Archives de catégorie : Exposition

Un taxi pour Bollywood

Le Louvre Abu Dhabi rendait hommage au cinéma indien et à ses sources d’inspiration

Dans le taxi qui nous emmène dans le quartier Al-Saddyiat où se concentrent les musées de la capitale émiratie, le chauffeur indien – l’une des nationalités les plus représentées parmi la population immigrée – nous interroge sur notre pays d’origine. Quand on lui répond France, il s’exclame « Mbappé ! ». Or pour trouver une personnalité indienne drainant autant de fans, il faut se tourner vers le cinéma, le célèbre Bollywood et il faut bien dire que là nous séchons un peu.


Cela tombe bien puisque le taxi vient de s’arrêter devant l’affiche de l’exposition du Louvre Abu Dhabi consacrée à Bollywood. En partant de ces films chantant, l’exposition, passionnante, montra à la fois la longue tradition cinématographique de ce pays, presque aussi vieille que le cinéma lui-même mais également qu’elle est l’aboutissement d’une histoire millénaire faîte de récits qui séquencent les différentes époques de l’Inde.

Au commencement, il y a les légendes tirées des textes sacrés de l’hindouisme, le Mahabharata et le Ramayana et l’exposition présentait à ce titre de magnifiques exemplaires de la période Gupta (IV-VIe siècle). Les textes étaient ainsi racontés par des bardes, sortes d’Homère indiens, à travers notamment ces autels portatifs avec panneaux historiés qui se déploient au fur et à mesure du récit.

Ces 80 œuvres (photographies, tissus, art graphique, costumes avec ces magnifiques robes de femmes et extraits de films) provenant des collections du Louvre Abu Dhabi, du musée du quai Branly – Jacques Chirac, du musée de l’Armée, du musée national des arts asiatiques – Guimet, de la collection al-Sabah, de la Raja Ravi Varma Heritage Foundation et de la collection Priya Paul ont ainsi permis une extraordinaire immersion, riche en couleurs et en musique, dans l’histoire de l’Inde et dans la formalisation de son récit national. Des temps les plus reculés aux derniers films de Bollywood en passant par l’époque moghole qui constitua un âge d’or de l’épanouissement des arts et la révolution picturale introduite par Ravi Varmâ (1848-1906) dans l’iconographie religieuse, l’exposition voyagea ainsi dans l’histoire fluctuante de la représentation du sacré dans la culture indienne.

Autel portatif racontant le Mahabharataé

Et des dieux aux stars, il n’y a qu’un pas que le Louvre Abu Dhabi franchit allègrement en offrant une véritable plongée dans ce cinéma indien appelé Bollywood dont le terme est issu de la contraction de Bombay (Mumbai) et d’Hollywood. Puisant toujours dans la tradition religieuse, le cinéma indien, d’abord itinérant se transforma en une industrie florissante et révolutionna certaines techniques cinématographiques. Il consacra également de nouvelles icônes de l’Inde moderne, de Shashi Kapoor à Aamir Khan et de Aishwaraya Rai à Priyanka Chopra, deux anciennes miss monde devenues des stars de cinéma, Priyanka Chopra jouant dans l’un des derniers succès de la plateforme Netflix, Le Tigre blanc. Pour autant, cette exposition si vivante ne pouvait laisser le visiteur de l’autre côté de la caméra. En l’invitant sur un fond vert à intégrer un film et à effectuer quelques pas de danse, le Louvre Abu Dhabi prit ainsi des airs de studio de cinéma. Quittant l’exposition et le musée, le visiteur reprend difficilement contact avec la réalité. Au loin, une musique indienne se fait entendre. Elle émane non pas du Louvre mais du taxi qui nous attend. Va falloir qu’Mbappé lui parle du Tigre blanc.  

Par Laurent Pfaadt

Pour retrouver toute la programmation du Louvre Abu Dhabi : https://www.louvreabudhabi.ae/

Une histoire allemande

Entrer dans le musée Porsche, c’est voir bien plus que des voitures

Dès le parking souterrain le visiteur a l’impression d’être dans le musée tant les Porsche des visiteurs s’y alignent, modèles et couleurs variés. De l’une d’elle, une 911 GT3 RS verte pomme sortent Christian et Marco, deux frères suisses. « Je suis un amoureux de Porsche depuis toujours et je suis venu ici plusieurs fois. Mon frère Marco ne connaissait pas le musée. Alors je l’ai accompagné » dit-il en souriant, visiblement heureux de revenir.


Porsche
©Porschemuseum

Qui n’a jamais voulu tourner la clé de contact d’une Panamera ou entendre rugir sous son pied une 911 ? Ici dans ce temple monumental de modernité Porsche se vit, se touche. On y croise toutes les générations, petits comme grands et tout type de visiteurs. Ici un prêtre en soutane se renseignant sur Porsche pendant la seconde guerre mondiale. Là un touriste indien se faisant photographier dans la 718 Boxter. Dans le musée, l’histoire de la saga est bien évidemment relatée, de sa fondation par Ferdinand Porsche en 1931 jusqu’à aujourd’hui, mais le visiteur côtoie aussi des modèles qui changent au gré des envies alliant ainsi pédagogie et plaisir.

Ce dernier est comme un enfant. Il peut toucher les carrosseries comme s’il s’agissait de reliques, les pneus des F1, le volant qu’à dû tenir James Dean dans sa 550 ou s’assoir dans les nouveaux modèles. Les enfants se prennent en photo devant la Sally Carrera de Cars. La 911 trône bien évidemment en majesté avec ses modèles de course ou de tourisme et toise un peu sa petite sœur 928 qui suscita tant de controverses avant de rappeler avec les autres membres de la famille, de la mythique 914 S de 1969 à la fière 718 Cayman T 2019 et sa couleur rouge – petit pied de nez à sa rivale italienne – que Porsche c’est en 2023, une histoire faîte de 75 ans de rêves et de passion.

Cette passion, la marque la brandit dans les plus grandes courses du monde, notamment aux 24h du Mans, de la 917 de Steve McQueen barrée du logo orange Gulf en 1971 à la 919 hybride, victorieuse en 2015 avec ses airs de vaisseau spatial en passant bien évidemment par la mythique 962C qui réalisa un doublé en 1986-1987. Pénétrant dans la salle des trophées, le visiteur a le choix, via un écran tactile, de revivre ces grandes courses.

En Formule 1, la McLaren d’Alain Prost est là pour nous rappeler que Porsche en tant que motoriste remporta deux titres de champion du monde avec TAG. D’ailleurs, le visiteur aguerri peut ausculter la mythique mécanique. Chacun y va de son commentaire sur tel cylindre ou sur le système de freins. Ou tout simplement s’imprégner de l’esprit Porsche. « J’ai voulu voir ce musée parce que j’adore les voitures et je préfère les musées spécifiques que les grands musées. Pour m’imprégner du style Porsche » confie Iouri, un réfugié ukrainien qui se prend en photo devant la Carrera GT de 2006.

Car Porsche raconte cela. Cet esprit qu’il a insufflé, dans la course, au cinéma et dans la société occidentale moderne. Au terme d’une balade de plusieurs heures, le temps est venu de redescendre sur et sous terre pour retrouver sa voiture dans le parking souterrain. Et en tournant la clé de contact, le visiteur, encore imprégné d’un rêve qui tarde à se dissiper, s’attend toujours à entendre le moteur d’une 911.

Par Laurent Pfaadt

Pour obtenir toutes les informations sur le musée : https://www.porsche.com/international/aboutporsche/porschemuseum/

A noter que la nouvelle application du musée sera disponible dès
le 9 juin 2023

A lire :

Pour tous ceux qui souhaiteraient se replonger dans l’univers Porsche et découvrir leur modèle favori, on ne saurait trop leur conseiller le livre de Brian Laban Quintessence Porsche (Glénat)

L’appel de Naples

Le Musée Magnin de Dijon consacre une magnifique exposition à la collection De Vito

On pensait le sujet de la peinture italienne du XVIIe siècle épuisé, sans nouveauté. Et voilà qu’arrive pour la première fois en France les chefs d’œuvre de la collection De Vito, du nom de ce magnat italien des télécommunications, Giuseppe De Vito (1924-2015) qui accumula des toiles de maîtres napolitains avant de formaliser cette collection dans une fondation créée en 2011 et qui a aujourd’hui traversé la péninsule et les Alpes pour venir s’installer en Bourgogne.


Jusepe de Ribera – Saint Antoine abbé
© Fondazione De Vito, Vaglia (Firenze)
Photo Claudio Giusti

Et dire que le COVID faillit empêcher les amoureux du Seicento napolitain de contempler ce Ribera, ces Giordano, ces Stanzione ou ces Vaccaro. Il a fallu pour cela toute la passion et l’opiniâtreté de Nadia Bastogi, directrice scientifique de la Fondazione De Vito et de Sophie Harent, conservateur en chef du musée Magnin qui non seulement ont permis l’aboutissement de ce projet inédit tant au niveau des peintres exposés que de la nature de leurs oeuvres avec ces grands formats sortis pour la première fois de leurs écrins italiens.

A l’origine, comme le rappelle une section de l’exposition consacrée à Giuseppe de Vito, il y a un ingénieur, adepte des sciences dures qui se passionna pour la peinture napolitaine du XVIIe siècle. « Ce qui intéressa De Vito, c’est comprendre l’évolution de l’art napolitain » relate ainsi Sophie Parent. Sa rencontre avec le surintendant de Naples, Raffalleo Causa, signa le début de cette aventure artistique et conduisit à la formalisation d’une collection unique aujourd’hui visible par tous. 

A travers ces quarante tableaux répartis en neuf sections et traduisant un cheminement intellectuel et pictural parfaitement cohérent, cette collection montre le caractère précurseur de Giuseppe De Vito, attaché à la redécouverte de peintres oubliés et écrasés par la figure du Caravage notamment Massimo Stanzio ou Andrea Vaccaro. L’exposition s’attarde ainsi sur l’œuvre lumineuse de ce dernier avec notamment sa magnifique Sainte Agathe (vers 1640) et son bleu canard éclatant ou sur cette Judith tenant la tête d’Holopherne (vers 1645) d’un Massimo Stanzio dont le travail sur les étoffes à l’élégance raffinée rappelle le grand Zurbaran. 

Mattia Preti – La Déposition du Christ
© Fondazione De Vito, Vaglia (Firenze)
Photo Claudio Giusti

Malgré deux passages très brefs, Le Caravage marqua profondément de son empreinte la peinture napolitaine. La présence dans la collection De Vito de plusieurs œuvres dont le Saint Jean Baptiste enfant d’un Battistello (vers 1622) ou le Saint Jean Baptiste dans le désert (vers 1630) de Stanzione évoquent cette filiation picturale dominée à Naples par la figure tutélaire d’un Jusepe de Ribera dont le Saint Antoine abbé (1638) semble interpeller le visiteur. Car cette peinture napolitaine du Seicento qui traverse l’exposition dans toutes ses dimensions esthétiques se divisa en deux périodes : celle du ténébrisme des héritiers du Caravage et celle du baroque de la deuxième moitié du XVIIe siècle avec deux grandes figures, Luca Giordano et Mattia Preti. A ce titre, le visiteur restera très certainement pantois devant le regard terrifié et les yeux écarquillés du Saint Jean de la puissante Déposition du Christ d’il Cavaliere Calabrese(vers 1675). Ici la scène semble encore en mouvement tant la charge émotionnelle accentuée par la vue da sotto in su (de dessous vers le haut) est forte avec ce ciel d’orage qui semble contenir une colère divine prête à éclater et un Joseph d’Arimathie ployant sous le poids du Christ. Cette oeuvre « montre la capacité de Preti à mêler précision du mouvement, intensité émotionnelle, sens de la composition et virtuosité décorative » nous rappelle Sophie Harent dans le magnifique catalogue qui accompagne cette exposition à propos d’un tableau qui mérite presque, à lui seul, la visite.

Parfois, l’exposition se mue en une enquête policière dans la salle du fameux Maître de l’annonce aux bergers qui constitua la grande passion de Giuseppe De Vito et dont l’identité reste encore sujette à discussions : s’agit-il d’une seule personne, d’un épigone de Ribera ou de plusieurs mains ? Reste l’incroyable puissance de ses tableaux et notamment ce Rebecca et Eliézer aux puits (vers 1635-1640) montré seulement pour la deuxième fois. Emporté dans cette course effrénée à l’abîme pictural, le visiteur semble submergé devant tant de beautés. Il croyait tout connaître. Il n’a encore rien vu.

Naples pour passion, chefs d’œuvre de la collection De Vito, Musée Magnin, Dijon, jusqu’au 25 juin 2023 puis au musée Granet à Aix-en-Provence à partir du 15 juillet 2023.

Par Laurent Pfaadt

A lire le catalogue accompagnant l’exposition : 

Naples pour passion, chefs d’œuvre de la collection De Vito, Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 160 p.

La vie en bleu

A l’occasion d’une exposition passionnante, l’hôtel de Caumont d’Aix-en-Provence revenait sur l’œuvre du peintre Yves Klein


Le bleu est à Yves Klein (1928-1962), ce que le noir fut à Pierre Soulages (1919-2022). Une marque de fabrique, un esthétique immédiatement reconnaissable dans le monde entier. Le bleu lumineux et profond qu’il a fait breveter, le fameux IKB (International Klein Blue) qui orne ses toiles monumentales demeure encore aujourd’hui admiré dans les plus grands musées du monde. Et pourtant, plus de soixante après sa mort à seulement trente-quatre ans, on connaît assez peu l’homme derrière la couleur. 

C’est cette dimension personnelle, plus intime qu’a voulu explorer l’hôtel de Caumont, ancien hôtel particulier devenu centre d’art en 2015 afin d’offrir aux spectateurs des éléments de compréhension de l’artiste. Et derrière le côté spectaculaire, éclatant de l’œuvre de Klein, l’exposition s’aventure sur des chemins qui éclairent une vie certes trop courte mais fascinante.

Revenant ainsi sur les origines familiales de l’artiste et son cercle d’amis, sur son lieu de travail et sa relation avec ses modèles, l’exposition exposa avec brio les conditions matérielles de son travail, les réflexions intellectuelles de l’artiste, sa dimension spirituelle, ainsi que l’humour souvent sous-jacent au sérieux de sa démarche.

Bien évidemment, l’exposition réalisée en collaboration avec les Archives Klein, n’a pas fait l’impasse sur les œuvres les plus célèbres de l’artiste comme ces Monochromes toujours aussi incroyables de puissance picturale et les Sculptures éponges, les peintures dorées Monogolds, ou encore les Anthropométries réalisées à la Galerie Internationale d’art contemporain, le 9 mars 1960 avec des modèles peints. Mais à côté de ces chefs d’œuvre, le visiteur découvrit aussi des œuvres moins connues du grand public, ainsi que des archives inédites et des objets uniques issus de son fonds d’atelier permettant de cerner ce peintre mort trop tôt mais qui, indubitablement, en cet anniversaire du cinquantenaire de la disparition de Pablo Picasso, a rejoint ce dernier au panthéon des génies de la peinture.

Par Laurent Pfaadt

A découvrir la prochaine exposition de l’hôtel de Caumont, Max Ernst, Mondes magiques, mondes libérés, du 4 mai au 8 octobre 2023 sur http://www.caumont-centredart.com/fr

Koudelka, chercheur d’étoiles mortes

Magnifique monographie de Josef Koudelka, le photographe qui couvrit le printemps de Prague

A l’instar de tous les grands photographes du 20e siècle, il fut l’œil d’une photo, d’un instant, celui de cet homme devant un char soviétique lors du printemps de Prague en 1968. Et pourtant rien de prédestinait ce photographe autodidacte tchèque à passer à la postérité de cette façon. La veille de l’invasion des troupes soviétiques venues réprimer ce socialisme à visage humain, Josef Koudelka se trouvait en Roumanie, à immortaliser une population rom qui constitua l’autre grande thématique de son œuvre. Deux jours pour décider d’un destin. Deux comètes d’une constellation, de ces constellations que raconte le très beau livre des éditions Noir sur Blanc en marge de l’exposition que le musée Photo Elysée de Lausanne consacre à Koudelka.


CZECHOSLOVAKIA. Prague. August 1968. Invasion by Warsaw Pact troops in front of the Radio headquarters.

Aujourd’hui, Josef Koudelka est célébré dans le monde entier. On ne compte plus les musées qui ont mis en avant son travail et que le lecteur retrouvera dans ces portefolios qui évoquent les grands thèmes du photographe : Invasion 68 bien évidemment mais également sa photographie du théâtre tchèque qui signa son entrée dans l’art du 20e siècle, le désormais culte Gypsies que le MOMA exposa en 1975 ou le très beau Exils venant consacrer deux décennies de travail sur l’ensemble du globe.

Josef Koudelka, Italie, 1986
© Josef Koudelka/Magnum Photos, courtesy of the Josef Koudelka Foundation

En se basant sur un certain nombre de planches contacts parmi les 30 000 qu’il a laissé, le livre montre également que Koudelka fut plus qu’un simple photographe. A l’image d’un Henri Cartier-Bresson dont il fut l’ami – les photographies présentées témoignent d’une véritable complicité – Koudelka doit être considéré comme un artiste à part entière. Son travail porta autant sur son rapport intime à l’image que sur l’utilisation des archives ou du livre comme mode d’expression artistique. Car à y regarder de plus près, Koudelka fut ce photographe des étoiles mortes. Celle d’un empire soviétique bien évidemment qui l’ignorait alors et dont les négatifs furent exfiltrés aux Etats-Unis, chez Magnum qui les publia anonymement en 1969. Koudelka dut attendre 1984 et un exil vers le Royaume-Uni pour révéler qu’il en était l’auteur. Celle de ses Roms dont l’identité était menacée par les politiques d’assimilation des pays d’Europe de l’Est. « Il a dit avoir toujours été attiré par ce qui se termine, ce qui n’existera plus » rappelle Stuart Alexander, membre du conseil d’administration de la fondation Koudelka à Prague. Avec les Roms que Koudelka photographia parfois pour la première fois, ce dernier développa une vision personnelle sans aucune visée ethnologique. Il passa du temps avec eux afin de se faire accepter et leur offrit ses clichés qui devinrent pour eux de véritables icônes et valurent à Koudelka le surnom d’Ikonar, « le faiseur d’icônes ».

Aujourd’hui, cette monographie, peut-être l’une des plus belles parmi les trente-cinq qui lui furent consacrées, nous révèle un artiste majeur, « iconique » dirions-nous tant les photographies de ce bras montrant l’heure ou de cette Irlande 1976 (Exils) semblent appartenir à un patrimoine mondial. Koudelka estimait d’ailleurs en 1990 que « ce qui est important dans les photographies, ce n’est pas de savoir qui est russe ou qui est tchèque. Ce qui est important, c’est qu’une personne ait une arme et que l’autre n’en ait pas. Et celle qui n’en a pas est, en fait, plus forte, même si cela ne saute pas aux yeux ». En parcourant ce livre, on comprend pourquoi.

Par Laurent Pfaadt

Josef Koudelka, Ikonar, Constellations d’archives, préface de Tatyana Franck, textes de Stuart Alexander et Lars Willumeit
Aux éditions Noir sur Blanc, 268 p.

A voir :

Josef Koudelka. Ikonar. Constellations d’archives, musée Photo Elysée, Lausanne
Jusqu’au 29 janvier 2023

Les espions se font des films

La Cinémathèque française célèbre avec brio les liens entre cinéma et espionnage

Un homme au chapeau mou et lunettes écaillées tenant un journal, une femme avec une poussette, un jeune homme en jogging. Rassurez-vous, vous n’êtes pas dans un square non loin de la Maison-Blanche mais bel et bien dans les couloirs de l’extraordinaire exposition que la Cinémathèque française consacre aux liens entre cinéma et espionnage. Quoique…


Pistolet d’or © Eon production

Il n’a pas fallu longtemps pour nous faire craquer, pour nous retourner tant cette exposition est un condensé de plaisir et de fascination. Top secret explore ainsi les liens quasiment originels entre l’espionnage et le cinéma. Le premier film d’espionnage naît en 1913. Il signe le début d’un genre qui séduira les plus grands (Fritz Lang, Alfred Hitchcock, John Huston ou Sam Mendes notamment). A travers une galerie d’affiches, véritable histoire du cinéma et voyage dans nos souvenirs, le visiteur entre comme à chaque fois dans la fabrication des chefs d’œuvres avec ces trésors qui nous montrent l’envers du décor comme ces lithographies de David Lynch.

L’histoire du 20e siècle a été et reste encore une source inépuisable pour le cinéma. De Mata-Hari de Georges Fitzmaurice à la série Homeland en passant par L’Homme qui en savait trop et Daniel Craig, le visiteur traverse ce 20e siècle qui fut celui des espions. De la Première guerre mondiale aux lanceurs d’alerte en passant par la seconde guerre mondiale et la guerre froide, chacun est appelé à passer tantôt à l’Ouest, tantôt derrière le miroir sans teint. « L’espion est un personnage romanesque par excellence. Entouré de mystères, il est le réceptacle de tous les fantasmes et de toutes les ambiguïtés, tantôt invisible, tantôt torturé » écrivent ainsi Alexandra Midal et Matthieu Orléan, les commissaires de l’exposition dans le magnifique catalogue de cette dernière, véritable dictionnaire amoureux de l’espionnage au cinéma.

Bien évidemment, James Bond est présent en majesté et à au service de l’exposition. Comme un irrésistible appel, son générique plane au-dessus des salles et attire le visiteur. Grâce à de nombreux prêts de la société de production Eon Productions, les fans pourront s’extasier devant le pistolet en or de Francisco Scaramanga ou la combinaison en cuir bordeaux d’Halle Berry dans Meurs un autre jour. D’autres analyseront les codes et passages obligés cinématographiques de la célèbre franchise (bases, scènes de train, sorties de mer, etc).

Hedy Lamarr © cinémathèque française

Le cinéma permet tout y compris le retournement du plus incorruptible des espions en la personne d’un Sean Connery devenu commandant d’un sous-marin soviétique (A la poursuite d’octobre rouge, 1990) et écrivain œuvrant pour le KGB dans La Maison Russie (1990) d’un John Le Carré qui inspira de nombreux films (voir article Espions de papier). Avec Hedy Lamarr, les frontières entre cinéma et réalité finissent par s’estomper puisque l’actrice américaine qui tourna avec King Vidor et Victor Fleming inventa un système sécurisé de communications.

Le grand mérite de cette exposition est bel et bien de lancer en permanence des ponts (aux espions bien sûr !) entre fiction et réalité afin de mesurer leurs influences réciproques. Les objets de la fascinante collection de M – Stéphanie M. comme échappée d’un roman de Ian Fleming mais qui existe réellement ! – donnent une crédibilité au travail des créateurs et permettent de mesurer la vie quotidienne de ces hommes et ces femmes œuvrant dans l’ombre des États. Détecteur de mensonge, parapluie bulgare ou station d’écoute, tout est là. Ils sont complétés par des pièces de musées comme ces faux passeports de la Stasi et surtout cette incroyable machine Enigma, prêtée par le fond DGSE du musée de l’Armée.

L’espion, au cinéma comme dans la vraie vie, évolue. Il n’est plus celui qui défend un état, une idéologie. Mais un homme ou une femme qui agit selon sa propre conscience au service de l’humanité tout entière. Et naturellement le cinéma s’en fit l’écho avec ces nouveaux héros des temps modernes que sont les lanceurs d’alerte (Jason Bourne, Edward Snowden et Chelsea Manning). Nul doute qu’ils continueront à émerveiller les spectateurs en devenir qui, en sortant de cette exposition magnifique, ne manqueront pas de regarder derrière leur épaule pour voir s’ils ne sont pas suivis.

Par Laurent Pfaadt

Top secret : cinéma et espionnage, La Cinémathèque française
jusqu’au 21 mai 2023

Catalogue de l’exposition : Top Secret, cinéma & espionnage, Flammarion, 288 p.

La cinémathèque propose comme d’habitude une vaste programmation en lien avec l’exposition à retrouver notamment ici :

https://www.cinematheque.fr/cycle/le-cinema-d-espionnage-2e-partie-1006.html

Dorte Mandrup, architecte de l’humilité

La Maison du Danemark présente une magnifique exposition consacrée à l’une des figures de proue de l’architecture danoise

Des bâtiments en forme de dos de baleine ou d’aile de chouette des neiges sur la plus belle avenue du monde ? Ne cherchez plus, ils sont au Bicolore, espace d’exposition de la Maison du Danemark qui, pour l’occasion, a ouvert ses portes à l’architecte danoise Dorte Mandrup.


© MIR.no

Méconnue du grand public, cette architecte – elles sont encore trop peu nombreuses dans la profession – récente lauréate du Global Award for Sustainable Architecture impressionne par ses réalisations qui s’inscrivent dans un profond respect de l’environnement, de l’histoire et des sociétés où elles s’implantent. Ce prix, placé sous le patronage de l’UNESCO depuis 2010 et en partenariat avec la cité de l’architecture et du patrimoine qui a récompensé notamment l’agence Lacaton et Vassal, Pritzker Prize 2021, traduit bien le travail de Dorte Mandrup qui conçoit l’architecture comme la matrice d’une vie meilleure. Celui-ci, adossé à une éthique, témoigne avant tout d’une profonde humilité pour la nature.

L’exposition présente ainsi deux réalisations ainsi que plusieurs projets en cours de Dorte Mandrup. Parmi les réalisations, l’Ilulissat Icefjord Center au Groënland, centre pédagogique sur le changement climatique est d’une beauté à couper le souffle. Le visiteur est ainsi invité à se plonger à la fois dans les immenses photos mais également dans la maquette de cet édifice qui épouse, sous la forme d’une aile d’harfang des neiges, le relief du fjord d’Ilulissat. Dans ce bâtiment en lévitation, le fjord se déploie à mesure que le visiteur avance vers le cœur de l’édifice. Et le promontoire qu’il lui offre est moins un observatoire qu’un témoignage, en temps réel, du changement climatique. Car il ne faut pas s’y méprendre, en plus de déployer une beauté esthétique indéniable, l’art de Dorte Mandrup se veut une architecture de conviction, militante, une passerelle entre l’homme et son environnement. L’idée de passerelle, comme ce toit en libre-accès où déambule les visiteurs, est d’ailleurs emblématique de la réflexion de l’architecte.

Idem avec The Whale en Norvège, projet dédié à l’observation des baleines. Ici, le bâtiment s’apparente à une colline s’inscrivant dans la continuité du paysage tout en abritant une sorte de cavité. Conçu comme un point de rencontre entre les humains et les baleines qui mêle science, art et culture, l’endroit se veut être, une fois de plus, une passerelle, cette fois-ci entre l’homme et l’animal.

Cette même idée préside également au projet du musée de l’Exil de Berlin mais cette fois-ci entre passé et futur. Ici, sur le site de l’ancienne gare d’Anhalt qui symbolisa la fuite des Allemands face au nazisme, Dorte Mandrup a choisi de réutiliser les briques et débris de l’ancienne gare désaffectée pour y implanter le futur musée. Qu’il s’agisse donc d’environnement ou d’histoire, les projets de Dorte Mandrup témoignent d’une profonde humilité face à des environnements plus grands, face à des bouleversements historiques ou climatiques qu’il s’agit non pas de domestiquer mais d’épouser. Cette humilité forge la grandeur du travail de Dorte Mandrup. Une œuvre appelée à durer, sans aucun doute.

Par Laurent Pfaadt

Place, Dorte Mandrup : Architecture et paysage en symbiose, Le Bicolore, jusqu’au 6 novembre 2022

Pour découvrir l’univers de Dorte Mandrup, on pourra se plonger dans l’ouvrage (en anglais) de Tomas Lauri, Dorte Mandrup Arkitekter (Arvinius + Orfeus Publishing).

Top secret : espionnage et cinéma

L’exposition Top Secret explore les relations imbriquées entre espionnage et cinéma, rendant compte de l’étendue et de la vitalité d’un sujet qui se déploie autant dans une histoire que dans une géographie mondiale. L’épicentre des intrigues d’espionnage ne cesse d’être déplacé et reconfiguré, des villes divisées d’Europe (La Lettre du Kremlin, John Huston, 1970) au Moyen-Orient (la série du Bureau des légendes, créée par Eric Rochant), mettant aujourd’hui en avant des stratégies renouvelées du renseignement, caractéristiques du monde sécuritaire post 11-Septembre, dont l’impact sur la mise en scène génère de nouveaux codes, de nouveaux visages.

Tous les passionnés et espions en herbe pourront bien évidemment retrouver leurs héros favoris sur grand écran ou découvrir quelques pépites du film d’espionnage grâce à la programmation exhaustive de la Cinémathèque allant d’Hitchcock à OSS 117 en passant par Clint Eastwood et Steven Spielberg et d’autres.

Par Laurent Pfaadt

Du 21 octobre 2022 au 21 mai 2023
A la Cinémathèque de Paris

https://www.cinematheque.fr/exposition/top-secret-cinema-et-espionnage.html

archéo-fiction du bonheur

« Lydia Jacob Story » de Raymond E. Waydelich

L’Espace muséal Re-Naissance situé au rez-de-chaussée de l’hôtel de ville de Ferrette, un bâtiment de la Renaissance rhénane daté de 1572, a été inauguré après travaux en octobre dernier par le comte en titre : S.A.S. le Prince Albert II de Monaco. Ce dialogue entre grande et petite histoire se poursuit sous l’égide de l’association Trésors de Ferrette avec le concours de la galerie Courant d’Art (Mulhouse) pour cette Lydia Jacob Story visible jusqu’au 2 octobre. L’exposition est une immersion dans ce futur passé (ou l’inverse…) reconstitué par l’artiste alsacien grâce à une cinquantaine de pièces dont les plus récentes ont été réalisées lors des dernières époques confinées. Une collision temporelle comme les apprécie Raymond E. Waydelich !


Depuis la découverte en 1973 sur un marché aux puces de Strasbourg du carnet de notes (daté de 1890) de Lydia Jacob, cette cousette de Neudorf accompagne Raymond E. Waydelich. Il fabrique les traces, les documents, les hommages, les reliquaires d’une biographie téléportée vers le futur pour mieux évoquer notre présent. Dès 1978 à la Biennale de Venise où il représente la France, il expose « L’homme de Frédehof, 2720 après J.-C. », un environnement qu’il dédie à Lydia Jacob. En 1981, avec des pages annotées, des dessins, peintures, objets, installations, la vie rêvée de Lydia Jacob prend corps au Musée Zoologique de la Ville de Strasbourg.

Le potentiel de ce passé enfoui qui soudain resurgit, il le découvre enfant dans un article du journal de Spirou sur Schliemann (inventeur de Troie). Naîtra une fascination qui ne le lâchera plus et qu’il nourrira : sur les sites archéologiques romains en Algérie durant son service militaire au service photographique des armées (1961), au début des années soixante-dix à Tabarka (Tunisie), à Éphèse, Aphrodisias, Milet, Hiérapolis (Turquie) et surtout en Crète en 1984 avec le choc des figures noires sur les vases minoens.

Dans son travail, il creuse ce sillon du glissement temporel, de cette archéo-fiction qui confronte un futur rétrospectif et un passé prospectif. Une veine qu’il décline en 1983 à Fribourg-en-Brisgau avec le site de Grubierf en 3500 après J.‑C., en 1994 à Villefranche-sur-Saône avec L’Île d’Orsi, 3720 après J.‑C., en 1995 à Strasbourg avec Mutarotnegra[1], 3790 après J.‑C. et ce Caveau du futur enfoui sous la place du Château, en 2010-2011 avec les Fouilles récentes de Mutarotnegra à Réthymon, puis au musée archéologique de Strasbourg.

Pour autant Raymond E. Waydelich n’est pas un artiste du passé, il réussit à faire le grand écart entre l’art pariétal (la récurrence de ces silhouettes aux bras levés) et cet esprit de happening un brin provoquant à la Joseph Beuys n’oubliant jamais son humour pince-sans-rire. D’ailleurs plutôt qu’artiste peintre, il se revendique « marchand de bonheur ! »

R.E. Waydelich / Memory painting « Life is but a dream »  
technique mixte, 2006 © Luc Maechel

Au-delà des figures, des dispositifs, ce qui l’intéresse ce sont ces traces estompées par le passage du temps qui muent quelquefois, mais demeurent malgré tout, têtues, obstinées et nous aiguillonnent, nous rappellent qu’il n’y a pas de génération spontanée, que tout est ancré : les craquelures évoquant les huiles anciennes des Memories painting, le délavé des monotypes „Pompéi”, les feuillets des comptes rendus du comité Coop du siècle dernier support de ses encres de Chine de 2020. Entre hommage et rappel que le passé ne s’efface pas d’un trait de plume, ces télescopages suggestifs imposent l’immuable dans une époque mouvante, évanescente, fragile.

En suivant le fil chronologique de ses œuvres, la figure humaine s’estompe. Restent les mots proférés en phylactères par son bestiaire anthropomorphisé comme dans les cartoons dont il raffole : I love you, Hoplà, I have a dream, Good morning, Live is a hot dream… et des destinations Kreta, Namibia, Alsatia avec les flèches nécessaires pour s’y retrouver dans notre monde déboussolé.

Toutes ces pièces – dessins, peintures, gravures, sculptures, céramiques, collages en 2D et 3D… – imposent un univers singulier aisément reconnaissable illustrant des situations inattendues quelquefois croquignolesques avec des créatures au sourire carnassier. Seuls les volatiles – cigognes, oies, coq… – n’ont pas (encore) de dents. Des prédateurs aux quenottes acérées qui tendent leur gueule béante vers des saucissons et autres charcuteries : et si la Schmierwurscht n’était pas seulement cet aliment convoité et « fabuleux », mais comme il le proclame cet « oxygène » si nécessaire dans une société devenue étouffante ? Évoquant les rhinos, les éléphants croqués en Namibie, il lâche : « Et on les tue aussi, on les liquide, on liquide la terre entière, c’est dingue ! » (entretien de mai 2021).

Raymond E. Waydelich ?
Marchand de bonheur certainement, mais la générosité n’empêche pas la lucidité.

Par Luc Maechel

Espace Muséal Re-Naissance – Hôtel de ville
du 14 juillet au 2 octobre 2022
ven, sam, dim & jours fériés de 14h à 17h
entrée libre
38 rue du Château – 68480 Ferrette
http://www.tresorsdeferrette.fr/

* des vidéos avec Raymond E. Waydelich sont aussi en libre accès sur place


[1] anagramme d’Argentoratum, nom romain de Strasbourg

Photo : R.E. Waydelich à Ferrette en juillet 2022 avec un crucifix réalisé en 1999 © Luc Maechel

Les couleurs du temps

La mémoire des murs de Françoise Saur

Ce travail de mémoire avec les habitants du quartier Bel-Air à Cernay initié par Agora, centre socioculturel, est la troisième collaboration avec la photographe Françoise Saur. Il se décline en photos, entretiens réalisés par des étudiants en histoire à l’UHA, un livre (en préparation) et une exposition visible – dépêchez-vous, c’est seulement – jusqu’au 22 juillet.
Et l’engagement de Céline, Nora, Françoise et tant d’autres…


Edward Hopper peignait des êtres en suspension dans des espaces de solitude désenchantée. Dans le quartier Bel-Air de Cernay, Françoise Saur a photographié les espaces vidés de ses habitants avant démolition (en 2022). Plus de locataires, plus de meubles… mais les traces de vie demeurent ! Têtues, touchantes, saugrenues quelquefois.

L’attention portée au traitement de la couleur intensifie la singularité du témoignage de ces fragments. Sur les plans plus larges, la photographe trouve même le rose partagé par Gauguin et Picasso et le bleu limpide du peintre américain magnifiant un espace désinstallé en attente de sa fin. Ses images saisissent la quintessence du souvenir en l’absence de ceux qu’il hante et nous l’offre en réflexion.
Des objets abandonnés – si importants à un moment sans doute – intensifient le sentiment de déshérence, préservent l’empreinte des vies évacuées, des gestes qui se prolongent désormais ailleurs. Surgissent des stigmates aussi déroutants et touchants que ces motifs créés par des papiers peints arrachés évoquant les découpages de Matisse. Une mémoire saisie dans une matérielle et sensible densité sur ces murs maintenant disparus. Ne restent que les images de ce désarroi, de ce bord du temps qui change, bouleverse souvent et emporte les choses et les êtres.

Ce sont les clichés accrochés sur les cimaises, en statique.
En boucle, sur un écran, défilent les portraits d’habitants qui ont accepté de poser. Des gens plutôt âgés, venus d’ailleurs – de très loin quelquefois – ou des vallées voisines pour se rapprocher du travail et tous ont fait leur vie dans ce quartier. Ils posent dans leur ancien logement désert, corps en pause dans l’espace vide de leur vie d’avant, mais aussi dans leur environnement d’après, regard enjoué vers l’objectif, nantis d’un pot de fleurs ou d’un autre accessoire. En off la voix de leurs souvenirs raconte… Des passeurs de mémoires qui tels Les anges protègent les châteaux de sable, pas les châteaux de pierre (Christian Bobin, Un bruit de balançoire, 2017).

Par Luc Maechel

Centre socioculturel Agora / 7 rue de la 4e D.M.M
2/07 – 22.07.2022 / du mardi au vendredi de 14h à 18h
(accès : s’adresser à l’accueil, 03 89 75 62 80)
visite guidée avec l’artiste mardi 12/07 à 17 h
http://www.cscagora.fr