Jours de Brahms à Baden-Baden

© Manolo Press / Michael Bode

En compagnie du Münchner Philharmoniker, du Würth
Philharmoniker et d’une pléiade de solistes, le Festpielhaus de
Baden-Baden rendait hommage au célèbre compositeur allemand
à l’occasion de la 28e édition de sa Brahmstage

Deux jours étaient au moins nécessaires pour rendre l’hommage
mérité à Johannes Brahms qui séjourna voilà presque 130 ans dans
la station thermale. S’il avait su que des centaines de milliers de
musiciens à travers le monde lui voueraient encore aujourd’hui un
véritable culte, il aurait certainement esquissé un sourire malicieux.
Car cela n’a pas été toujours le cas, notamment lorsqu’il créa son
premier concerto pour piano, hué lors de l’une de ses premières
représentations.

Rien de tel avec Igor Levit et Valéry Gergiev. La complicité entre les
deux hommes apparut très vite évidente. Le Müncher
Philharmoniker qui n’a rien à envier à son homologue de la radio –
bien au contraire – s’est très vite senti à l’aise dans cette œuvre.
Avec sa technique sans faille, mise au service d’une interprétation
somme toute assez classique, Igor Levit a laissé à l’orchestre
l’initiative de l’inspiration. Se produisant avec les plus grands
orchestres du monde, le pianiste russe a endossé le rôle de l’archer,
perché sur les murailles du concerto, et tirant mille et une flèches
étincelantes puisées dans le carquois de l’orchestre. Tantôt pleines
de feu, tantôt gorgées de miel, elles ont ravi, sous les doigts d’Igor
Levit, les spectateurs du Festspielhaus.

Le double concerto bénéficia, lui, d’un meilleur accueil en 1887. Son
interprétation par le Würth Philharmoniker, la violoniste Veronika
Eberle – assurément star en devenir – et le violoncelliste Alban
Gerhardt qui se produisait pour la première fois sur la scène du
Festspielhaus, constitua à n’en point douter le point d’orgue de ces
Brahmstage. Né en 2017 de la volonté et surtout de la passion pour
les arts et notamment pour la musique de l’industriel allemand
Reinhold Würth, et dirigé par le chef italien Claudio Vandelli, le
Würth Philharmoniker constitua indiscutablement la belle surprise
du weekend. L’alchimie entre l’orchestre et les solistes fonctionna à
merveille, tant le plaisir partagé était manifeste et est très vite
devenu contagieux. La faute au pianiste Lars Vogt qui, après avoir
réuni ses amis musiciens, a offert au public un 5e concerto pour
piano de Beethoven absolument divin. Véritable surdoué, capable de
susciter une pléiade d’émotions, Lars Vogt ne s’est pas contenté
d’une simple interprétation mais s’est empressé de réunir ses petits
camarades pour nous interpréter, toujours en compagnie d’un
orchestre qui ne demandait que cela, le final du triple concerto de
Beethoven.

Souvent présenté comme le successeur de Beethoven, Johannes
Brahms s’inscrivit dans une tradition musicale viennoise qui courut
jusqu’au début du 20e siècle. Son influence se diffusa notamment
dans les œuvres de Bruckner et de Mahler. D’ailleurs,
l’interprétation absolument magnifique de la sixième symphonie de
Bruckner par le Münchner Philharmoniker dirigé par son désormais
chef attitré, le Russe Valéry Gergiev, effectua ainsi le trait d’union
entre un Brahms et un Mahler qui d’ailleurs créa cette même
symphonie, en 1899 à Vienne. Déjà perceptible dans le concerto de Brahms, l’orchestre semblait porté par un souffle épique, comme
celui d’un dragon endormi qui vient à se réveiller. Dans cette
symphonie, l’orchestre passa avec autant de maestria de l’héroïsme,
notamment dans la très belle coda de la fin du premier mouvement
au bucolisme le plus sensible grâce à des vents particulièrement
inspirés. Valery Gergiev réussissant une fois de plus à transformer
les rivières souterraines en torrents furieux, le murmure en colère.
Quelque part dans la salle devaient traîner les oreilles du grand
Brahms. Et après ses Brahmstage, nul doute qu’il souriait à nouveau.

Par Laurent Pfaadt

Retrouvez toute la programmation du Festspielhaus de
Baden-Baden sur : https://www.festspielhaus.de/fr/