Dans cette grande famille d’artistes où brille en majesté le nom de Charlie Chaplin, nous demandons pour ce spectacle, Victoria sa fille et Aurélia sa petite-fille.
Présenté par le TJP CDN Strasbourg-Grand Est et le Maillon
le spectacle nous invite à travers une série de séquences à nous laisser emporter
par la magie au sens propre du terme, celle qui se pratique dans les cabarets
ou les cirques pour surprendre, émerveiller son public.
Présentement il y avait de quoi. « Objets inanimés avez-vous donc une âme… » On a envie de parodier la citation ou plutôt d’y répondre par l’affirmative car, dans ce décor qui peut évoquer, la salle d’attente du médecin ou un salon bourgeois ou tout autre lieu, les tables ou les chaises se meuvent sans crier gare, les cloisons sont mobiles, des vêtements surgissent des corps, des paravents en cachent ou en font surgir d’autres dont les tenues peuvent en un instant radicalement changer de coupes ou de couleurs. (Scénographie et costumes Victoria Thierrée Chaplin)
On en reste sur nos interrogations et sur notre admiration
quant à l’habileté de la conception qui a présidé à cette réalisation et quant
à la virtuosité que cela implique pour la faire advenir.
Apparition, dissimulation, disparition, la scène est comme
un immense terrain de jeu qui ne cesse de capter notre attention. Y demeure, en
bonne place, le personnage principal, une jeune, jolie et charmante jeune femme
atteinte de cleptomanie, ce dérèglement comportemental qui la pousse à dérober toutes
sortes d’objets, fournit le prétexte à des situations ubuesques, comme emporter
un tableau, vider le contenu d’une étagère, s’affubler d’une coiffe scintillante,
devoir ensuite s’accommoder de leurs exigences.
En toute élégance la voilà dans les bras d’un bel homme (Jaime Martinez) avec qui elle s’engage dans un fougueux tango imaginé et chorégraphié par Armando Santin et Victoria Thierrée Chaplin. (Conception sonore Dom Bouffard)
On suit ses voltiges, ses envolées vêtues de superbes robes
qui accentuent sa grâce et nous la montrent dans des situations surréalistes
comme lors de cette chevauchée fantastique où on la voit caracoler sur un
échafaudage de porte-manteaux agencés en une étrange monture.
Fidèle à l’ancêtre,
le spectacle est muet et joue comme il se doit sur l’expressivité des corps, et
l’intensité des regards pour nous entraîner irrésistiblement dans le monde
de la magie, de l’émerveillement
et de la poésie.
Ce créateur de spectacle, Antoine Defoort, de plus excellent interprète, mériterait, selon nous, le Nobel de l’humour s’il existait, tant il nous ravit par ses prestations aussi intelligentes que drôles. Son retour au Maillon pour trois soirées fut un vrai bonheur pour tous ceux qui ont eu déjà l’occasion de suivre et apprécier ses spectacles dont le fameux « Un faible degré d’originalité » en 2022, ici même, qui portait sur la propriété intellectuelle dans le domaine artistique.
Toujours sous forme de causerie ou conférence, car c’est sur
ce mode qu’il intervient, il va jouer à nous initier à ce qu’il appelle « la
méthode itérative ».
Drôle, la façon très naturelle dans laquelle il se place et
nous place, nous devenons des potaches, au mieux des étudiants, des auditeurs
auxquels de manière très « pédagogique » il a des révélations à faire.
Il arrive très décontracté et se présente, son tee-shirt porte le
logo « Prototype » et sa casquette la mention « Je
n’ai pas tous les éléments » précisant qu’elle permet grâce à un petit bouton
de lancer les vidéos nécessaires à ses démonstrations.
Tout d’abord attirer notre attention sur une notion le « design », profitant de ce terme très en vogue, généralement attribué aux meubles ou objets tout juste inventés, il en fait l’étymologie et donc nous révèle qu’il vient du mot « dessin » (qui s’écrit « dessein » au 17ème siècle) et que simplement il signifie « désigner » et peut vouloir dire qu’une idée devienne forme et qu’à ce titre on peut l’attribuer à la fabrication de notre tartine du petit déjeuner. Il se plait alors à nous en détailler les étapes et c’est assez jouissif pour que cet exemple trivial, nous fasse entrer avec curiosité et amusement dans sa grande démonstration sur la méthode qu’il se propose de nous indiquer afin que nous évitions tout échec dans nos processus de création.
Usant d’un moyen qu’il prétend pertinent et dont il aime à
se servir, à savoir, « la métaphore » il nous explique à grand renfort de schémas projetés sur l’écran comment nous pouvons
faire passer une idée d’une personne à une autre sachant qu’entre nos cerveaux
existerait un espace intercérébral, comparable à l’espace intersidéral et qui
nécessiterait l’intervention de
« vaisseaux» pour transporter les idées, ,les phrases,
bien sûr mais que de malentendus à
prévoir, d’incompréhensions, de tensions qui obligent à analyser puis à
reformuler, un chemin plein de pièges, entre conception et fabrication. Notre
« conférencier » nous prend à témoin de tous ces aléas avec toujours
cette rigueur dans l’exposé des problèmes et cette fantaisie qui transparaît
dans leurs éventuelles solutions. Un paradoxe séduisant, captivant.
Un spectacle ludique, une ode à l’intelligence comme sait si bien le réussir le collectif L’Amicale.
La
11e édition de la Fiesta des Suds réunissait notamment MC Solaar,
Fatoumata Diawara et Angélique Kidjo
Face
à la mer se dresse le Mucem, le musée des civilisations de l’Europe et de la
Méditerranée. Comme un bateau transportant hommes et cultures depuis la nuit
des temps sur cette mer qui lui sert de berceau. Des bateaux culturels poussés
par les alizés sonores des artistes invités à la 11e édition de la
Fiesta des Suds, cet important festival des musiques du monde accueillant ce
sud lointain et finalement si proche.
Des
alizés portés par les vents furieux de la guerre que nos artistes ont tenté de
calmer par des paroles apaisantes comme celles d’Ayo, la chanteuse nigériane
bien connue du public français qui a ouvert cette 11e édition ou le Ya
Sidi d’Orange Blossom, ce magnifique cri déchirant le crépuscule
marseillais et arrachant au public plaintes et ovations. Le groupe nantais,
alternant moments d’émotion et exaltations électro-rocks avait à cœur de
présenter sa nouvelle chanteuse, Maria Hassan, réfugiée syrienne qui, de sa
voix de pythie tirée des flots de la mer et enveloppée dans son charme
vespéral, a très vite ensorcelé le public.
Car
il était dit que même le mistral ne pourrait s’opposer à ces alizés musicaux et
qui sèmerait le vent récolterait, selon le capitaine MC Solaar, tête d’affiche
de cette onzième édition, le tempo bien évidemment. Dans son navire, l’amiral
du rap français avait convoqué anciennes et nouvelles générations dans un même
élan en dispensant titres de son dernier album et tubes d’antan comme autant
d’exploits racontés par ce marin d’exception qui n’a rien perdu de sa verve.
Le
meilleur était à venir avec l’arrivée d’un cyclone déferlant depuis le Mali. Le
concert de Fatoumata Diawara constitua réellement le point d’orgue du festival.
Et il était dit qu’une princesse masquée viendrait, telle une magicienne,
enchanter la cité phocéenne. L’artiste malienne a ainsi revêtu tour à tour les
masques musicaux de l’afro-beat puis du blues malien usant de sa guitare comme
d’un sceptre et effectuant danses et transes qui ont fait de ce concert un
moment d’anthologie où résonnèrent notamment les titres de son dernier album, London
KO, sorti en mai dernier. Artiste engagée en faveur des migrants ou contre
l’excision avec des titres comme Nferini et Sowa et appelant son
public à « oublier les frontières car nous sommes tous des êtres
humains et avons tous les mêmes droits », Fatoumata Diawara a
également rendu hommage à ses anciens partenaires musicaux, Damon Albarn et
surtout M.
Restait
à Angélique Kidjo, la reine des reines musicales africaines, à conclure cette
édition. Entre hommages à Celia Cruz tirés de son album Celia (2019) et
à Miriam Makeba, celle qui est ambassadrice internationale de l’UNICEF a
délivré un message humaniste en faveur de la liberté et de l’éducation chantant
notamment Agolo avec les enfants de la cité des Minots, programme
d’éducation artistique et culturelle mené chaque année avec 750 écoliers au
sein d’écoles élémentaires REP – REP+. Toujours aussi généreuse avec son
public, elle lui a offert son dernier single, Joy – joie en anglais –
qui demeure avant tout pour elle « un état d’esprit » qu’elle
a propagé telle une brise.
Portée par cette dernière, un papillon s’est alors mis à voler sur scène. « De nos mains viendra la lumière » écrivit Homère sur les murs du Mucem comme pour attraper, dans cet effet papillon provoqué par le festival, celles de ces minots qui construiront, à n’en point douter, les bateaux culturels de demain.
Un court avertissement avant le début du spectacle nous met en garde contre une violence qui pourrait s’exprimer au cours de cette prestation, occasionner un malaise nous poussant à quitter la salle, les sorties nous étant indiquées ! Oh ! là là ! il va falloir être attentifs !
Et d’un coup, elles déboulent comme des furies, se précipitant, se bousculant, elles, ce sont les huit comédiennes, anciennes élèves du groupe 47 de l’Ecole du TNS, toutes formations confondues, Loïs Beauseigneur, Léa Bonhomme, Jeanne Daniel-Nguyen, Jade Emmanuel, Valentine Lê, Charlotte Moussié, Manon Poirier, Manon Xardel qui ont formé le Collectif FASP, (filles à son papa) et qui ont co-écrit et mis en scène ce spectacle, issu d’une carte blanche que l’école leur avait proposé en 3 ème année. Les voilà, aujourd’hui bien décidées à nous en remontrer quant à la condition masculine qu’elles ont manifestement placée dans leur collimateur. Il va s’agir à l’évidence d’un spectacle féministe car « ras -le -bol » de la suprématie des hommes et du patriarcat qui écrase les femmes depuis toujours et partout. Alors, leur tirer dessus, pourquoi pas ? Le titre de la pièce devient à ce propos fort suggestif et pertinent (le Beretta étant un célèbre pistolet semi-automatique). Légitimer la violence des femmes, une hypothèse qui pourrait faire consensus.
Mais voyons la manière de nous en convaincre.
Jouer un groupe de femmes qui se réunissent dans une laverie désaffectée pour élaborer, discuter de comment agir contre la prééminence des hommes. Toutes ne seront pas du même avis concernant l’usage de la violence mais d’abord pour nourrir leurs réflexions, pourquoi pas choisir au préalable une référence incontournable, le SCUM Manifesto, manifeste de l’américaine Valérie Solanas , écrit en 1967,avant son coup d’éclat, en 1968, tirer sur le célèbre artiste Andy Warhol, ce qui lui valut de gros ennuis avec la justice.
Le spectacle nous embarque dans cette rétrospective pour faire vivre cette femme, icône des féministes les plus radicales en confiant ce rôle à la comédienne Jade Emmanuel qui clame haut et fort les extraits du Manifesto et avec une conviction inébranlable porte ce personnage, nous la montrant toujours en action, mettant les autres en demeure de reconnaitre sa valeur d’écrivaine et la justesse de ses engagements, sa capacité à se passer d’avocat et à vouloir se défendre elle-même quitte à passer pour folle.
On retrouve le groupe des activistes dans leur laverie où se manifeste leur désir d’agir sans parvenir à l’unanimité, l’une raconte tout en préparant des sandwiches comment sa mère lui a inculqué les principes à respecter pour devenir une femme parfaite, d’autres préparent des cocktails Molotov en remplissant des petites canettes de bière avec de l’alcool à brûler, on les voit enfiler de grands manteaux sombres ou accrocher une reproduction du tableau d’Artemisia Gentileschi montrant Judith décapitant Holopherne, autant de petites actions qui soulignent leurs intentions d’affirmer qu’elles sont prêtes à se manifester sans exclure violence et désobéissance civile.
La violence légitime est aussi évoquée par le rappel de
l’acte de Jacqueline Sauvage qui a tué son mari qui la persécutait, « a-t-elle
eu tort ? » posent-elles comme question, pour d’autres, qui ont agi
ainsi, même leitmotiv : « a-t-elle eu tort ? »
Porté avec conviction par de jeunes comédiennes pleines d’énergie et très habiles dans leurs prestations, ce spectacle interpelle d’autant que le sujet est des plus actuels, vu le procès en cours des violeurs en série, sans oublier bien d’autres forfaits commis par la gent masculine.
Un « Scum » bien vu, bien pensé, bien mené.
Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope
Représentation du 8 octobre au TNS salle Gignoux jusqu’au 18 octobre
Créer avec des feuilles de papier et trois bouts de ficelle, ça ressemble à l’univers qu’un enfant pourrait inventer, il y a de cela dans la scénographie signée Brice Berthoud de la Cie « Les Anges au plafond », CDN de Normandie, sise à Rouen mais le monde dans lequel il va mener cette histoire de chien blanc est plus imaginatif, plus astucieusement élaboré et ce pour nous conduire à aborder le problème crucial et récurrent du racisme. (Dramaturgie Saskia Berthoud). C’est à partir de l’ouvrage quasiment autobiographique de Romain Gary « Chien blanc » que ce spectacle a été conçu retraçant un épisode de sa vie lorsqu’il vivait à Beverly Hills, dans les années 60, avec son épouse, l’actrice Jean Seberg, alors très engagée dans le mouvement pour l’égalité des droits civiques entre les populations noires et blanches et contre l’apartheid qui sévit aux Etats-Unis.
Un jour, un chien perdu se présente devant chez eux. Se pose
la question de son adoption. Jean est pour, Romain, hésite mais finalement il
accepte de le garder et lui donne le nom de Batka ce qui veut dire « Petit
Père » en russe (Romain Gary est né à Vilnius en 1914). C’est un berger
allemand très pacifique et affectueux au premier abord mais qui devient
très agressif en présence d’une personne noire. Car on l’a dressé pour cela. Le
« déprogrammer » en quelque sorte se révèle complexe et peu probant.
Une histoire que le spectacle porte avec une intensité, une vie,
un humour une sensibilité qui le rendent particulièrement touchant dans la mise
en scène de Camille Trouvé .
Il est vrai que les personnages, Romain Gary, Jean Seberg, un ami, Keys, représentés par de grandes marionnettes (création, Camille Trouvé, Amélie Madeline, Emmanuelle Lhermie) et les comédiens, qui les incarnent Brice Bertoud et Tadié Tuéné et les manipulent directement sous nos yeux, les font agir et parler, donnent vie à leurs gestes et leurs propos les rendant par cette double présence plus attachants encore.
Et puis la grande marionnette du chien en papier est impressionnante,
manipulée habilement par Brice Berthoud, elle passe de la douceur en sa
présence aux crises de fureur, à la rage, oreilles dressées, gueule ouverte sur
des crocs menaçants dès qu’une personne noire s’approche de son champ de vision.
Elle occupe le plus souvent le centre du plateau tournant, par moments entouré
de poteaux et de cordes, sorte de ring placé sous un éclairage cru (Nicolas
Lamatière ) qui accentue ses moindres changements d’humeur et nous le
montrera successivement agressif aves
les Noirs et le devenant avec les Blancs après sa laborieuse et contestable rééducation.
Une scénographie qui ne laisse rien au hasard, est mise entièrement
au service de ce propos destiné à dénoncer à travers cette dramatique histoire
de chien l’extrême difficulté » à se défaire des préjugés acquis, mais
corrélativement la puissance de la manipulation. C’est ainsi que des humains
apparaissent en ombres chinoises sur ces grands panneaux de papier blancs qu’on
déchire, roule en boule, jette à tout venant pour témoigner de la fragilité humaine,
de sa versatilité, que défilent sur les bords de la tournette de petits personnages,
des figurines en papier nous représentant tous.
La mise en scène est soutenue de bout en bout par le
formidable accompagnement de la batterie d’Arnaud Biscay qui n’hésite pas à se
mêler au jeu d’acteur quand l’appel du plateau se fait sentir. Musique de jazz
et chant donnent force et authenticité à cette prestation contre la haine
raciale, un sujet politique toujours d’une brûlante actualité qui, fort
heureusement, a eu un vif succès auprès du public, en particulier jeune.
La théâtralisation d’un atelier de haute couture est en quelque sorte une aventure car il est loin d’être un lieu coutumier pour une telle entreprise. C’est pourtant là que Caroline Guiela N’guyen a décidé de nous entraîner pour nous conter la fabuleuse confection de la robe de mariée de la princesse anglaise dont il nous restera à trouver quelle elle est en fait. Mais là n’est pas la question.
Cette plongée dans la
vie d’un atelier en pleine et constante effervescence constitue l’intérêt
principal de cette création.
Quand le rideau s’ouvre nous sommes immédiatement au cœur de l’action, comme le prouvent les éléments du décor, sous une lumière blanche, apparaissent les tables de travail, les mannequins qui portent déjà de magnifiques robes, celle de la mariée, blanche, brillante extrêmement élégante et une rose tout aussi magnifique.
Et aussi le drame tout de suite, la première d’atelier
épuisée, dépassée a avalé des cachets et meurt, malgré l’intervention des secours.
Comment en est-on arrivé là ?
Le récit sera l’objet de cette représentation qui va montrer
le cheminement complexe qui mène de la joie extrême à la négation de soi.
Tout commence en effet par cette annonce venue de Londres, c’est la maison de couture Beliana à Paris qui a été choisie pour exécuter la robe de mariage de la princesse. Marion, la première d’atelier (magnifique interprétation de Maud Le Grevellec) et toute son équipe se sentent honorées par ce choix, mais comprennent vite la responsabilité qu’elle leur fait endosser en entendant les exigences prononcées avec autorité et sans ménagement par le responsable de la cour en charge de faire exécuter au mieux et dans des délais relativement courts cette extraordinaire commande et ce en gardant le secret absolu sur cette réalisation.(Vasanth Selvam ). Marion souscrit à tout et met son monde au travail. On suit l’évolution de cette réalisation, les discussions entre Paris et Londres pour des mises au point nécessaires mais toujours impératives.
On apprend que pour cette robe sublime, le dos devra être brodé et que la longue traine sera le fameux voile en dentelle d’Alençon, une vraie pièce de musée qui va nécessiter d’être restauré.
Habilement, la metteuse en scène nous propulse grâce à la
vidéo auprès des dentellières qui vont
faire l’objet d’une émission de radio
qui leur permet de dire ce qu’est cet art de la dentelle ,la passion qu’elles
éprouvent pour ce travail délicat et le perfectionnisme qu’il exige.
De même, nous suivrons en vidéo dans l’atelier de MumbaÏ en Inde le travail minutieux d’Abdul, le brodeur de perles courbé sur son ouvrage, les yeux au plus près du tissu qu’il tient précautionneusement (Charles Vinoth lrudhayaraj).
C’est ainsi que la pièce met en valeur le travail professionnel, le savoir-faire de ceux qui restent souvent dans l’ombre et méritent toute notre admiration quand leurs travaux nous sont révélés.
A la manière des séries que nous suivons à la télévision, nous devenons témoins de l’évolution de cette mise en chantier de la confection de la robe, de la fatigue, de l’angoisse qu’elle suscite chez la directrice de l’atelier soumise à une pression constante et des tensions que cela déclenche, scènes de ménage entre Marion et Julien (Dan Artus) son mari devenant jaloux, soupçonneux et violent, arrivées impromptues de la fille frustrée de ne plus voir sa mère toujours occupée ,indisponible, des moments de pur réalisme qui ponctuent cette représentation. Et pour rester dans le réalisme on aborde les problèmes de santé liés à des travaux délicats, difficiles qui épuisent la vue des dentellières comme celle du brodeur et visites médicales à l’appui on met en évidence que ceux qui s’adonnent sans compter à réaliser de superbes objets peuvent se mettre en danger sans que les commanditaires en aient la moindre connaissance.
La dernière scène qui reprend la première en est la criante illustration, nous montrant comment la conscience professionnelle mise à mal par un incident technique pousse Marion au suicide. Ainsi, aura -t-elle payé de sa vie la splendeur qu’elle aura accepté de créer en dirigeant une équipe expérimentée et laborieuse.
Une véritable leçon de vie portée par des comédiens à l’engagement indéniable qu’ils soient professionnels ou amateurs puisque Caroline Giuela Nguyen se plaît à les diriger ensemble réussissant ainsi à créer ce théâtre qu’elle veut populaire.
Il
le fut le seul Américain engagé dans cette compétition et ne remporta que la 5e
place, la faute à ces maudits scandinaves qui dominaient alors l’épreuve. On
raconte qu’il n’obtint pas la victoire parce qu’il utilisa un calibre 38 dont
les balles, laissant des trous trop gros dans les cibles, n’ont pu être
comptabilisées, à l’inverse de celles des calibres 22 préférées par ses
adversaires.
Mais
trente années plus tard, c’est avec un autre pistolet que le général Patton
partit sabre au clair à l’assaut d’une Europe en passe d’être libérée depuis le
débarquement en Normandie. Le fameux 357 Magnum Smith & Wesson avec sa
crosse en ivoire était capable non seulement de faire de gros trous mais
également d’arracher la cible entière !
Les
insoumis (2/3)
JO
Moscou 1980 :Władysław Kosakiewicz (athlétisme)
Il a
suffit d’un bras, solide et puissant pour propulser Władysław Kosakiewicz par dessus une
barre placée à 5,78 mètres et remporter ce concours du saut à la perche disputé
dans cette ambiance moscovite électrique face à l’idole de tout un peuple,
Konstantin Volkov.
Mais
il était dit qu’on ne conspue pas impunément la fière et revêche Pologne où
couvait cet ardent désir de liberté qui allait se manifester quelques semaines
plus tard sur les chantiers navals de Gdansk.
Un bras qui se fit d’honneur pour dire qu’à Varsovie un nouveau pacte
venait d’être signé : celui d’un pays avec son destin en marche porté par
Solidarnosc. Un bras, de Mexico à Moscou, symbolisant la solidarité des peuples
opprimés.
Les
perdants magnifiques (2/3)
JO
Atlanta 1996 : Linford Christie (athlétisme)
Il
avait ce calme qui est l’apanage des plus grands champions et qui lui avait
permis de glaner l’or olympique à Barcelone. Et voilà que notre Zeus, bien
décidé à rester quatre ans de plus sur l’Olympe du sprint, se présentait au
départ de la finale du 100m face à des millions d’Americains qui ne pensez pas
qu’un Anglais puisse, deux siècles après avoir été vaincu à Yorktown, infliger
une nouvelle défaite à leurs héros, Dennis Mitchell et Mike Marsh.
Deux
coups de feu retentirent dans la nuit d’Atlanta, ceux d’un starter qu’il
devança. Terrassé sans avoir mené bataille, il s’en alla comme il était venu,
en champion.
D’or
et de sang (2/3)
JO
Amsterdam 1928 : équipe des Pays-Bas (gymnastique)
Pour
la première fois, les femmes avaient le droit de participer aux épreuves de
gymnastique. Et les Néerlandaises étaient si fières de représenter leur pays,
ici, chez elles. Et lorsqu’elles remportèrent l’or du concours par équipe,
c’est une nation toute entière qui remercia ses filles.
Mais
quinze ans plus tard, le Troisième Reich contrôlant le pays se mit à traquer
les juifs et notamment la jeune Anne Frank. Ces mêmes femmes, jadis célébrées
devinrent des ennemis et furent
déportées puis assassinées dans les camps d’extermination de Sobibor et
d’Auschwitz-Birkenau.
Elles
s’appelaient Juditke Simons, Anna Polak, Helena Nordheim et Estella Agsteribbe.
Tristes
tricheurs (2/3)
JO
Séoul 1988 : Ben Johnson (athlétisme)
Un
poing levé vers le ciel et 9,79, un chiffre longtemps maudit dans l’athlétisme.
Tricheur
voué aux gémonies parce qu’il fut le plus éclatant, le premier d’une cohorte à
venir. Parce qu’il fut ce Canadien qui humilia les États-Unis et leur légende
Carl Lewis. Et surtout le précurseur d’un sport business, d’un entertainment à
venir qui aurait besoin du dopage pour prospérer.
Dans les cours d’école, il est devenu un nom commun, celui de tout exploit jugé surprenant, inhabituel, imprévisible, suspect. Mais surtout Ben Johnson demeure aujourd’hui le côté sombre du sport, celui qui personnifie plus qu’aucun autre ce monde au-delà du sport, celui de l’argent et de l’absence de morale et de règles.
Nouvelle formule au Maillon, une programmation semestrielle, la première allant de septembre à fin décembre, cela pour plus de souplesse et permettant de laisser se préciser les besoins et les envies. Une deuxième présentation sera donc nécessaire pour la suite et aura lieu en Janvier 2025.
Le visuel de la brochure nous présente des silhouettes aux
contours flous mais vivement colorées, des tableaux qui attirent l’œil et nous
intriguent à l’instar de ce que pose Barbara Engelhart, la directrice du
Maillon dans son éditorial : « nous pensons que le sens de la
culture est d’observer de près les choses sans pour autant les tirer au clair,
les attirer vers des évidences trompeuses »
En parcourant le programme de cette première partie qui propose 11 spectacles, dont 1 création et 3 premières françaises « nous avons quelques repères à soumettre aux futurs spectateurs ».
Compositeur Ted Hearne Photo Jen Rosenstein
Tout commencera en musique par trois œuvres présentées en première française avec le Festival Musica à savoir : « All right good night » de Helgard Haug du collectif Rimini Protokoll et Barbara Morgenstern, un très beau texte émouvant sur la perte de soi accompagné par les musiciens du Zafraann Ensemble . Ce même jour un oratorio du compositeur, chanteur et chef d’orchestre américain Ted Hearne « The source » qui évoque la lanceuse d’alerte Chelsea Manning qui révéla les agissements des américains pendant les conflits d’Irak et d’Afghanistan. Une approche musicale accompagnée de projections sur écrans géants.
Nous retrouvons Antoine Defoort, régulièrement invité au Maillon, avec son humour et son côté farfelu dans « Sauvez vos projets (et peut-être le monde) avec la méthode itérative », une sorte de spectacle-conférence à la manière de sa performance sur le droit d’auteur, particulièrement jouissive.
Retrouvailles aussi avec Nathalie Béasse accueillie
plusieurs fois ici qui commence une résidence en vue de présenter « Velvet »
qui fera, comme à son habitude, la part belle à l’imaginaire en puisant dans
des livres sur la peinture et la photographie et sur ce matériau qu’est le velours,
d’où le titre.
Rretrouvailles aussi avec Miet Warlop pour un concert dansé,
une performance réjouissante et pleine d’humour intitulé « One Song »
créé en 2023 au Festival d’Avignon
Du 21 nov. au 1er déc. PAYSAGE 4 sera consacré à Milo Rau, le nouveau directeur des Wiener Festwochen, créateur de la « République libre de Vienne » un metteur en scène et réalisateur qui travaille à partir de réalités sociales et politiques et affirme que « représenter la violence est un acte politique » Il nous proposera deux spectacles engagés à partir de deux mythes antiques qu’il réactualise et repolitise : « Antigone in Amazon » qui évoque le combat, la résistance, l’assassinat des « Sans terre » au Brésil Medea’s children qui croise l’histoire de Médée à partir d’un fait divers dramatique qui eut lieu en Belgique en 2007 avec l’assassinat de ses quatre enfants par leur mère.
Trois spectacles sont à voir en famille : « Bells and spells » de Victoria Thierrée Chaplin qui met en scène toutes sortes d’objets, et allie fantaisie, magie et humour. « Hulul » dans lequel le metteur en scène Aurélien Patouillard s’inspirant d’un ouvrage pour enfants d’Arnold Lobel construit un spectacle où la comédienne Marion Duval devient un personnage loufoque, plein d’énergie qui pose d’étonnantes questions .
En clôture de cette demi-saison, mi-décembre, juste avant Noël « Reclaim » de Patrick Masset se situe entre théâtre musique et cirque. A partir d’un rituel d’Asie centrale il crée pour cinq circassien-nes, deux violoncellistes et une chanteuse lyrique un magnifique spectacle qualifié de meilleur spectacle de cirque 2022-2023.
Une programmation attractive qui laisse présumer le meilleur
pour la suite.
Un public nombreux est venu assister à la présentation de la future saison du TNS. C’est dire l’intérêt constant et grandissant qu’on porte à cette institution et aux propositions qu’elle nous offre.
Sa directrice, Caroline Guiela Nguyen souhaite élargir
encore cette participation nous invitant à faire connaître les bienfaits du théâtre
à nos amis et connaissances qui n’auraient plus l’opportunité de s’y rendre ou
qui ne l’ont jamais connu. La question brûlante étant « Quand
serons-nous enfin réuni-es ? » A l’évidence pour elle comme pour
nous, il est dommageable de ne pas connaître cet extraordinaire moyen de
réflexion et de partage d’émotion qu’est le théâtre. Le cœur qui figure sur le
nouveau logo du TNS en constitue le symbole. Un cœur que font battre selon ses dires, le public, les équipes du TNS,
son école supérieure d’art dramatique et tous les artistes qui interviennent
pour nous apporter ce que leur créativité, leur talent réussissent à imaginer
et à produire pour notre plus grand plaisir.
Au cours de cette saison qui débutera par le
spectacle « Lacrima » de Caroline Gueila Nguyen dont nous avons
pu voir l’avant-première au printemps dernier avant son arrivée au Festival
d’Avignon des spectacles de différents genres nous attendent. Quelques-uns
mettant en valeur des histoires de femmes comme « Beretta 68 » du
Collectif FASP qui s’appuie sur la lecture du fameux « Scum
Manifesto » de Valerie Solanas qui dénonce la société patriarcale et
revendique le droit des femmes à la violence, comme « Les Inconditionnelles »
de Kae Tempest et Dorothée Munyaneza mettant en valeur l’amitié, l’amour entre
deux femmes qui se sont rencontrées en prison et qui affirment leur
liberté en dépassant les interdits.
Autres spectacles dont la femme est le centre, ceux de
l’autrice et performeuse Laurène Marx « Pour un temps sois peu »
et « Je vis dans une maison qui n’existe pas » des textes qui de
façon intransigeante et poétique interrogent le genre et la normalité.
Il y a aussi « Cécile » dans lequel Cécile Laporte
dans une mise en scène de Marion Duval joue son propre rôle en nous
faisant connaître de façon jouissive
les multiples aventures qu’elle a vécues.
Interroge encore le genre, le corps, les tabous « Le
rendez-vous » d’après le roman de Katharina Volckmer interprété avec une formidable énergie et pas mal
d’humour par Camille Cottin dans la mise en scène de Jonathan
Capdevielle.
Spectacle où domine la musique, ce sera « La
symphonie tombée du ciel » monté par Samuel Achache» et ses acolytes qui
avaient présenté »Sans tambour » la saison dernière, partant d’une
enquête de ce qui a pu faire « miracle » dans la vie de certains
d’entre nous, ils ont conçu cette œuvre
musicale interprétée par un orchestre de 17 musiciens de jazz.
Où domine le mélange, théâtre, musique, danse, ce sera
« Los dias afuera » de Lola Arias qui est allée à la rencontre de personnes
qui, après avoir été emprisonnées dans un établissement pénitentiaire à Buenos Aires
retrouvent la liberté, une activité et jouent ici leur propre rôle dans cette
comédie musicale.
Où domine l’engagement, c’est »And here I am” avec l’acteur palestinien Ahmed Tobasi,
directeur artistique du théâtre du camp de Jénine en Cisjordanie qui, à
travers le texte écrit par Hassan
Abdulrazzak exprime la lutte de la
jeunesse palestinienne pour obtenir justice et liberté pour son peuple.
C’est aussi »Rectum crocodile » de Marvin M’toumo,
avec des performeuses qui dénoncent
l’esclavagisme, la masculinité blanche et le colonialisme.
De ce même metteur en scène avec le groupe 48 dont ce sera
leur spectacle d’entrée dans la vie professionnelle « Les
Indésirables » (titre provisoire) qui dira haut et fort combien il faut
prendre en considération tous les rejetés, marginaux, mal-aimés dans nos
sociétés policées.
Deux spectacles sont des adaptations d’œuvres qu’on peut
qualifier de « classiques », « Don Juan « mis en scène par David
Bobée verra se mêler au texte de Molière les problèmes qui agitent notre
société.
« Marius » mis en scène par Joël Pommerat est une
adaptation de la pièce de Pagnol pour une interprétation montée avec des
détenus de la Maison centrale d’Arles.
A noter un spectacle pluridisciplinaire d’Alice Laloy « Le
ring de Katharsy » avec chanteurs, acrobates, et danseurs et celui signé
Eric Feldman et Olivier Veillon « On ne jouait pas à la pétanque dans le
ghetto de Varsovie », un stand-up dans lequel « on explore avec
humour et gravité les traumatismes des enfants cachés survivants de la Shoah ».
Entre autres nouveautés de cette saison : Le festival « Les GALAS du TNS »permettra de programmer en fin de saison des spectacles où comédiens et amateurs se retrouveront comme dans la mise en scène de « La Vérité « la nouvelle création de Caroline Guiela Nguyen, de « Je suis venu te chercher« écrit, mis en scène de Claire Lasne Darcueil qui parlent tous deux d’enfants et « Marius », déjà cité .
Le « Tns club » qui,
offrira une place aux artistes
qui font le »stand-up » aujourd’hui, ils seront présents en mai pour
exprimer « le comique et la joie de la transgression »
La création d’un « Centre des récits », une banque
d’archives constituée d’histoires souvent laissées pour compte et dans
lesquelles les artistes pourront puiser pour alimenter leurs créations .
Le TNS fourmille de
propositions et pour être au fait de toutes
le mieux est de consulter la brochure de présentation, un très beau
livret magnifiquement illustré par les
photos de Slina Syan qui a fait poser
diverses communautés de Strasbourg
en habits de fête .
Enfin gardons à l’esprit ce que souhaite Caroline Giuela Nguyen que « le TNS soit un lieu de rencontre permanente dans un esprit de partage et d’ouverture ».
Nous l’avons déjà vu au Maillon où il nous a étonné par sa créativité et ses capacités à se mouvoir dans l’espace, faisant de son corps une super machine, inépuisable, semble-t-il à inventer d’improbables postures.
Le Maillon lui a offert l’opportunité d’animer ce lieu pendant 10 jours et le public fidèle et curieux n’a pas hésité à profiter de ses nombreuses propositions, en commençant par l’évaluation des ses propres mesures et capacités dans le petit « cabinet médical » aménagé à cet effet dans le hall.
Personnellement nous avons pu assister à deux de ses prestations, dont la première intitulée « Through the Grapevine » était une remarquable performance où il explorait un duo avec son acolyte Axel Guérin, jouant à mettre en évidence leurs différences de mensurations et à les exploiter à travers des approches, des corps à corps éblouissants de beauté , de prestance et de virtuosité, de drôleries parfois quand bras et jambes entremêlés se font image d’un être protéiforme ou d’un animal imaginaire.
C’est le corps qui parle car ici nous assistons à un spectacle sans parole mais ô combien parlant puisqu’il dit le corps dans toutes son expressivité, et dévoile sa capacité à la maitrise, à la sensibilité, à la nécessaire complicité dans la rencontre avec l’autre pour atteindre cette virtuosité dans des prestations audacieuses, singulières, émouvantes.
Dans le spectacle « Foreshadow » il propose aux sept danseurs- circassiens qui l’accompagnent de se confronter à un mur de six mètres de haut pour en faire leur partenaire de jeu. Ils vont aller s’y cogner avant de rebondir sur le plateau et d’entreprendre une chorégraphie originale dans laquelle ils se tiennent par la main, se détachent, se repoussent, s’enlacent, opèrent une chaîne. Toujours dans un rythme de mouvement perpétuel, fluide, rapide que soutient la musique rock. Quand ils se retrouvent au pied du mur c’est pour de livrer à des acrobaties où les corps se superposent, les uns devenant le support de l’autre opérant des jeux d’équilibre, s’agrippant au mur pour l’escalader à l’aide ce l’un ou de l’autre prêt à le soutenir dans ses tentatives. Leurs prestations sont remarquables dans leur façon de défier la gravité avec ténacité et avec ce sens d’une complicité indéfectible qu’ils manifestent entre eux et qui permet la réussite de ces étonnantes figures acrobatiques.