My Kid

Patti Smith raconte son lien indéfectible à Arthur Rimbaud

S’il n’était pas fait mention du grand poète, on se croirait dans un western. Une femme aux longs cheveux gris tenant un pistolet avec pour titre Une saison en enfer. Il y a forcément du western et du hors-la loi dans ce livre. Western lorsque la chanteuse-artiste nous rappelle sa grande passion pour Arthur Rimbaud. Hors-la loi bien évidemment face à cet outsider des lettres françaises.


A l’occasion du 150e anniversaire de la publication d’une Saison en enfer d’Arthur Rimbaud, ce dernier a reçu la visite de notre femme des grands lacs dans un salon de Gallimard transformé en saloon. Elle n’avait que seize ans lorsqu’elle vit pour la première fois le Kid des lettres françaises. Il était assis à la table des poètes, entouré des plus grands et jouant avec des cartes à rendre ivre plus d’un bateau et suscitant des illuminations. Au loin, l’œil de Verlaine se faisait jaloux. « J’étais attirée par son visage et ses poèmes, qui m’intriguaient et me fascinaient. Envoûtée par leur charme grisant, j’en émergeais tremblante » écrit Patti Smith. Leurs regards se croisèrent et Rimbaud lui lança : « Le Monde a soif d’amour : tu viendras l’apaiser. » Puis, il est parti et depuis, Patti le recherche.

Cinquante ans ont passé. Patti est devenue chanteuse, poète. Mais elle n’a pas oublié Arthur. Et voilà qu’il se rappele à elle. Notre héroïne montée sur son Horse se lance alors dans un périple, façon Impitoyable sur les traces de son poète favori. Elle a troqué son habituel Colt rock’n roll pour ce Lefaucheux que Verlaine utilisa pour tirer sur son amoureux qu’elle évoque dans The Gun. Elle arrive à Charleville dans l’hôtel des étrangers où l’odeur de Rimbaud, encore présente dans l’air, plane comme une sauge indienne. L’homme vient de partir, elle l’a raté de peu mais elle sait que son souvenir de papier flotte encore dans ces lieux comme en témoigne les photographies qu’elle prend. « Le poète robuste que grisait autrefois la promesse de la route était condamné à affronter le calvaire de son dernier passage. C’était son arc poétique, qui se couchait d’un royaume à l’autre, une conscience sans barrières » écrit-elle dans quelques-uns de ses textes magnifiques. Sauge et arc, « l’homme aux semelles de vent » s’en est allé. Gone Again.

Notre femme des grands lacs poursuit sa route. Dans les sacoches de sa selle reproductions d’archives et photos personnelles des lieux où notre poète s’est planqué. Patti Smith est un cavalier solitaire. Elle avance, cette saison est longue mais elle sait qu’il est là. « La porte de l’enfer s’ouvre en grand. Ce n’est pas celui de Dante, mais un enfer dont l’étreinte est plus monstrueuse » écrit ainsi notre Pale Rider dans ce livre à l’atmosphère crépusculaire, presque surnaturelle. Et à la toute fin du livre, à l’instar du film de Clint Eastwood, « l’enfer marchait avec lui ». Oui, il est là, devant elle et à travers ses mots et ceux de Patti Smith, Rimbaud se dévoile dans une beauté intacte grâce à ce livre magnifique. Patti a retrouvé son Kid

Patti Smith publie également cet automne son Livre de jours, journal photographique étalé sur une année et inspiré de son comte Instagram #thisispattismith où le lecteur découvre ainsi ses goûts littéraires – Joan Didion ou Pier Paolo Pasolini – musicaux, des invités symboliques comme Rosa Parks ou Bobby Fischer, son jardin, son bureau, ses animaux de compagnie ou ses objets fétiches comme ce turquoise de Katmandou niché dans ce livre rempli de bijoux.

Par Laurent Pfaadt

Patti Smith, Arthur Rimbaud, Une saison en enfer : 1873 et autres poèmes, Grande Blanche Illustrée
Chez Gallimard, 176 p.

Patti Smith, Un livre de jours, traduit de l’anglais par Claire Desserrey
Chez Gallimard, 400 p.

Arthur Rimbaud, Une saison en enfer, préface de Yannick Haenel, postface de Gregoire Beurier
Aux éditions Poésie/Gallimard, 96 p.