C’est un spectacle que l’on pourrait qualifier de manifeste. Dû à l’initiative du danseur, Ordinateur, pour le collectif La Fleur, dans la mise en scène de la berlinoise Monika Gintersdorfer, Il est d’’une extrême intensité, tout à la gloire des danseurs-euses africains-nes éblouissants de virtuosité.
Avec Alaingo Lamama, Annick Choco, Barro Dancer, Mason
Manning, Ordinateur, Joel Tende, Zota La puissance. Tous impressionnants par
leur capacité à mettre tout leur corps en mouvement avec une rapidité
époustouflante, lançant bras et jambes
pour occuper l’espace au plus loin d’eux, parfois en solo, parfois
ensemble dans une superbe chorégraphie qui les réunit pour porter la danse à son plus haut niveau.
Ils et elles arrivent de Côte d’ivoire, du Congo-RDC, du Gabon où leur style de danse appelé coupé-décalé fait vibrer leurs admirateurs. Arrivés pour se faire connaitre en Europe leur vie devient très compliquée et c’est aussi de cela que leur spectacle tient à nous informer.
L’un ou l’autre vient occuper la scène produisant une danse rapide, athlétique sur des musiques extrêmement rythmées signées Timor Litzenberger, simultanément, des explications sont données sur les difficultés administratives auxquelles ils ont dû faire face. Que cela concerne la régulation des autorisations à séjourner en Europe, la recherche de logement ou d’emploi quand on se heurte au racisme. Le titre donné à leur spectacle prend alors tout son sens et tout en étant subjugués par leurs prestations nous ressentons vivement l’importance de leur message qui met directement en cause la capacité des pays européens à accueillir les réfugiés et entre autres les artistes.
Nous mesurons combien il est important que des institutions
théâtrales comme le TNS et Le Maillon leur ouvrent régulièrement leurs portes
et permettent à un large public de les soutenir.
À ses débuts, la
réalisatrice a fait un stage à l’agence CAPA, découvrant le monde des
journalistes-reporters, une « famille » de passionnés, solidaires, en
quête de la vérité. Puisant dans cette expérience, son film rend hommage, avec
des personnages attachants, à cette profession aujourd’hui en péril.
On
se dit que Vivants ferait une super
série ! Tous les ingrédients sont là, les drames personnels, les grands
événements, l’urgence pour les journalistes à être présents au bon moment.
Vivants, oui, ils le sont ces reporters à courir aux quatre coins du monde !
Cependant, le métier a changé. Il y a dix-vingt ans, il était possible de
prendre un avion dans l’instant avec la nécessité d’informer et d’être là au
moment où l’histoire s’écrit. C’était à la fois important et exaltant.
Aujourd’hui, la lourdeur des procédures et contraintes administratives freine
les élans et la liberté. Il faut demander les autorisations, les accréditations
sans compter que les rédactions sont comme d’autres institutions dirigées par la
nécessité du profit, comme l’a constaté Alix Delaporte en enquêtant pour son
film : « Au final, cette passion pour la recherche de la vérité est
toujours là. Le métier n’est pas menacé par les journalistes, mais par les
financiers qui prennent le pouvoir dans les rédactions et pour qui les
reporters de terrain deviennent un luxe inutile. » Le téléphone portable
également a contribué à ce que la profession disparaisse mais heureusement qu’à
Gaza le téléphone portable peut témoigner de l’actualité le reconnaît Alix
Delaporte. Pour Sama tourné en 2019
en Syrie, au cœur d’un hôpital, est une référence pour elle.
Vivants réunit la nouvelle génération avec des
reporters qui « ont quelque chose de héros ». Il y a celui qui a été à
Sarajevo et ceux qui n’ont qu’un défilé de mode à filmer pour faire
l’actu ! Cependant, les aînés sont bienveillants avec les plus jeunes et
lorsque Gabrielle débarque pour faire un stage au sein d’une émission de
reportages, elle va être prise sous les ailes des anciens. Il est vrai qu’elle
les bluffe, cette toute jeune femme qui a été guide de montagne et monte une
caméra comme on monte une arme ! Alice Isaaz campe Gabrielle de façon tout
à fait convaincante, cette femme terrienne et réactive. Vincent, Roschdy Zem,
rédacteur en chef aguerri pourtant à côtoyer des stagiaires est sous le charme,
Damien également, Vincent Elbaz, ces deux dinosaures du journalisme. Il y a
Kosta aussi, Jean-Charles Clichet, bourru, bougon, largué par sa copine
(surtout ne pas quitter la salle tout de suite à la fin du film !)
L’admiration
entre les générations transpire et notamment entre Gabrielle et Vincent pour
qui elle est réciproque, Vincent qui rajeunit à son contact, stimulé par son
énergie communicative. Une séquence vaudrait à elle seule le détour et il
semblerait que Roschdy Zem y ait puisé une raison supplémentaire pour jouer
dans le film, comme un défi à relever, le sortant de sa zone de confort dans
une danse où la virilité la dispute à la sensualité : une chorégraphie sur le
Boléro de Ravel où le comédien est à la fois gracieux, sa part de féminité
révélée, combattif et comme en transe. Si Gabrielle (et nous) sommes subjugués,
cette séquence témoigne d’une réalité : la nécessité pour des journalistes
d’exorciser leur traumatisme : « Certains reporters de guerre
souffrent de stress post-traumatique. Ce trouble est traité depuis longtemps
chez les soldats, mais moins chez les journalistes. Ce n’est pas facile à
représenter dans un film. Un journaliste qui parle de lui et de ses « faits
d’armes » n’est pas très crédible. Et le stress post-traumatique est d’autant
plus difficile à verbaliser qu’il n’est pas conscient. Le moment
d’extériorisation de Vincent lorsqu’il danse sur le Boléro est une façon de
faire ressentir ce trouble au spectateur. »
À
Alice Delaporte à qui l’on a demandé si elle envisageait de faire une série qui
se passerait dans ce milieu passionnant des journalistes-reporters qu’elle décrit
ici, elle répond : « Plus ça va, plus j’envisage une suite – reste à
savoir sous quelle forme. » On se réjouit d’avance !