In absentia

Un livre comme un miroir. Celui de l’extermination de masse. Celui dont le reflet dévoile ce que l’homme a de plus terrible. Celui également, aux reflets déformants, qui révèle ce que nous ne voulons pas être, celui qui fait de nous ce que nous ne sommes pas mais que les autres voient.

Dans le nouveau roman de Raphaël Jerusalmy, auteur de Sauver Mozart (2012) et de La Confrérie des chasseurs de livres (2013), deux hommes se font face, se répondent et finissent par se croiser, un bref instant. Tous les deux tentent de survivre dans l’enfer des camps. Au Struthof, Pierre Delmain, écrivain devenu assistant du médecin nazi Auguste Hirt qui pratique d’horribles expériences médicales, « aide » les victimes à mourir sans souffrances en les étranglant. Il a développé une telle dextérité que les bourreaux viennent l’observer. A Paris, Saül Bernstein, dit Paul, collectionneur d’art a longtemps oublié qu’il était juif. Il était au-dessus de tout cela. Jusqu’à ce que la guerre vienne lui rappeler qu’il n’était que cela.

« La bête féroce que tu es allé chercher au fond de toi, tu la caresses. Tu lui chuchotes des paroles douces que la proie croit lui être destinées, alors que c’est à la tourmente qui se déchaîne en toi que tu t’adresses » pense ainsi Pierre Delmain, qui déshumanisé, croise alors Paul. Ce dernier se sait condamné mais refuse de devenir une bête. Il deviendra une expérience pour un médecin fou. Mais pour Pierre, demeurera ce sourire au fond des ténèbres qui viendra le hanter longtemps.

Par Laurent Pfaadt

Raphaël Jerusalmy, In absentia
ChezActes Sud, 176 p.