Le dernier espoir

Christian Baechler signe une biographie passionnante d’un Gustav Stresemann plus complexe qu’il n’y paraît

Coincée entre la Première guerre mondiale et l’arrivée des nazis, la République de Weimar ainsi que l’un de ses plus illustres représentants, Gustav Stresemann, restent encore relativement méconnus. Avec son Prix Nobel de la paix, obtenu conjointement avec le Français Aristide Briand en 1926 pour leurs efforts en faveur de la paix, Gustav Stresemann est devenu le symbole d’une République luttant contre cette fatalité historique qui n’avait, et le livre le montre bien, rien d’évident.


Pour y tenter d’y voir plus clair, Christian Baechler, l’un de nos plus grands universitaires spécialistes de l’Allemagne contemporaine, nous invite dans cette biographie passionnante, à examiner le grand homme de la République de Weimar et celui que l’on considéra, à juste titre, comme son dernier espoir. Mais pendant longtemps, l’historiographie a été partagée à l’égard de Stresemann : était-il réellement animé d’un sentiment de paix ou bien a-t-il agi par cynisme, par opportunisme ?

Il faut dire que la complexité de l’homme est patente sous les mots de Christian Baechler. Militariste, partisan d’un Anschluss avant l’heure et républicain de raison, Gustav Stresemann fut avant tout un libéral dans une époque de polarisation et de radicalisation politique. Cette philosophie guidant son action politique détermina ses choix en matière de politiques intérieure et extérieure. Des choix guidés avant tout par un esprit de compromis, de dialogue pour celui qui commença sa carrière dans les organisations sociales professionnelles. Un libéral dont les actions en matière de reconstruction monétaire, sociale et économique de son pays se portèrent sur les classes moyennes dont il perçu très vite le danger que représentait leur affaiblissement notamment sur la stabilité du régime.

Son action sur la scène internationale en tant que chancelier en 1923 et ministre des affaires étrangères (1923-1929) fut également guidée par cette stratégie des petits pas qui allait faire, après la seconde guerre mondiale, des émules. Bien décidé à réviser le traité de Versailles, il s’employa à réintroduire l’Allemagne dans le concert européen tout en s’assurant que cette stratégie ne se fasse pas aux dépens des autres nations. Respect de certaines frontières germano-polonaises, réduction de la dette allemande, lutte contre l’intransigeance française après l’occupation de la Ruhr, ses efforts trouvèrent leurs aboutissements avec la ratification des accords de Locarno le 1er décembre 1925 qui prévoyaient notamment la garantie des frontières occidentales de l’Allemagne, et l’adhésion de cette dernière à la SDN en septembre 1926.

« On peut dire que la politique de paix de Stresemann est à la fois réalisme et conviction » note ainsi Christian Baechler en guise de conclusion dans ce livre qui trace le portrait d’un véritable homme d’Etat, sorte d’ancêtre des Monnet et Schuman mais dont la mort prématurée à 51 ans, a certainement précipité le destin de l’Allemagne et du monde.

Par Laurent Pfaadt

Christian Baechler, Gustav Stresemann,
le dernier espoir face au nazisme
Passés composés, 334 p.