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L’univers en marche

Henryk Mikolaj Gorecki kompozytor © Czeslaw Czaplinski/FOTONOVA

Le compositeur polonais
Gorecki à l’honneur d’un
coffret extraordinaire

L’œuvre du compositeur
polonais Henryk Gorecki (1933-2010) s’apparente à une longue plainte qui traverse tout le 20e siècle. C’est ce qui ressort du coffret édité par Nonesuch Records, label de référence pour la musique classique contemporaine qui a notamment dans son catalogue, John Adams, Philip Glass ou Steve Reich.

Peu connue, la musique de Gorecki qui oscilla entre musique tonale, sérielle et minimalisme semble sortir des ténèbres comme une sorte d’appel mystique lancé vers le ciel. A l’image de sa troisième symphonie  baptisée « symphonie des chants plaintifs » (1976) qui reste à ce jour son œuvre la plus connue avec son long premier mouvement lento ponctué du chant funèbre d’une soprano, la musique de
Gorecki n’appartient à aucune école, ne fait écho à aucune mode. Elle est simplement unique.

Le coffret ainsi présenté nous permet de naviguer sur ce Styx
musical pour y découvrir l’œuvre protéiforme du compositeur
polonais. Il y a bien entendu sa musique symphonique avec ses deux dernières symphonies (les 3 et 4e) interprétées de manière très convaincante par deux orchestres londoniens de tout premier plan, le London Philharmonic Orchestra et le London Sinfonietta et deux chefs particulièrement inspirés (Andrey Boreyko et David Zinman). Le London Sinfonietta, habitué aux compositions contemporaines sous la conduite de chefs tels que Salonen ou Boulez, excelle dans cette 3e symphonie mais également dans le Kleines Requiem für eine Polka. Il accompagne une impériale Dawn Upshaw dans cette version (1992) qui connut en son temps un véritable succès et reste à ce jour l’interprétation de référence. Cette oeuvre demeure aujourd’hui l’une des grandes symphonies de la 2e moitié du 20e siècle. La 4e symphonie, achevée par le fils du compositeur, qui s’ouvre et se
referme avec de puissantes percussions frappe également par son caractère implacable.

Au-delà de la dimension symphonique, ce coffret permet également d’arpenter les sombres chemins de sa musique de chambre en particulier ses deux premiers quatuor à cordes, interprétés par le Kronos Quartet, qui traduisent l’influence de Beethoven et ont inspiré de nombreux chorégraphes.

Mais la grande surprise réside dans l’œuvre vocale de Gorecki. Avec sa profondeur majestueuse, elle révèle une beauté sortie des ténèbres qui se transforme en lumière notamment dans ce magnifique Miserere interprété par le chœur du Chicago Symphony Chorus. Celui qui a mis sa foi catholique en musique nous livre ici un chant qu’aurait pu entonner les premiers chrétiens dans les catacombes. A écouter Gorecki, c’est voir le temps qui s’écoule inexorablement, c’est réfléchir avec tristesse sur l’histoire tragique du 20e siècle, c’est peut-être aussi constater que nous ne sommes que des êtres minuscules face à l’extraordinaire puissance de l’univers.

Avec de nombreuses créations mondiales captées et ces versions de référence, ce coffret est à la fois une excellente manière d’entrer dans l’univers musical si singulier d’Henryk Gorecki en même temps qu’il offre des témoignages musicaux qui resteront dans l’histoire.

Henryk Gorecki, a Nonesuch Retrospective, 2016

Laurent Pfaadt