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Au sommet de leur art

© Monika Rittershaus
© Monika Rittershaus

Les Berliner Philharmoniker dans Beethoven.
Magistral

Après Schumann, Schubert et Sibelius, les Berliner Philharmoniker se lancent avec cette intégrale à l’assaut de Beethoven. Projet phare de la saison 2015-2016 de l’orchestre, ces symphonies ont été enregistrées en octobre 2015 par le label de l’orchestre avant d’être
interprétées à nouveau à Paris, Vienne, New York et Tokyo.

Sir Simon Rattle ne souhaitait pas quitter Berlin sans marquer de son empreinte l’histoire de l’orchestre. Pour cela, il lui  fallait « son » Beethoven. Et « lorsque vous avez un orchestre comme le Berliner
Philharmoniker, vous avez, bien entendu un avantage conséquent parce que cet orchestre possède une personnalité d’une énergie incroyable, presque surhumaine. Et c’est la première chose dont vous avez besoin pour Beethoven. Parce que sinon, il vous demande plus que vous ne pouvez donner »
.

On ne pensait pas que le chef allait appliquer ces mots à la lettre. En fait, il n’a fallu attendre que les deux premiers mouvements de la première symphonie pour mesurer ses paroles. Ce que l’on aurait pu prendre pour de la timidité n’était en fait qu’un volcan sur le point de se réveiller après plusieurs siècles de sommeil. Car, dès le troisième mouvement de cette même symphonie, les cordes, qui avaient dès le début annoncé la puissance à venir avec leur caractère incisif, ont accompagné la force incroyable d’un orchestre qui s’est très vite transformé en organisme vivant. Il faut dire qu’avec Beethoven, les Berliner jouent un peu à domicile, c’est un peu « leur » compositeur depuis Fürtwangler et Karajan. La patte de Rattle y est cependant reconnaissable. Tout en s’inscrivant dans cette magnifique
tradition germanique, il a suscité le feu intérieur de l’orchestre et l’a transformé en une énergie créatrice plutôt que de vouloir le
répandre tel un incendie.

Les autres symphonies ne sont qu’une succession ininterrompue d’émotions. La légèreté de la seconde laisse vite place à une
troisième aérienne et profonde portée par des cors très inspirés. Et lorsque le tocsin résonne avec lyrisme dans la cinquième et la
septième, c’est pour mieux être contrebalancée par la douceur bucolique des bois. On y ressent une puissance digne d’un cyclone même si l’éclaircie n’est jamais bien loin. L’énergie est parfaitement canalisée et transformée, la légèreté des bois répondant parfaitement au caractère implacable des percussions. On a parfois l’impression que l’orchestre tient le monde à bout de bras pour l’embrasser de sa musique tel un Leviathan. Cela donne une alchimie très réussie comme dans cette incroyable quatrième symphonie pleine de vie et de folie maîtrisée qu’on a l’impression de redécouvrir. Mais surtout, Rattle a pleinement réussi à faire éclater cette joie immense contenue dans la musique de Beethoven et si souvent bridée ou brisée par trop de timidité ou de violence.

L’apothéose arrive bien évidemment avec la neuvième portée par des trompettes inouïes. Les voix de Christian Elsner, de Dimitri
Ivashchenko, d’Annette Dasch et d’Eva Vogel résonnent alors comme un hymne à l’éternité, celui d’un orchestre intemporel inscrit à jamais dans l’histoire d’une humanité transmettant cette force créatrice et cette énergie musicale tirée du génie de Beethoven et qui résonnera grâce à ce coffret encore longtemps dans nos oreilles.

Beethoven symphonies 1-9, Sir Simon Rattle,
Berliner Philharmoniker,
Berliner Philharmoniker Recordings, 2016

Laurent Pfaadt