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Marc Fernandez, Bandidos

Il est temps d’embarquer une fois
de plus dans cet avion-cargo
déglingué que constitue chaque
nouvelle enquête de Marc
Fernandez. On y est balancé,
secoué, pris de nausée et on ne sait
jamais si on en sortira indemne.

A la suite de la découverte du
cadavre d’une amie, Diego Martin,
journaliste radio, replonge trente
ans en arrière, dans les affres de la
dictature argentine qu’il croyait
avoir, avec la fin des généraux, définitivement oublié. Et pourtant.

De Madrid à Buenos Aires, cette nouvelle enquête dont
l’atmosphère n’est pas sans rappeler Luis Sepulveda ou Caryl Férey
confirme les talents de conteur d’un Marc Fernandez qui n’a pas son
pareil pour guider ses lecteurs à travers cette forêt de spectres sud-
américaine qu’il connait si bien. Ne nous reste plus qu’à suivre les
traces de sang laissées par ces politiciens et mafieux impliqués dans
cette sale affaire jusqu’au dénouement final.

Signalons du même auteur la sortie en poche de Guerilla social club
(livre de poche, 288 p.)

Par Laurent Pfaadt

Preludes, 320 p.

Nathan Hill, Les fantômes du vieux pays

Lorsque s’ouvre la convention
démocrate à Chicago en cette année
1968, la tension est à son comble.
Assassinats de Martin Luther King et
de Robert Kennedy, question raciale,
guerre du Vietnam, les Etats-Unis sont
plus que jamais divisés. Parmi les
manifestants se trouve alors Faye
Andresen-Anderson, la mère de
Samuel, devenu quelques trente ans
plus tard, professeur d’université. Car,
à la suite d’un nouveau coup d’éclat de
sa mère, Samuel va se lancer dans une
quête des origines et découvrir par la
même occasion la face cachée d’un pays qu’il croyait connaître.

Dans ce roman que seuls les Américains sont capables de produire,
on assiste à une véritable radiographie de la nation américaine. Et le
constat que fait l’auteur, qui a mis dix ans à écrire cet ouvrage, est
implacable. A l’image de ses personnages, on alterne entre désarroi,
consternation et  comédie. Rappelant parfois John Irving, Nathan
Hill s’inscrit d’emblée avec ce premier roman comme l’un des grands
auteurs américains de ces dix dernières années, et surtout comme le
chef de file de cette nouvelle génération d’auteurs où l’on trouve
également la brillante Hannah Kohler, qui ose enfin dévoiler l’envers
du décor du rêve américain. Un grand roman assurément.

Par Laurent Pfaadt

Chez Folio,  960 p.

Viet Thanh Nguyen, Le sympathisant

Quelle est la part de trahison qui
sommeille en chacun de nous ? Quel
est le point de rupture au-delà duquel
tout être humain succombe? C’est à
ces questions que le héros du livre de
Viet Thanh Nguyen, Prix Pullitzer
2016, tente de répondre. Son héros, le
sympathisant, est un bâtard, un être
vil dénué de morale. A-t-il une estime
de soi ? Peut-être. Tout au long de
cette longue confession qui
transforme ce récit d’espionnage en
roman existentialiste, le lecteur se le
demande à chaque page.

Conseiller d’un général du Sud-Vietnam, l’homme est en réalité à la
solde des communistes. Exilé aux Etats-Unis, il assistera en
spectateur averti à la transformation du conflit en instrument de
propagation du mythe américain. Cynique, non dénué d’humour, le
roman se veut alors politique et son grand mérite est de ne jamais
verser, à travers ses diverses mues, dans le manichéisme. Car après
tout, la guerre n’est jamais manichéenne. Au contraire de la paix. Et
de cette lucidité, l’auteur en tiré un livre grandiose.

Par Laurent Pfaadt

10/18, 552 p.

Les étoiles noires

Voyage dans
l’aéronautique nazie.

Michel Heurtault
signe une fresque
épique réussie

Un roman comme une
fusée. Une ambition
presque démesurée. Un rêve inatteignable. Dépasser le genre humain.
Voilà à quoi pourrait se résumer les desseins de l’auteur et de ses
personnages. Car lorsque l’on entreprend un tel voyage, personne ne sait
où il mènera. Et il faut dire qu’à l’instar de ses personnages, le voyage
littéraire que nous propose le nouveau roman de Michel Heurtault va
bien au-delà de ses buts initiaux. Cette épopée spatiale et humaine
propulse ainsi son lecteur dans une contemplation stratosphérique de
l’Histoire, bien au-delà de la surface de la terre, bien plus haut que ces A2,
prototypes d’une mort à venir, qui s’élevèrent dans le ciel de Frise durant
ces années 30 sous les regards admiratifs d’un aréopage assoiffé de
vengeance sans savoir que les rêves de quelques-uns allaient devenir,
quelques années plus tard, les cauchemars de millions d’autres. Parmi
l’assistance où les masques dessinés par Michel Heurtault ne sont pas
encore tombés, se cachent les futurs traîtres, héros et criminels. Seuls
quelques-uns savent qu’il faudra choisir son camp. 

Anton, lui, perçoit le danger à venir grâce notamment à la
clairvoyance d’une femme, Hanne. Notre héros ne rêvait que de
voyage interstellaire et d’étoiles. Il récolta massacres et têtes de
mort. Ses rencontres, d’abord avec le petit génie d’un Troisième
Reich soucieux de contourner le traité de Versailles en matière de
réarmement, Wernher von Braun, le futur architecte des missiles
V2, et surtout avec deux femmes, Hanne et son caractère d’airain
qu’il n’aura de cesse de vouloir séduire, et la belle Adriane vont
décider de son destin.

Grâce à une construction narrative en tout point maîtrisée qui allie
avec bonheur érudition et suspense, l’ouvrage de Michel Heurtault
se lit d’une traite malgré ses quelques sept cent pages. Cette fresque
épique construit une tension qui suit intelligemment la montée des
périls en Europe et déroule sa dramaturgie sur les ravages et la
barbarie de la guerre, bien aidée par une galerie de personnages qui
se complètent à merveille. Il permet surtout au lecteur d’observer
ces hommes et ces femmes se débattre, parfois en vain, avec leurs
idéaux, leurs engagements et surtout leurs consciences.

De l’euphorie berlinoise à l’atroce bombardement de Dresde en
passant par les exactions des SS sur le front russe, Anton va
comprendre, parfois à ses dépens, que des idéaux placés dans de
mauvaises mains, peuvent s’avérer des armes redoutables. Ce cœur
qui haïssait la guerre
, pour emprunter ces vers à Robert Desnos, va
très vite comprendre que ses fusées et ses utopies de jeunesse,
ayant pénétré les orages d’acier qui recouvrent l’Allemagne et
l’Europe, sont devenues des machines de mort. Rongé par la
culpabilité, il n’aura de cesse de vouloir détruire cet énième épigone
de Frankenstein. Mais le mal était fait…

Par Laurent Pfaadt

 Michel Heurtault,
Ce cœur qui haïssait la guerre,
Chez Albin Michel, 687 p.

Mausolée de papier

Les éditions des
Syrtes achèvent la
publication de
l’œuvre poétique de
Marina Tsvetaeva

L’une des grandes
voix russes, Marina
Tsvetaeva (1892-
1941), peut
désormais être lue de tous les Français. Trois ans après la
publication de sa Poésie lyrique, les Grands poèmes sont désormais
disponibles et viennent compléter l’œuvre monumentale de celle qui
fut l’amie de Pasternak et de Rilke.

Comme dans sa Poésie lyrique, ces Grands poèmes, du Magicien écrit
en l’honneur du poète Ellis  qu’elle admira jusqu’aux poèmes
inachevés et le très beau Poème sur la famille du tsar permettent
d’apprécier le style si particulier de Tsvetaeva. Les nombreuses
expériences de sa vie personnelle qui connut tumultes et fracas
servent de matière créatrice aux vers de la poétesse. Qu’il s’agisse
de politique, de folklore (Sur le cheval rouge) ou d’amour, tout devient
chez elle poésie. Les poèmes d’amour sont d’ailleurs d’une beauté
stupéfiante, emprunte d’un mysticisme rarement égalé au vingtième
siècle comme dans celui qui est peut-être le plus connu de tous, le
Poème de la fin,
composé en 1924 à Prague et qui enchanta l’auteur
du Docteur Jivago. « Et c’est le quai. Le dernier. C’est tout. Séparés et sans
main. Nous avançons en timides voisins. Du côté de la rivière/Des pleurs.
Je lèche en passant/Le mercure salé qui descend. Le firmament n’a pas
envoyé, à la rencontre/Des larmes l’énorme lune de Salomon »
écrit-elle
pour relater la rupture avec son amant, Konstantin Rodzevitch.

La luminosité de ses mots se manifeste avec encore plus de brillance
dans ses poèmes-contes, forme hybride de composition, qui
rayonnent de couleurs épiques et baroques. Ces œuvres semblent
ainsi faire le lien avec la littérature russe depuis le XVIe siècle. Mais
à chaque fois, derrière le paravent épique, se révèle la véritable
nature du texte qui renvoie à l’existence même de Marina Tsvetaeva.
Ainsi dans la Princesse-amazone (1920), décèle-t-on derrière ces
vers: « Ainsi, une larme après l’autre, un rayon après l’autre/Dans ce
miroir merveilleux – du côté du couchant –/Sans cesse se répète leur
deuxième rencontre »
cet amour inassouvi, ce manque affectif qui
irrigue toute l’œuvre de la poétesse.

Ce livre est également l’occasion de rendre hommage à Véronique
Lossky, l’une de nos plus grandes traductrices, disparue le 17 mars
2018 et qui avait consacré sa vie à Marina Tsvetaeva. A l’image des
serviteurs des rois d’antan qui s’inhumaient dans le tombeau du
défunt afin de les accompagner dans l’au-delà, Véronique Lossky est
entrée avec son héroïne dans ce mausolée de papier après en avoir
terminé la construction. Aujourd’hui, elle converse avec elle. Ne
reste plus, à nous lecteurs, qu’à découvrir l’œuvre immense et
majestueuse de l’une des plus belles voix russes et à méditer ces
derniers vers tirés d’un fragment du Poème sur la famille du tsar :
« Que demandait-elle/Au bord de la fin/Prière pour la Russie/Ta patrie ».

Par Laurent Pfaadt

Marina Tsvetaeva, Grands poèmes,
éditions des Syrtes

Un renard parmi les loups

Nouvelle biographie
passionnante
d’Erwin Rommel

Depuis quelques
années déjà, les
éditions Perrin ont
entrepris de publier les biographies des principaux acteurs militaires
de la seconde guerre mondiale : Joukov, Patton, van Manstein etc.
Ce nouvel opus consacré à Erwin Rommel, l’un des stratèges les plus
connus du second conflit mondial et objet de plusieurs ouvrages, se
révèle passionnant à plus d’un titre. D’abord parce qu’il est signé par
l’un des plus grands spécialistes du maréchal, Benoît Rondeau, déjà
auteur d’un remarquable ouvrage sur l’Afrikakorps, l’armée de
Rommel. Ensuite, parce qu’il permet de mieux cerner ce personnage
ambigu et de mettre en lumière ses contractions aussi bien
militaires que psychologiques.

Benoît Rondeau entraîne ainsi son lecteur tout au long de ce destin
qui se confondit avec celui de l’Allemagne que l’on croise au congrès
de Nuremberg en 1936 où Rommel fut chargé de la sécurité d’Adolf
Hitler, sur les dunes africaines où Rommel construisit, à l’ombre des
mythiques pyramides, sa légende, ou en France où il multiplia succès
et erreurs.

Officier durant la Première guerre mondiale, Rommel se rallia très
vite à l’ancien caporal et devint l’un de ses soldats les plus
impétueux. Pendant la campagne de France en 1940, il manifesta
une témérité qui séduisit Hitler, n’hésitant pas à désobéir à son
supérieur, le général Hermann Hoth. Sa profonde connaissance du
personnage permet fort heureusement à Benoît Rondeau de ne pas
tomber dans une hagiographie qui serait forcément réductrice et
nuirait à la pertinence du propos. C’est ainsi qu’il ne passe pas sous
silence les crimes de guerre commis par des soldats de l’auteur de la
guerre sans haine
à Quesnoy-sur-Airaines, le 8 juin 1940 sans pour
autant incriminer Rommel.

C’est bien évidemment dans le désert brûlant de l’Afrique du Nord
que Rommel édifia son mythe, bien desservi au demeurant par une
propagande nazie soucieuse de montrer la supériorité de la
Wehrmacht sur les Britanniques. Un néologisme, Rommeln, qui veut
dire foncer en profondeur sur les arrières de l’ennemi, est même
inventé. En septembre 1942, Rommel est alors au faîte de sa gloire.
Il est devenu le Renard du désert. Goebbels écrit même que «
Rommel est le prochain commandant de l’OKH »
c’est-à-dire le futur
chef de la Wehrmacht. Mais la seconde bataille d’El Alamein décrite
de l’intérieur par un Benoît Rondeau maîtrisant parfaitement les
considérations tactiques, constitua, à juste titre, et selon les mots de
l’auteur, sa Némésis.

Rommel s’accommoda ainsi parfaitement d’un régime et d’un Führer
tant que ces derniers desservaient son insatiable ambition. «
L’ambitieux colonel reste sous le charme d’Hitler dont il apprécie à la fois
l’ascétisme et le courage »
écrit ainsi Benoit Rondeau à la veille de la
seconde guerre mondiale. Mais la roche tarpéienne fut pour lui, plus
qu’aucun autre, proche du Capitole. Ayant rêvé de marcher dans les
pas du Bonaparte d’Alexandrie, il suivit ceux du Napoléon de la
Bérézina et de l’abdication. Reste son implication dans le complot du
20 juillet 1944 et son suicide forcé. Il fallait aux conjurés un leader. Il
n’entra qu’à reculons dans la conjuration mais suffisamment pour se
compromettre. Le mythe devint comme Saturne, il dévora ses
propres enfants. Au final semble dire Rondeau, Rommel s’est voulu
loup mais ne l’a jamais été. Il a certes louvoyé mais s’est dérobé. Et
les loups ont fini par le dévorer.

Par Laurent Pfaadt

Benoit Rondeau, Rommel,
coll. « Maîtres de guerre »,
Chez Perrin, 480 p.

Nouvelles lumières, nouvelles étoiles

Comme ses
précédentes, la
nouvelle saison de la
Philharmonie du
Luxembourg brillera
de mille feux

Le ciel est là dans son écrin architectural grandiose. Ne manque plus
que les lumières et les étoiles pour le faire briller. Et ces dernières
seront, une fois de plus, légion. Des artistes de légende, des
orchestres incroyables, des rencontres musicales stupéfiantes
viendront émailler la nouvelle saison de la Philharmonie du
Luxembourg.

Il faut bien un commencement et c’est un prodige du violon, peut-
être le plus grand, Leonidas Kavakos, qui ouvrira cette saison en
compagnie de l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg dirigé
par son très respecté chef, Gustavo Gimeno. Il a choisi Stravinsky
quand d’autres violonistes opteront pour Mozart (Anne-Sophie
Mutter), Chostakovitch (Maxim Vengerov), Beethoven (Vilde Frang
et Isabelle Faust) ou Bartók (Lisa Batiashvili). Sol Gabetta, Gauthier
Capuçon et Jean-Guihen Queyras accompagneront au violoncelle
ces cordes enflammées. Du côté des claviers, Yuja Wang, artiste en
résidence de cette saison, Yefim Bronfman, Lang Lang, Murray
Perahia, Daniil Trifonov, Sir Andras Schiff, Hélène Grimaud, Grigori
Sokolov, Pierre-Laurent Aimard viendront faire résonner les accords
d’une sonate n°8 de Prokofiev en ressuscitant l’ombre du grand
Gilels, les impromptus de Schubert, les structures de Boulez ou
quelques concertos de Beethoven. Comme chaque année, des
instruments et instrumentistes moins connus seront à découvrir tels
l’organiste Iveta Apkalna ou le percussionniste Wieland Wetzel qui
nous fera apprécier le concerto pour timbales de William Kraft.

Les grandes voix de notre temps ne seront évidemment pas oubliées
et Joyce Di Donato, Cecilia Bartoli, Magdalena Kozena, Anja
Harteros, Miah Persson très attendue dans la quatrième de Mahler,
Thomas Quasthoff ou la soprano Kristine Opolais qu’il faudra
absolument découvrir dans un répertoire russe tout comme la basse
Petr Migunov dans la terrifiante treizième symphonie de
Chostakovitch seront au rendez-vous.

Pour accompagner tout ce beau monde, il faudra quelques
phalanges venues de Vienne, d’Amsterdam, de Londres, de Berlin ou
de Rome avec à leur têtes de brillants chefs. Les sages (Blomstedt,
Chailly, Ashkenazy, Haitink, Rattle, Jansons ou Temirkanov)
côtoieront leurs disciples (Dudamel, Nelsons, Grazinyte-Tyla ou
Petrenko) pour nous délivrer des interprétations qui resteront à n’en
point douter dans toutes les mémoires. Et les Requiem de Mozart et
de Verdi avec Gardiner et Herreweghe prendront alors des airs de
triomphe ! Au milieu de cette joyeuse bataille, l’OPL et son chef
Gustavo Gimeno continuera, saison après saison, concert après
concert, tournée après tournée, de tracer cette route qui
l’emmènera à n’en point douter, d’ici quelques années, vers les
sommets musicaux européens.

Sortir des sentiers battus, telle est toujours la volonté affichée de la
Philharmonie. Et cette année, nos guides s’appelleront Brad
Mehldau, autre artiste en résidence, ou Gregory Porter qui
transformera la Philharmonie en club de jazz tandis qu’Anouar
Brahem, Rokia Traoré et Angélique Kidjo viendront instiller un peu
d’Orient et d’Afrique dans ces murs. Au final, qu’elles soient
mélancoliques ou étincelantes, noires ou dorées, toutes ces étoiles
resteront dans nos yeux et surtout dans nos oreilles.

Par Laurent Pfaadt

Retrouver toute la programmation 2018-2019 de la Philharmonie du
Luxembourg sur : 
https://www.philharmonie.lu/fr/

Interview Vanessa Benelli Mosell

« KarlHeinz
Stockhausen
fut l’une
des principales
influences des groupes
pop rock
expérimentaux »

Riche en
commémorations,
2018 célèbre également le 90
e anniversaire de la naissance de
KarlHeinz Stockhausen, l’un des compositeurs majeurs du 20
e
siècle. Rencontre avec l’une de ses dernières élèves, la pianiste
italienne Vanessa Benelli Mosell.

Comment qualifieriez-vous la musique de KarlHeinz
Stockhausen en particulier son œuvre pour piano ?

Elle a constamment évolué. Mais l’une des particularités de la
production stockhausenienne est la recherche sonore, un domaine
dans lequel le compositeur a investi beaucoup de temps et d’énergie
durant toute sa vie. Ses recherches sur l’expérimentation
électronique musicale l’ont conduit à être l’un de pionniers de la
musique électroacoustique puis de la spatialisation sonore. Cette
tridimensionnalité ou pluridimensionalité du son est extrêmement
présente dans ses premières œuvres pour piano.

L’autre principale caractéristique de son œuvre réside dans sa
méthode d’écriture issue du sérialisme et du ponctualisme
webernien qu’il étend aux groupes de notes, de rythmes, de mesures
et de morceaux. Le sérialisme est à la base de la construction
structurelle de ses premières œuvres.

Vous avez été l’un de ses derniers disciples. Quel genre de
professeur était-il ? 

Il était un professeur charismatique, exigeant voire intransigeant. Il
m’incitait à donner le meilleur de moi-même et m’a transmis sa
passion pour les détails et l’exploration de l’inconnu. Evidemment, il
était aussi très sensible et il adorait parler italien avec moi, une
langue qu’il maîtrisait parfaitement, pour me mettre à l’aise,
j’imagine.

Avec le développement des nouvelles technologies, pensez-vous
que Stockhausen a ouvert la voie avec d’autres compositeurs à une
démocratisation de la musique classique mais également de la
musique tout court ?

C’est certain. Avec ses recherches sur l’expérimentation
électronique, il participa activement à l’évolution de la musique rock
des années 60 qu’il influença énormément. Même avant avec des
morceaux d’électronique analogique sur bandes magnétiques
coupées à la main et plus tard avec l’utilisation du synthétiseur, il fut
l’une des principales influences des groupes pop rock
expérimentaux. Les Beatles lui rendirent d’ailleurs hommage en
mettant sa photo sur la couverture de leur album “Sgt Pepper’s
Lonely Hearts Club Band”. Dans le monde classique, il a bien
évidemment ouvert la voie, entre autres, à l’électronique digitale,
inconnue encore à son époque.

La musique contemporaine étant souvent difficile à
appréhender, quel héritage laissera selon vous Stockhausen dans
l’histoire de la musique ?

Pour moi Stockhausen est déjà un grand compositeur de musique
classique. Cependant, tout dépendra des musiciens qui peuvent
changer, d’une manière ou d’une autre, l’héritage de l’histoire de la
musique.

Par Laurent Pfaadt

A écouter de Vanessa Benelli Mosell : Claude Debussy Préludes, livre 1 Suite bergamasque, Decca, 2018
R(Evolution), Decca, 2015

Défilé de morts

Puissant et profond, le
nouveau roman d’Ingrid
Thobois est l’une des belles
surprises de cette rentrée
littéraire.

Le livre refermé, la tentation
est grande de voir à quoi
ressemblait Inela Nogic, cette
jeune fille qui durant le siège
de Sarajevo gagna le concours
de beauté de la ville, offrant
ainsi au monde entier un acte
incroyable de résistance et au
groupe U2 l’un de ses plus célèbres titres.

Si le nouveau roman d’Ingrid Thobois porte le titre éponyme de la
célèbre chanson, elle n’en est qu’un prétexte. Bien entendu, on y
croise Inela confectionnant sa robe, se peroxydant les cheveux ou
discutant avec sa mère Vesna et son frère Zladko. Mais l’important
est ailleurs, à Rouen plus précisément. Car c’est bien de cette ville
française, qui n’a de prime abord aucun lien avec la cité martyre
serbe, qu’il est question dans le livre et de cet appartement où sont
enfermés les spectres de Joaquim, photographe de guerre qui a vécu
la préparation du concours à Sarajevo, dans l’intimité de la famille
Nogic.

Joaquim est entré dans cette Bosnie en guerre presque par hasard.
Mais surtout, à travers son récit très bien construit par l’auteur, il n’a
eu de cesse de croiser ces fantômes qui peuplent son existence : sa
sœur suicidée, sa mère devenue très vite l’ombre d’elle-même, son
père absent, cet enfant qui n’est pas né et Ludmila, cette professeure
bosniaque exilée qui se dérobe. Car l’ancien appartement de ses
parents à Rouen est devenu ce cimetière où règnent les spectres de
Joaquim.

Grâce à un récit fluide, Ingrid Thobois parvient admirablement à
montrer la quête impossible d’un enfant à la recherche de ses
parents devenu un homme à la recherche de son histoire et de
l’Histoire avec un grand H. Joaquim fixe sur la pellicule cette vie qu’il
essaie vainement de construire. Entre les affres de la guerre, de
Sniper Alley et ceux bien plus terrifiants des souvenirs familiaux et
des tabous, l’auteur décrit à merveille les ressorts et les psychoses
qui sous-tendent chaque être humain, ainsi que cette subtile
maîtrise des sentiments et de l’image que l’on souhaite donner de
soi. La routine, morbide à Rouen, devient exceptionnelle à Sarajevo.
« Mais en vérité, c’est que le temps passe sur tout, y compris sur les
tragédies »
écrit-elle. C’est à la fois terrifiant et terriblement
encourageant.

Par Laurent Pfaadt

Ingrid Thobois, Miss Sarajevo,
Buchet/Chastel, 2018

15. Staufener Stadtgeschichten

Ritter, Trommler und Gaukler

Von Anja Frisch

Hunderte Mitwirkende inszenieren beim großen
Freilicht-Festival zw
ölf Jahrhunderte Staufener
Geschichte.

Ganz Staufen wird zur Bühne, wenn mehr als 800
Einwohnerinnen und Einwohner zusammen mit G
ästen
aus Nachbarorten und Musikern aus ganz
Deutschland auf den Pl
ätzen und Straßen Szenen
aus der Geschichte ihrer Stadt darstellen. Die
historische Altstadt unterhalb der
eindrucksvollen Burgruine verwandelt sich in eine
Art begehbares Geschichtsbuch, das eine Zeitreise
durch die Jahrhunderte erm
öglicht. Vom 21. bis
23. September zeigen die Akteure Bilder, Szenen
und St
ücke aus der facettenreichen Geschichte der
Stadt, die als Ansiedlung urkundlich erstmals 770
erw
ähnt wurde. Tänzer und Tavernengesang begegnen
dem Besucher ebenso wie mittelalterlich gewandete
M
ägde und Gaukler, historische Händler und
Handwerker sowie badische Revolution
äre. Auf
einem
Bauernhof mitten im Städtchen neben der
Kirche tummeln sich G
änse, Schafe, Esel, Ziegen,
Schweine und H
ühner; Bauern und Bäuerinnen
pressen Apfelsaft, spinnen Wolle, binden Besen
und ziehen Kerzen.

Bis ins 20. Jahrhundert hinein führt der
Spaziergang durch die Historie, zum Beispiel
stellen mehr als einhundert Kinder und
Jugendliche Geschichten
über den Bergbau, die
Fl
ößerei und die wilden 1968er Jahre dar. In
Szene gesetzt und unterst
ützt werden die Amateure
durch moderne Ton- und Lichttechnik und
ausgebildete Maskenbildnerinnen. Entstanden 2003
zun
ächst als Herbstveranstaltung des örtlichen
Gewerbevereins, wird die beliebte Veranstaltung
seit 2008 federf
ührend vom Förderverein für
au
ßergewöhnliche und unterhaltende Staufener
Theaterkultur (FAUST) gemeinsam mit Gewerbeverein
und Stadt organisiert. Sie beginnt
am Freitag,
21.September, 18 Uhr, mit dem Aufmarsch der
Stadtwache und dem Programm
Menschen und Musik
aus 1248 Jahren
, ab Samstag, 13 Uhr, treten die
Akteure in ihren historischen Kost
ümen zwei Tage
lang in Aktion, und am Samstag Abend um 18.30 Uhr
beginnt ein
mittelalterlicher Wettstreit der
Barden und Spielleyt um das goldene Huhn
, bevor
um 20:30 Uhr ein Zug im Fackelschein stattfindet
und um 21.30 Uhr ein Konzert der Spielleute
Die
Streuner
beginnt. Kindern bietet das Festival
ein Ritterturnier, ein Märchenzelt und ein großes
Gauklerzelt. Gezeigt werden zudem Theaterst
ücke
über Doktor Faustens Tod, über Albert Hugard
sowie zum Staufener Spital.

Zeitreise Stadtgeschichten Staufen 21. bis 23. September, Information unter www.stadtgeschichten-staufen.de