Great Apes of the West Coast

Traduction du titre « Grands singes de la Côte Ouest ». Un titre qui évoque l’Afrique, de façon stéréotypée à l’instar de ce décor qui représente une hutte posée sur un sol sablonneux.


©Gilles Njaheut

Un spectacle donné pour la première fois en France et qui nous interpelle tombant juste au moment où la loi sur l’immigration vient d’être promulguée dans notre pays.

Sur le plateau de la salle Gignoux, pendant que s’installent les spectateurs, Princess Isatu Hassan Bangura  qui a  écrit et mis en scène ce spectacle a déjà commencé sa prestation, son corps est agité de tremblements, sa tête effectuant des mouvement répétitifs de torsion et d’inclinaison.

Sa performance est destinée à nous informer de ses origines et de son identité qu’elle revendique comme objets de fierté.

Mais quand le spectacle commence un cri jaillit de sa bouche « fuck » vite traduit par « putain de merde ». On comprendra bientôt les raisons qui lui font proférer ces termes orduriers. Revenant sur son arrivée en Europe, elle, originaire de Sierra Leone où elle a vécu jusqu’à ses 13 ans avant de quitter ce pays en raison de la guerre civile pour s’installer à Maastricht aux Pays-Bas, elle se trouve confrontée à des questions sans cesse réitérées : « Qui es-tu ? », « D’où viens-tu ? », « Quelle est ton histoire ? » qui n’ont de cesse de lui faire sentir une sorte d’illégitimité à être là, du moins la nécessité  de se justifier. Ce sont les raisons qui l’ont conduite à se manifester et à prendre la scène comme lieu pour s’affirmer en tant qu’africaine fière de ses origines et de sa culture, de régler à haute et intelligible voix le problème de ses origines et de son identité, de s’en libérer.

En évoquant les moments forts de son histoire comme le souvenir de ses parents avec elle petite fille sur la plage ou de la peur pendant la guerre où il fallait fuir et ce au moyen de la danse, du chant, de la parole en an anglais ou en krio, le créole anglais, elle se réapproprie pour nous la donner à connaitre ce parcours qui la constitue et qu’elle va clore par une scène typiquement africaine où elle apparaitra vêtue  d’une grande robe dont les manches très larges  et pailletées lui font comme des ailes d’oiseaux quand elle se livre à cette danse endiablée, d’autant plus impressionnante qu’elle a posé un masque sur son visage et une paire de cornes sur sa tête.

La culture africaine au défi de notre regard et de notre entendement.

Marie-Françoise Grislin

Représentation du 7 février au TNS

En salle jusqu’au 14 février

Sans tambour

Sous prétexte d’évoquer la notion d’effondrement, Samuel Achache et son équipe de musiciens et d’acteurs ( Cie La Sourde) ont produit un spectacle extrêmement jouissif en partant d’une histoire simple et archi  banale, à savoir une dispute conjugale se déroulant dans une cuisine, elle-même ordinaire.


© Jean-Louis Fernandez

Lui (Lionel Dray) acharné à réparer le siphon bouché de l’évier, elle (Sarah Le Picard) lui reprochant des préoccupations triviales, son manque criant de romantisme, donc bien décidée à le quitter. Un démarrage digne d’un théâtre de boulevard. Ça c’est l’aspect anecdotique et mise en bouche mais si, côté cour se dressent les murs non plâtrés aux briques apparentes d’une maison inachevée, (scénographie Lisa Navarro) côté jardin a pris place un petit groupe de musiciens (accordéon, clarinette, saxo, violoncelle direction Florent Hubert) qui ont promis de s’attaquer aux lieder de Schumann, une œuvre emblématique du romantisme. Le clin d’œil commence à apparaitre. Vont alors se succéder, s’entrecroiser des démolitions à l’instar de celles qui surviennent dans ce couple, musique transformée, démolition effective des cloisons et des murs avec participation des musiciens qui quittent leurs instruments pour donner un coup de main au ramassage des gravats.

Le comique de situation s’installe à bon escient, accompagné d’un comique de gestes parfaitement maitrisé par ce collectif habitué à jouer ensemble dont la complicité est manifeste et dont le talent au jeu, comme à la musique est sans conteste.

On joue sur des clichés, des situations prises au premier degré alors qu’on en démasque les grosses ficelles soulignées par la musique qui ne lâche rien, la chanteuse Agathe Peyrat doublant les paroles de l’actrice. L’épisode du cœur arraché par le désespoir, perdu et retrouvé est un gag désopilant que Lionel Dray mène avec brio. La prestation de Léo-Antonin Lutinier, interprétant Tristan dans ce rappel de « Tristan et Iseut » qui intervient en contre- point dans la pièce, est également très savoureuse.

Un succès évident pour une pièce menée tambour battant où l’humour et le burlesque l’emportent sur le tragique mais n’oblitèrent pas la réflexion.

Marie-Françoise Grislin

Représentation du 6 février au TNS

En salle Jusqu’au 14 févier