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André Evard

© Claude Menninger

C’est en 2005 que
Jürgen A.Messmer
fonde la galerie du
même nom en
mémoire de sa fille
Petra trop tôt
disparue. La
première
exposition rendait hommage au peintre et dessinateur suisse André Evard en
l’honneur duquel un prix international décerné à de jeunes
artistes a été créé.

La galerie Messmer qui a présenté de nombreux artistes tels
George Braque, Pablo Picasso, Salvador Dali, Raoul Dufy,
Victor Vasarely et bien d’autres grands noms, renoue cet été
avec la prédilection affichée de Jürgen A.Messmer pour les
œuvres d’André Evard.

Né en 1876 à Renan dans le Jura suisse, l’artiste part vivre à
la Chaux-de-Fonds puis s’installe à Paris de 1923 à 1927 où il
côtoie George Braque, Théo van Doesburg, Robert Delaunay
au Salon d’Automne ou à celui des Indépendants.

Très vite, on le considère comme un peintre d’avant-garde et
son style influencé par le pointillisme et l’expressionnisme lui
donne une place toute particulière entre cubisme et
constructivisme. Car André Evard n’a cessé d’osciller entre
l’art abstrait et l’art figuratif et de mélanger les genres pour
développer un style singulier, identifiable entre tous.

Inspiré par la nature, d’où le titre de l’exposition « Farben der
Natur » (Couleurs de la nature), André Evard a peint moult
natures mortes et paysages pour se tourner définitivement
vers une vision panthéiste et figurative de la nature. Les
œuvres accrochées à la galerie en témoignent, les couchers
de soleil embrasent l’horizon jusqu’à le transcender, les
nuages s’étirent, flamboient dans le bleu ou le rose, les
arbres en fleurs font vibrer la toile…

C’est une nature débordante de vie que le peintre nous
octroie dans une profusion de couleurs vives parfois insolites
mais qui expriment toujours la quête de la lumière pure. Ces
couleurs prégnantes où dansent le rouge, le bleu, le jaune, le
rose nous en mettent plein les yeux pour nous inviter à
entrer dans les tableaux de l’artiste jusqu’à nous immerger
dans un bain de lumière qui a partie liée avec notre cosmicité
et notre part d’éternité. André Evard possède le don de nous
restituer le rythme du monde car comme nous le rappelait
Bachelard « L’Art est l’écoute de notre voix intérieure », cette
voix, le peintre la porte jusqu’aux marges de l’infini où elle
entre en résonance avec la nôtre dans une parfaite harmonie
avec le temps qui nous traverse, nous fait et nous défait.

Françoise Urban-Menninger

Galerie Messmer à Riegel dans le Kaiserstuhl

Jusqu’au 9 Septembre 2018

 

Cléone au musée Würth d’Erstein

Photo Claude Menninger

La passion chevillée
au corps

Hélène de Beauvoir, dont je
m’abstiendrai de préciser
qu’elle est la sœur de…,
collectionne depuis peu les
hommages alors qu’elle aurait
tant souhaité être reconnue de
son vivant ! Lors d’une
rencontre avec l’artiste à
Goxwiller où elle m’avait invitée
à la fin des années 90, Hélène
de Beauvoir déclarait « avoir été oubliée » par Paris mais
également par les protagonistes de l’art officiel de la région.

Désabusée mais d’une énergie toujours débordante, elle
m’avait reçue alors qu’elle achevait une œuvre monumentale
réalisée sur plexiglas. Le souvenir vivace de cet après-midi
ensoleillé d’automne, c’est celui d’ une confidence
inattendue. Sur un ton espiègle, elle m’avait déclaré laisser
dans chacun de ses tableaux une note d’humour
compréhensible d’elle seule, « c’est mon petit secret », avait-
elle ajouté malicieusement.

Cette note drolatique, je l’ai retrouvée dans les créations que
Cléone dédie à Hélène de Beauvoir sous l’intitulé « La
passion chevillée au corps ».

L’ode à la féminité de la styliste fait évidemment écho aux
tableaux de l’artiste bien en avance sur son temps quant à la
définition de ce que l’on appelle aujourd’hui le féminisme.

Cléone, comme Hélène de Beauvoir a connu la notoriété à
Paris avec sa maison de couture, puis à son instar, elle s’est
installée en Alsace avec son atelier à la Petite Pierre et sa
boutique à Strasbourg rue des Hallebardes. Sa « griffe » est
maintenant signe d’élégance et de magnificence à
Strasbourg, Paris ou New York !

La styliste qui se plaît à jouer du noir et du blanc dialogue en
toute liberté et complicité avec les gravures épurées
d’Hélène de Beauvoir. « Le noir est la couleur de l’élégance »,
affirmera Cléone lors du vernissage de son exposition et
d’invoquer l’histoire du costume alsacien.

On ne peut que tomber sous le charme de ses robes
agrémentées de dentelles vénitiennes, cousues et brodées
avec des perles fines de Murano. On se prend à rêver devant
« Les gondoliers » peints en 1960 par Hélène de Beauvoir en
revêtant une robe azurée créée par Cléone qui nous invite à
prendre le large entre ciel et mer…

Devant les toiles « Neige à Courchevel » et des « Skieurs », la
robe de Cléone floconne dans une grâce immaculée,
intemporelle qui flotte tel un poème de lumière.

On retiendra également, l’image belle, envoûtante d’une
robe flamboyante qui semble entrer en dansant dans une
toile d’Hélène de Beauvoir pour s’embraser dans une
rencontre qui transcende tous les écrits et que seule l’âme
peut saisir…

La styliste qui adore les matières premières crée des « robes
transformables », elle leur ajoute comme Hélène de
Beauvoir, des petites notes magiques qui font la différence
et identifient sa griffe.

Ainsi les poches d’une robe noire deviennent-elles de petits
masques ! Cléone ne cesse d’innover et de se réinventer au
fil de ses découvertes au quotidien. Les bris d’un rétroviseur
sont recyclés, peints en blanc, bleu, dorés ou argentés, ils
sont incrustés tels des bijoux dans une ceinture aux allures
stellaires, une énorme épingle à nourrice se transforme en
fermoir de choix…

Nul doute que « La passion chevillée au corps » de Cléone
rejoint celle du bonheur de peindre d’Hélène de Beauvoir !
Ces deux femmes exceptionnelles illustrent à merveille la
prédiction d’une autre femme au destin fabuleux, celle de
Simone Veil 
qui affirmait que « Le changement passera par
les femmes » !

Françoise Urban-Menninger

Jusqu’au 9 septembre 2018

Le livre à emmener à la plage

The Expanse, tome 1 (L’Eveil du
Leviathan) et 2 (La guerre de
Caliban)

Si Jim Holden vous est encore
inconnu, il est grand temps de vous
précipiter sur les deux premiers
volumes de la saga The Expanse de
James SA Corey, qui a déjà conquis
trois millions de lecteurs dont
500 000 en France et est devenue
une série télévisée.

Tout débute par la découverte dans
un vaisseau abandonné d’informations secrètes par Jim Holden,
second d’un vaisseau de transport de glace. L’homme que rien ne
prédestinait à se retrouver là, va devenir le héros de cette saga,
tenant dans ses mains, sans le savoir, le sort de la galaxie. Car déjà
pointent à l’horizon les dangers à venir : invasion extraterrestre et
conspirations politiques en tout genre. Holden devient vite le
témoin gênant qu’il faut éliminer. De Saturne à la Terre en passant
par Ganymède, ce concentré d’actions et d’intrigues politiques ne
vous lâchera pas. Alors prêt à embarquer sur le Rossinante ?

Par Laurent Pfaadt

Chez J’ai lu, 912 p chacun

Le livre à emmener à la plage

David Grann, La note américaine

Après la jungle sud-américaine,
David Grann s’est lancé à l’assaut
des sommets rocailleux de
l’Oklahoma pour une nouvelle
aventure littéraire qui n’en est
pas moins aussi périlleuse. Le
journaliste américain, auteur de
Lost City of Z, ne change pas
d’époque mais d’univers pour se
lancer sur la piste des
mystérieuses morts des Indiens
Osages. Pendant cinq ans, il a
mené une enquête qui l’a conduit en 1921, sur les chemins
tortueux d’une vaste conspiration visant à déposséder cette tribu
indienne de leurs terres.

Et pourtant, ceux qui les avaient décimés au siècle précédent
croyaient en avoir terminé en les confinant sur cette terre
inhospitalière. Ils ne se doutaient pas que le sous-sol regorgeait de
cet or noir qu’il allait faire la fortune des Osages et décupler la
jalousie de leurs ennemis.

A travers l’histoire de la famille Lizzie, David Grann signe une
histoire vraie en forme de thriller où les derniers feux du Far-
West côtoient un vingtième siècle plein de promesses et de
fureur, et où le whisky tue aussi efficacement que les balles de
cette nouvelle police fédérale baptisée FBI. Lisez et vous
comprendrez pourquoi Martin Scorsese n’a pas hésité avant de
s’emparer de cette histoire incroyable !

Par laurent Pfaadt

Chez Globe, 326 p. 

Le livre à emmener à la plage

Omar Robert Hamilton, la ville gagne toujours

Le réalisateur anglo-égyptien
Omar Robert Hamilton se
trouvait en 2011 sur la place
Tahrir lorsque se déchaîna la
révolution qui aller chasser
Hosni Moubarak. Il en ramena ce
livre nominé pour le prix de
littérature arabe 2018. La ville
gagne toujours
est l’histoire de
trois amis projetés dans le
tourbillon de l’histoire, celle de cette place Tahrir qui a occupé les
écrans du monde entier, de ce dictateur chassé, remplacé par un
autre et de ces rêves devenus désillusions.

Parce qu’au fur et à mesure que l’on suit durant ces deux années
qui menèrent l’Egypte d’un dictateur à un autre, Khalil, Mariam,
Hafez réunis au sein du collectif Chaos qui diffuse sur les réseaux
sociaux informations sur la révolution, exactions des militaires et
des intégristes qui se disputent le pouvoir, on est parcouru de
sentiments ambivalents où la déception d’une révolution matée
côtoie l’espoir que tout cela n’a pas été vain. Nos trois héros
représentent à merveille cette ambivalence avec leurs utopies et
leurs espoirs déçus. Le livre est écrit comme on tient une caméra à
l’épaule : toujours au cœur de l’action et bien décidé à ne rien
cacher. Véritable coup de poing, le roman de cette révolution
avortée recèle un formidable message d’espoir : celui que tout
n’est jamais perdu.

Par Laurent Pfaadt

Chez Gallimard, 352 p.

Le livre à emmener à la plage

Matthew Neill Null, Le miel du lion

Des pionniers à la solde d’une
compagnie industrielle
déboisent des forêts
inhospitalières de Virginie-
Occidentale au début du siècle
dernier. Parmi eux, ceux que l’on
surnomme très vite « les Loups
de la forêt » s’organisent en vue
de commettre des actes violents
(grèves, attentats, sabotages).

Le premier ouvrage de Matthew Neill Null est un condensé de
violence, envers l’environnement mais surtout entre les êtres
engagés dans une lutte à mort. Il y a assurément du Ron Rash dans
ces pages et certaines scènes font penser au Serena de ce dernier.
Neill Null montre ces hommes refusant cette nouvelle mutation
du capitalisme qui s’apparente dans ces paysages presque
apocalyptiques à une nouvelle forme de servitude. Sorte d’énième
roman sur les bannis de la terre où seule la révolte violente peut
leur permettre de sortir de leur condition d’humilié et de leur
misère sociale, le livre de Neill Null est également un combat sans
cesse renouvelé contre sa propre conscience. La liberté se gagne,
se mérite semble dire l’auteur, y compris en bravant sa conscience
et en transgressant les lois. Dans le miel du lion, tous n’auront pas
le courage de se salir les mains.

Par Laurent Pfaadt

Chez Albin Michel, 432 p.

Le livre à emmener à la plage

Robert Olen Butler, L’appel du fleuve  

Deux frères que la guerre du Vietnam a séparés reprennent contact à l’occasion de l’hospitalisation de leur
père. Robert, devenu prof de fac, y était
tandis que son frère Jimmy a fui au
Canada pour échapper à cette folie. Les
deux frères sont assaillis de souvenirs,
de cauchemars et analysent leur
existence au prisme de cet évènement
qui les a irrémédiablement changés et a
fait exploser leur famille.

Avec la maestria qui est la sienne, l’auteur d’un doux parfum d’exil
(Prix Pullitzer 1993) nous entraîne au plus profond de l’âme
humaine, là où se nichent le courage et la culpabilité de chacun.
L’exploration est tantôt magnifique, tantôt pathétique. Au fil des
pages, Robert et Jimmy descendent lentement vers ce fleuve qui
charrie les existences, qui fait de nous des hommes de chair et de
passions, vers ce fleuve d’une nation au bord duquel chaque
citoyen s’assoit face à sa conscience. Certains y contemplent leur
reflet. D’autres y sombrent. Mais tous se valent semble nous dire
Robert Olen Butler.

Par Laurent Pfaadt

Chez Actes Sud, 269 p.

Le livre à emmener à la plage

Amos Oz, Judas

1959 Jérusalem. Shmuel, jeune
homme perdu cherchant du travail
tombe sur une annonce quelque peu
singulière : un vieil homme invalide
et érudit, Gershom Wald, recherche
de la compagnie. Il se rend chez le
vieillard et accepte en échange
d’une condition : cinq heures de
conversation. Mais ce que ne sait
pas Shmuel, c’est qu’il vient d’entrer
non pas dans la grande bâtisse de
Wald mais dans un titanesque
procès, celui de toute une nation. La confrontation rhétorique
entre Shmuel et Wald trouvera des moments d’accalmie en la
personne d’Atalia, veuve de 45 ans dont le père fut considéré en
1948 comme le Judas de l’indépendance parce qu’opposé à la
vision de Ben Gourion.

L’auteur d’une Histoire d’amour et de ténèbres (2003), fer de lance
du mouvement la Paix Maintenant, signe peut-être là son roman le
plus politique. Celui-ci plonge dans les non-dits d’une nation et
convoque un certain nombre de spectres : Judas, omniprésent,
l’ami devenu le traître de ce Jésus qui fut l’objet du travail
universitaire de Shmuel et le symbole de l’antisémitisme mais
également les proches disparus de Wald qui sont autant de
métaphores qui renvoient à l’Ancien Testament. A travers cette
exploration de la figure du traître où Amos Oz utilise la théologie
bien entendu mais également l’histoire et les relations humaines,
l’écrivain israélien montre une fois de plus avec brio que le traître
n’est pas toujours celui que l’on croit et que l’aveuglement que l’on
met dans une cause conduit toujours au désastre et d’une certaine
manière… à la trahison.

Par Laurent Pfaadt

Chez Folio, 400 p.

Le livre à emmener à la plage

James Comey, Mensonges et
vérités, une loyauté à toute épreuve

Malgré sa taille impressionnante
(plus de deux mètres), ce géant
est toujours resté dans l’ombre
jusqu’à son limogeage par le
président Donald Trump, le 9 mai
2017 alors qu’en tant que
directeur du FBI, il dirigeait ce
qu’il est désormais convenu
d’appeler le Russiangate. Mais
c’est oublier que l’homme est au
courant depuis près de quinze ans
de nombreux secrets ou plutôt, comme il le dit lui-même, de
mensonges d’Etat. En tant que procureur général adjoint des
Etats-Unis, c’est-à-dire adjoint du ministre de la justice sous la
présidence de George W. Bush entre décembre 2003 et août
2005 puis bien évidemment comme directeur du FBI entre 2013
et 2017, l’homme a traité de dossiers épineux comme la
légalisation de la torture contre les terroristes, l’affaire Plame-
Wilson, du nom de cette espionne américaine dont l’identité fut
révélée par des membres du cabinet Bush, l’enquête sur les emails
d’Hilary Clinton et bien entendu les rapports entre l’équipe de
campagne de Donald Trump et la Russie qui lui vaudra son
limogeage et sa comparution devant la commission judiciaire du
Sénat.

Le livre embarque ainsi le lecteur dans les coulisses d’une
diplomatie secrète ou dans les arcanes d’une Maison Blanche qu’il
compare à une mafia et où le mensonge et les coups bas pleuvent.
Il oscille en permanence entre thriller et roman d’espionnage. Sauf
que tout est véridique.

Par Laurent Pfaadt

Chez Flammarion, 379 p.

Elliot Carter

L’année 2018 est
riche en
commémorations.
Après Bernstein et
Stockhausen
notamment, le
110e anniversaire
de la naissance de
l’un des plus
grands
compositeurs
américains du 20e
siècle, Eliott Carter
est l’occasion de
réécouter ses œuvres en particulier les plus tardives qui ne sont
pas forcément les plus connues.

Une sélection de pièces notamment pour piano s’étalant de 2003
à 2012 permet ainsi de saisir l’art de Carter qui mêle angoisse
existentielle et frénésie notamment dans Dialogues II (2010). A
l’instar de cette pièce, une grande partie de ces pièces sont
d’ailleurs enregistrées pour la première fois conférant ainsi à cet
enregistrement un caractère plus que fondamental. Le pianiste
français Pierre-Laurent Aimard, grand spécialiste de musique
contemporaine conduit ce formidable hommage. Il nous laisse
découvrir la vision angoissée du compositeur. Il est rejoint par le
grand percussionniste de la musique de Steve Reich, Colin Currie
dans ce concerto pour percussions, piano et orchestre de chambre
de toute beauté (Two contreversies and a conversation) puis par le
violon d’Isabelle Faust et le violoncelle de Jean-Guihen Queyras
dans Epigrams (2012), ce trio pour piano tout en ruptures.

Par Laurent Pfaadt

Late works, Chez Ondine