Archives par mot-clé : Decca Classics

Viva l’opéra !

Deux nouvelles versions de l’Enlèvement au sérail et de Turandot.

© Manolo Press
© Manolo Press

Une petite révolution est en train, doucement mais efficacement, de bouleverser le monde de l’opéra. Cette révolution signée Universal Music consiste à réenregistrer les grands opéras de Mozart, de Puccini et de Verdi avec les grands interprètes et les orchestres les plus prestigieux de notre temps. Alors si Maria Callas, Renata Tebaldi, Luciano Pavarotti, Placindo Domingo, Joan Sutherland ou Carlo Maria Giulini demeurent des références voire des monstres sacrés, ces nouvelles versions rafraîchissent les mythes et les poussent un peu plus vers les archives.

Avec cette nouvelle version de l’Enlèvement au sérail de Mozart qui s’inscrit d’ailleurs dans un projet de grande ampleur visant à graver sur le disque l’intégralité des opéras du compositeur salzbourgeois, le chef Yannick Nézet-Séguin et le ténor Rolando Villazon frappent un grand coup. Casting de rêve et musique au cordeau sont au menu. Dans la fosse du Festpielhaus de Baden-Baden où a été enregistré l’opéra, le Chamber Orchestra of Europe est à nouveau brillant. Il adopte toujours un ton juste et réjouit par son allant et le côté pétillant de son interprétation qui doit beaucoup aux tempiis rapides imposés par la fougue de son chef.

Au côté d’un Villazon très convaincant en Belmonte dont c’est le premier rôle en allemand, la sublime Diana Damrau, soprano colorature à la tessiture si parfaite, excelle en Constance. Franz-Josef Sellig, qui compte parmi les meilleures basses du monde est un Osmin de grande envergure tandis qu’Anna Prohaska, l’une des sopranos les plus prometteuses de sa génération et Paul Schweinester, qui ont triomphé en octobre 2014 sur la scène de l’opéra de Paris, complètent cette affiche de rêve.

Traversons l’Europe du nord au sud pour se rendre à Valence en compagnie de l’orchestre de la comunitat Valenciana placé sous la direction de Zubin Metha pour un Turandot éblouissant. L’opéra repose essentiellement sur sa tête d’affiche mondialement connue, Andrea Boccelli, qui interprète un magnifique Calaf. Avec son timbre de velours, il fait des merveilles et son Nessum Dorma au troisième acte est très sensuel.  Mais ce serait aller vite en besogne car les deux premiers actes sont très réussis notamment le Non piaugere Liu à l’acte I. Face à lui, la soprano américaine Jennifer Wilson lui offre une merveilleuse réplique en princesse Turandot et prouve qu’elle n’est pas qu’une héroïne wagnérienne même si sa puissance parfois trop écrasante donne un côté masculin à l’héroïne de Puccini. Il y a parfois de la Walkyrie derrière Turandot.

Jennifer Wilson retrouve un orchestre et un chef qu’elle connaît bien pour avoir enregistré avec eux le Ring. Zubin Metha est fidèle à lui-même. Excellent maintien des équilibres sonores, entre des voix qu’il sait canaliser et un orchestre qu’il pousse dans ses retranchements, son interprétation est assez rythmée. Mehta nous raconte ainsi une histoire, cette légende tirée de la Chine médiévale qui sonne comme un film à grand spectacle.

Au final, l’opéra séduira les profanes grâce à sa tête d’affiche mais également les connaisseurs de l’œuvre de Puccini qui trouveront dans cette nouvelle version de très beaux moments d’opéra.

Mozart, Die Entführung aus dem Serail, Chamber Orchestra of Europe, dir. Yannick Nézet-Séguin, Deutsche Grammophon, 2015

Puccini, Turandot, Orquestra de la Comunitat Valenciana, cor de la generalitat Valenciana, dir. Zubin Metha, Decca Classics, 2015.

Laurent Pfaadt