CANDYMAN

Près de trente années après la sortie du magnifique Candyman de
Bernard Rose, Hollywood a décidé de donner son feu vert à une
nouvelle adaptation de la célèbre légende urbaine. A l’époque, le
film avait été suivi de deux séquelles de qualité inégales, en 1995
et 1999.

Le film de Bernard Rose était basé sur la nouvelle The Forbidden de C
live Barker, publiée en 1985. Il avait été récompensé à trois reprises lors du dernier Festival du Film Fantastique d’Avoriaz en 1993, avec le prix de la Meilleure Actrice (inoubliable Virginia Madsen), le Prix du Public, et enfin le Prix de la Meilleure Musique (Philip Glass). Au cœur du genre, le film allait vite devenir culte. Imaginer une relecture aujourd’hui s’avérait donc à la fois ambitieux et risqué, car cela impliquait de ne pas décevoir les fans du personnage, et d’ancrer l’histoire, plus moderne, dans un contexte social malheureusement toujours d’actualité. Le nouveau Candyman devait trouver sa voie tout en étant respectueux du film original, sans oublier d’aborder des thèmes sociaux toujours aussi prégnants. 

Ces contraintes n’ont pas effrayé Nia DaCosta. Dès les premières images la réalisatrice donne le ton. Son générique est magnifique, il inverse les perspectives d’une manière originale et plonge immédiatement le spectateur dans le Fantastique. Nia DaCosta construit une ambiance lourde, mais subtile. Elle connaît le genre, le respecte. Elle a voulu l’illustrer tout en exprimant la colère de la population noire mise à l’écart par la communauté blanche. Des Blancs qui ont construit des banlieues mal famées dans les faubourgs des villes, pour ensuite les raser lorsqu’elles posaient trop de problèmes. Les ghettos d’alors ont été oubliés, désertés, leurs habitants exilés en d’autres endroits, imaginés par les mêmes édiles (majoritairement blancs). Puis ils ont été reconstruits non loin de là, sous une séduisante apparence, mais avec toujours le même but, rassembler au même endroit une population bien ciblée.

Anthony McCoy est un jeune artiste en mal d’inspiration. Confortablement installé dans un nouveau quartier de Chicago avec Brianna, sa copine directrice d’une galerie d’art, il n’a rien peint d’intéressant depuis deux années. Lors d’une soirée avec Troy, le frère de Brianna, il apprend la légende du Candyman. Troy leur raconte les événements sanglants qui ont secoué le quartier de Cabrini Green en 1977, avec la croisade meurtrière d’une jeune étudiante blanche, Helen Lyle. Croisade s’étant conclue avec la mort de la supposée meurtrière. L’histoire résonne particulièrement dans l’esprit d’Anthony. Le jeune homme va alors entreprendre des recherches approfondies sur cette histoire fantastique. Et finalement découvrir sa véritable origine. 

Nia DaCosta ne fait  pas de de son film un énième bain de sang prévisible. Il y a bien sûr deux-trois scènes avec projection d’hémoglobine, la légende urbaine l’impose. Les effets gore sont simples, classiques et arrivent au bon moment. Mais c’est dans son pouvoir de suggestion du surnaturel que la réalisatrice démontre qu’elle était la bonne personne pour faire revivre la légende du Candyman. Elle joue avec l’esprit d’Anthony et donc avec celui du spectateur. Il n’y a pas de scène gratuite, et le message politique présent dans l’histoire l’est plus que dans le film original. Mais il ne faut pas oublier que ce message était déjà là dans le Candyman de 1992.  

Les cinéphiles seront ravis de retrouver de manière fugace mais intelligente les deux personnages-clefs du film de Bernard Rose. Virginia Madsen apparaît au détour d’une photographie d’article de presse, et prête sa voix dans un témoignage d’archives, tandis que Tony Todd, l’inoubliable premier Candyman, prête ses traits lors d’une conclusion poétique et porteuse d’espoir. Le générique de fin est très beau. Moins optimiste, il rappelle que l’histoire se répète, encore et encore. Mais il est permis d’espérer…

Par Jérôme Magne