Dans ses Préludes, œuvres pianistiques incontournables,
Rachmaninov a voulu représenter l’âme russe. L’interprète se doit
donc de faire littéralement corps avec l’œuvre, « être » cette
dernière, comme une extension de son âme pour en restituer la plus
parfaite essence. Dans cette interprétation qui a débuté bien avant
l’exécution des Préludes notamment auprès du pianiste italo-russe
Boris Petrushansky, Fanny Azzuro délivre une sorte de supplément
d’âme. Loin des sempiternels démonstrations de force notamment
dans le si connu cinquième prélude, la vision de la pianiste entrevoit
un voyage, un songe musical dans lequel, à l’image d’un Radu Lupu,
elle attrape son auditeur pour l’enchanter.
Point de puissance mais plutôt une émotion portée par un toucher
remarquable, une douceur et une profondeur irradiant d’une
technicité sous-jacente qui tantôt ressemble aux vents des steppes,
tantôt prend l’aspect de cette glace qui recouvre à la fois les fleuves sauvages russes et craque sous la lumière des notes.
Par Laurent Pfaadt
Fanny Azzuro, The Landscapes of the Soul,
Rachmaninov, 24 préludes, Rubicon