nelson et
Michael Spyres ont ainsi retrouvé dans la capitale alsacienne leur
compositeur favori.

Avec l’ouverture de Béatrice et Bénédict, emprunte à la fois de
légèreté et de fougue, la chef a donné le ton. Le ténor américain
pouvait ainsi entrer en scène. Ses Nuits d’été aux accents tantôt
bucoliques, tantôt ténébreux et formidablement accompagnés par
des cordes très inspirées, ont tracé un sentier qui est passé par
champs et cimetières. Avec sa voix souvent qualifiée de baritenor,
Michael Spyres conduisit le spectateur dans une promenade au
milieu de paysages italiens tout droit sortis de Shakespeare.

Au détour de l’un d’entre eux, soufflait un vent, celui de l’alto de
Timothy Ridout. Avec un Harold en Italie de toute beauté, l’altiste
britannique de vingt-six ans dont le nom devrait très vite s’imposer
sur les grandes scènes européennes aux côtés des Zimmermann et des Tamestit, a d’emblée captivé son auditoire grâce à un toucher
unique mis au service de l’incroyable musicalité de son instrument.
John Nelson, amiral aux commandes d’un vaisseau philharmonique
qu’il connait bien pour l’avoir dirigé lors de batailles homériques ou
face au diable a, quant à lui, été, une fois de plus, impérial dans cette
œuvre majeure du répertoire pour alto.

Le public était-il préparé à cet Harold en Italie de grande classe ?
Probablement pas. Ceux qui avaient quitté la salle à l’entracte en
furent donc pour leurs frais. Le jeu proprement ensorcelant de
Ridout s’est fondu à merveille dans un orchestre qui lui offrit, en
retour, quelques dialogues de toute beauté notamment avec la
sublime harpe de Salomé Mokdad. Au milieu de ce paysage sonore,
l’alto a ainsi tracé une palette d’ombres et de lumières. Comme un
aigle aux ailes de feu surgissant du crépuscule et de l’arrière de la
salle comme il est de coutume dans cette oeuvre, Timothy Ridout a
transcendé Berlioz avant de délivrer un Hindemith de toute beauté,
pour le plus grand bonheur de spectateurs conquis.

Par Laurent Pfaadt

A écouter :

Michael Spyres, Baritenor, Orchestre philharmonique de Strasbourg, dir. Marko Letonja, Erato
Chez Warner Classics

Timothy Ridout, Britten, Vaughan Williams, Martinu, Hindemith, Orchestre de chambre de Lausanne, dir. James Philipps
Chez Claves records

Jours de Brahms à Baden-Baden

© Manolo Press / Michael Bode

En compagnie du Münchner Philharmoniker, du Würth
Philharmoniker et d’une pléiade de solistes, le Festpielhaus de
Baden-Baden rendait hommage au célèbre compositeur allemand
à l’occasion de la 28e édition de sa Brahmstage

Deux jours étaient au moins nécessaires pour rendre l’hommage
mérité à Johannes Brahms qui séjourna voilà presque 130 ans dans
la station thermale. S’il avait su que des centaines de milliers de
musiciens à travers le monde lui voueraient encore aujourd’hui un
véritable culte, il aurait certainement esquissé un sourire malicieux.
Car cela n’a pas été toujours le cas, notamment lorsqu’il créa son
premier concerto pour piano, hué lors de l’une de ses premières
représentations.

Rien de tel avec Igor Levit et Valéry Gergiev. La complicité entre les
deux hommes apparut très vite évidente. Le Müncher
Philharmoniker qui n’a rien à envier à son homologue de la radio –
bien au contraire – s’est très vite senti à l’aise dans cette œuvre.
Avec sa technique sans faille, mise au service d’une interprétation
somme toute assez classique, Igor Levit a laissé à l’orchestre
l’initiative de l’inspiration. Se produisant avec les plus grands
orchestres du monde, le pianiste russe a endossé le rôle de l’archer,
perché sur les murailles du concerto, et tirant mille et une flèches
étincelantes puisées dans le carquois de l’orchestre. Tantôt pleines
de feu, tantôt gorgées de miel, elles ont ravi, sous les doigts d’Igor
Levit, les spectateurs du Festspielhaus.

Le double concerto bénéficia, lui, d’un meilleur accueil en 1887. Son
interprétation par le Würth Philharmoniker, la violoniste Veronika
Eberle – assurément star en devenir – et le violoncelliste Alban
Gerhardt qui se produisait pour la première fois sur la scène du
Festspielhaus, constitua à n’en point douter le point d’orgue de ces
Brahmstage. Né en 2017 de la volonté et surtout de la passion pour
les arts et notamment pour la musique de l’industriel allemand
Reinhold Würth, et dirigé par le chef italien Claudio Vandelli, le
Würth Philharmoniker constitua indiscutablement la belle surprise
du weekend. L’alchimie entre l’orchestre et les solistes fonctionna à
merveille, tant le plaisir partagé était manifeste et est très vite
devenu contagieux. La faute au pianiste Lars Vogt qui, après avoir
réuni ses amis musiciens, a offert au public un 5e concerto pour
piano de Beethoven absolument divin. Véritable surdoué, capable de
susciter une pléiade d’émotions, Lars Vogt ne s’est pas contenté
d’une simple interprétation mais s’est empressé de réunir ses petits
camarades pour nous interpréter, toujours en compagnie d’un
orchestre qui ne demandait que cela, le final du triple concerto de
Beethoven.

Souvent présenté comme le successeur de Beethoven, Johannes
Brahms s’inscrivit dans une tradition musicale viennoise qui courut
jusqu’au début du 20e siècle. Son influence se diffusa notamment
dans les œuvres de Bruckner et de Mahler. D’ailleurs,
l’interprétation absolument magnifique de la sixième symphonie de
Bruckner par le Münchner Philharmoniker dirigé par son désormais
chef attitré, le Russe Valéry Gergiev, effectua ainsi le trait d’union
entre un Brahms et un Mahler qui d’ailleurs créa cette même
symphonie, en 1899 à Vienne. Déjà perceptible dans le concerto de Brahms, l’orchestre semblait porté par un souffle épique, comme
celui d’un dragon endormi qui vient à se réveiller. Dans cette
symphonie, l’orchestre passa avec autant de maestria de l’héroïsme,
notamment dans la très belle coda de la fin du premier mouvement
au bucolisme le plus sensible grâce à des vents particulièrement
inspirés. Valery Gergiev réussissant une fois de plus à transformer
les rivières souterraines en torrents furieux, le murmure en colère.
Quelque part dans la salle devaient traîner les oreilles du grand
Brahms. Et après ses Brahmstage, nul doute qu’il souriait à nouveau.

Par Laurent Pfaadt

Retrouvez toute la programmation du Festspielhaus de
Baden-Baden sur : https://www.festspielhaus.de/fr/

Les légendes sont de retour…

Herbert Blomstedt et l’Orchestre Philharmonique de Vienne inauguraient la saison de la Philharmonie du Luxembourg

Herbert Blomstedt
© : Philharmonie Luxembourg / Sébastien Grébille

Avec les mythiques Wiener Philharmoniker et Herbert Blomstedt, la
Philharmonie du Luxembourg ouvrait en grande pompe, en ce 4
septembre 2021, sa saison après deux années d’orages et
d’inquiétudes. Il fallait donc bien le cor de la 4e symphonie de
Bruckner pour réveiller nos cœurs endoloris.

Tout commença avec la 8e Inachevée de Franz Schubert. Le chef
suédois, qui vient de fêter ses 94 ans, avait décidé de chevaucher la
tempête qui couvait encore au-dessus du Grand-Duché. Avec des
contrebasses ténébreuses à souhait, le ton était donné, celui d’un
orchestre résonnant comme un être vivant. Revêtu de son
traditionnel habit romantique, l’orchestre, au son si parfait dispensé
par des cordes battant comme un cœur, fut à nouveau à la hauteur
de sa réputation. Blomstedt, tel Hermès le messager, d’un petit geste
de la main, mi-caresse, mi-pichenette, chassa les nuages pour ouvrir
en grand la voûte céleste et inscrire sa symphonie dans quelque
chose qui prit des airs de destinée.

Avec Bruckner, le récit devint odyssée. D’Hermès, Herbert
Blomstedt se mua en Zeus, se saisissant du foudre pour le brandir
dans un premier mouvement tonitruant qui fit trembler une
Philharmonie transformée en Olympe au son de cuivres étincelants
polis par les années américaines du chef. Un sentiment d’achèvement se dégagea ensuite du deuxième mouvement comme
si l’orchestre tenait le monde dans ses bras et le berçait au son de ses
vents enchanteurs. Dieux et légendes se rencontraient avec
Blomstedt en aède post-romantique. Et lorsque retentit la coda,
apothéose et majesté pétrifièrent telle Méduse, une assistance et un
chef qui eut droit à une standing ovation plus que méritée.

La phalange viennoise ouvrit les traditionnels rendez-vous des
Grands Orchestres de la Philharmonie qui verra également se
succéder le London Symphony Orchestra ou la Filarmonia della
Scala menés par les plus grandes baguettes : Sir Simon Rattle, Valéry
Gergiev, Zubin Mehta ou Daniel Barenboïm. Face à ces monuments,
l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg et son désormais chef
emblématique, Gustavo Gimeno, fera résonner son expressivité et
sa couleur dans quelques grandes pages du répertoire. Il sera
accompagné par quelques solistes d’exception comme la « captivante
conteuse », Béatrice Rana qui se produira avec Rachmaninov pour la
première fois dans le Grand-Duché – elle reviendra une seconde fois
avec Yannick Nézet-Séguin et le Symphonieorchester des
Bayerischen Rundfunks – et l’irremplaçable Isabelle Faust, artiste en
résidence, dans le concerto méconnu de Britten. Pour tous ceux qui
préfèreront l’intimité d’une sonate ou d’un quatuor, le programme
leur réservera quelques belles surprises comme cette sonate pour
violoncelle et piano de Dimitri Chostakovitch par Gautier Capuçon
et Yulia Wang ou ce dialogue musical à travers les époques entre la
violoniste Patricia Kopatchinskaja et la violoncelliste Sol Gabetta qui
suscite déjà de magnifiques promesses. Le quatuor Belcea fera
résonner les accords de la célèbre Jeune Fille et la Mort de Schubert
tandis que les génies de demain, en particulier Isata Kanneh-Mason
ou Lucie Horsch à la flûte à bec nous conduiront sur les sentiers de
Gubaidulina, Mozart et Dvorak

Quelques-unes des plus belles voix de notre temps (Diana Damrau,
Cécilia Bartoli, Rolando Villazon ou Joyce Di Donato) viendront
enchanter nos nuits et répondront à celles, plus éclectiques de
Marcel Khalifé et de Gilberto Gil, et électriques de Damon Albarn
(ex-Blur et Gorillaz) et Pat Metheny pour composer au-dessus de
l’écrin de la Philharmonie, un ciel où les légendes de la musique continueront à s’écrire.

Par Laurent Pfaadt

Retrouvez toute la programmation de la Philharmonie sur :

https://www.philharmonie.lu/fr/

Le piano revient au musée

Annulé en 2020, le festival Piano au musée Würth est de retour
avec un programme tout en animalité

Les Métaboles

Privés l’an passé de festival, les amoureux du piano attendaient avec
impatience de pouvoir retrouver le très bel auditorium du musée
Würth et la programmation de cette nouvelle édition. Selon le
souhait des organisateurs, Marie-France Bertrand, la directrice du
Musée Würth et Olivier Erouart, le directeur artistique de Piano au
Musée Würth, il a été décidé de reprendre la programmation et les
artistes programmés l’an passé tout en les insérant dans la
thématique de l’exposition du musée, « Bestia. Les animaux dans la
collection Würth ».

C’est donc en compagnie d’animaux musicaux que les spectateurs
voyageront cette année dans l’histoire de la musique. Le concert de
Clément Lefebvre, lauréat du Concours International Long-Thibaud-
Crespin 2019, constituera, à n’en point douter le point d’orgue de
cette édition. Tel Saint François d’Assise, il dialoguera avec les Petites
Esquisses d’oiseaux d’Olivier Messiaen avant de nous livrer quelques
pièces connues telles Pavane pour une infante défunte ou le tombeau
de Couperin de Maurice Ravel. C’est dans un autre tombeau, celui du
compositeur alsacien Auguste Schirlé, dont on célèbrera le 50e
anniversaire de la mort, que nous convierons le violoniste Joseph
Offenstein et le pianiste Christian Finance.

Claire Désert, autre grand moment du festival, nous conduira dans
les Scènes de la forêt (Waldszenen) de Schuman ainsi que dans les
Préludes de Debussy pour des déambulations, sous ses doigts de fée,
qui promettent d’être oniriques. Celles-ci se poursuivront sous la
baguette de Manuel Mendoza, directeur musical d’EI Sistema-
France qui dirige l’Orchestre symphonique du Conservatoire de
Strasbourg depuis 2016, pour une interprétation du Carnaval des
animaux de Camille Saint-Saëns qui promet d’être haute en couleurs.

L’ensemble des Métaboles dirigé par Léo Warynski et accompagné
au piano par Yoan Héreau et Edoardo Torbianelli, fêtera leurs dix ans
d’existence au Musée Würth avec les Liebeslieder de Johannes
Brahms tandis que le célèbre trio Zadig qui triomphe dans le monde
entier fera une halte à Erstein pour nous emmener dans le répertoire romantique au son du fameux trio l’Archiduc de
Beethoven et des Saisons de Tchaïkovski. Restera au benjamin de
l’édition, Virgile Roche de s’attaquer de la plus belle des manières
aux monumentaux Tableaux d’une exposition de Moussorgski. La
Poule de Rameau sera devenue Baba Yaga et la musique se fera, à
n’en point douter, légende.

Par Laurent Pfaadt

Retrouvez toute la programmation de Piano au musée Wurth sur :

Europäische Kulturtage

Die Auseinandersetzung über die Versprechen Europas geht
auch nach den EKT weiter.

Jazz & Literatur „Gehen oder die Kunst, ein wildes und poetisches Leben zu führen“
Foto: Badisches Staatstheater

Viele digitale Produktionen sind weiterhin im Internet unter
www.europaeische-kulturtage.de abrufbar. Die Ausstellungen
bleiben bis zum Ende ihrer Laufzeit aufgebaut und können, wenn
Museen und Ausstellungshäuser wieder öffnen, vielleicht doch noch
persönlich vor Ort besichtigt werden.

Bleibend ist auch das zu den EKT erschienene Europa-Lesebuch mit
Statements, Essays und Interviews unter anderem von Ursula von
der Leyen, Katarina Barley, Stephan Harbarth, Rebecca Saunders,
Ilker çatak oder Fridays for Future. Das Buch kann unter
www.europaeische-kulturtage.de als pdf heruntergeladen oder
gedruckt unter ekt@kultur.karlsruhe.de bestellt werden.

EKT Karlsruhe
2.5. – 16.5.2021

Pâques russes à Baden-Baden

Festival de Pâques 2021 & 2012

BPhil BB, Kirill Petrenko
© Monika Rittershaus

Le 12 mars en conférence de presse (par Zoom), le directeur général
du Festspielhaus de Baden-Baden, Benedikt Stampa, très entouré, a
présenté l’épine dorsale des deux prochains Festivals de Pâques : 
l’opéra russe autour de Tchaïkovski et Pouchkine en étroite
collaboration avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin 
(représentés par Olaf Maninger, violoncelle solo) et son chef 
Kirill Petrenko.

L’édition 2021 – qui ne peut se tenir aux dates prévues en raison de
la pandémie – sera rattrapée du 6 au 9 mai avec un programme
réduit, celle de 2022 se déroulera l’an prochain du 9 au 18 avril.

Kirill Petrenko, chef principal de la phalange berlinoise depuis 2019,
rappelait la commotion d’avoir dû suspendre Fidelio l’an passé. Ce
printemps, il a fallu « déplacer Pâques en mai », pour préserver cette
collaboration avec le Festival à laquelle il est très attaché et qui
permet au Berliner de cultiver sa tradition d’orchestre de fosse. Il est
très heureux d’offrir aux festivaliers Mazeppa, un opéra avec de
beaux personnages et que Tchaïkovski a innervé de thèmes
folkloriques. L’œuvre entrera au répertoire de l’orchestre et sera
donné en version concertante avec une belle distribution vocale
(dont Olga Peretyatko en Maria, Vladislav Sulimsky en Mazeppa).
Le maestro dirigera aussi deux productions en 2022, toujours de
Tchaïkovski : « La dame de pique » dans une nouvelle mise en scène
de Moshe Leiser et Patrice Caurier et « Yolantha » en version de
concert.

Anna Netrebko

Également programmés au printemps 2022, les trois plus célèbres
ballets de Stravinsky interprétés par les Berliner et trois
prestigieuses sopranos : Asmik Grigorian, Anna Netrebko et Sonya
Yoncheva.

Dans l’immédiat, durant la semaine de Pâques 2021 (du 1er au 5
avril), le Festspielhaus Baden-Baden poursuivra son HausFestspiel 
en streaming gratuit et en direct avec des membres du Berliner
Philharmoniker. Le dimanche de Pâques (4/04) à 17 heures,
l’orchestre au grand complet dirigé par Kirill Petrenko s’invitera sur
Arte avec des œuvres de Tchaïkovsky et Rachmaninov.

Les prochains jours, un « concert expérimental » des Berliner rôdera
les protocoles pour valider un accueil sûr et serein du public comme
des musiciens. Cela permettra de préciser la jauge de mai et d’ouvrir
la billetterie (préventes seulement à partir du 9 avril pour le Festival
2021, mais dès le 18 mars 2021 pour l’édition 2022).

Toutes ces informations sont évidemment données avec les réserves
d’usage en ces temps chahutés. Pour les mélomanes, le mieux est de
vérifier le détail de la programmation sur le site du Festspielhaus.

Par Luc Maechel