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L’âme d’une nation

dvorakL’intégralité de l’œuvre d’Antonin Dvorak permet d’en mesurer (enfin) le génie

Ecouter Dvorak c’est comme lire Kafka, c’est entrer dans l’âme d’un peuple, dans ce qu’il a de plus intime, dans ses secrets, ses aspirations, ses peurs, ses rêves. Bien entendu, il y a Bedrich Smetana, Josef Suk ou Leos Janacek mais le plus grand représentant de la musique tchèque reste Antonin Dvorak. Car tout dans sa musique rappelle cette partie de l’Europe centrale qui se nomma Bohème,  Tchécoslovaquie ou République tchèque.

Très influencé par Brahms (musique de chambre, conception rythmique), Dvorak composa une oeuvre qui s’imprègnent profondément des légendes, des coutumes et des traditions tchèques qu’elles soient slaves, juive ou tsiganes et qui ont fait à l’époque le creuset de ce que l’on a appelé la Mitteleuropa. Ainsi le furiant, cette danse rapide à trois temps typiquement tchèque traverse l’ensemble de l’œuvre du compositeur, de cette 6e symphonie au deuxième quintette pour piano en passant par la Suite tchèque ou les Danses slaves interprétées par le Bamberg Symphony Orchestra sous la baguette d’Antal Dorati et qui constituent à n’en point douter l’un des meilleurs enregistrements de ce coffret.

Dans cette œuvre complète et protéiforme, Dvorak rendit également un formidable hommage à la terre, à la nature. Ces mélodies comme celle de l’Ondin laissent entendre la furie des eaux du Danube mais également la gaieté de cette campagne bucolique. Sa musique s’inspire également de ses airs populaires qui se traduisent par de brefs motifs notamment dans ses poèmes symphoniques.

Dvorak est également l’auteur d’une œuvre composite où ses expériences personnelles se mêlèrent à un héritage. La 9e symphonie dite du Nouveau Monde composée alors qu’il était directeur du conservatoire de New-York est un témoignage plus qu’éclatant de la culture amérindienne avec toujours cette dimension tellurique, ce rapport à la nature. Elle clôt une intégrale dirigée par Otmar Suitner à la tête de la Staatskapelle de Berlin. Autre exemple, son 12e quatuor dit « Américain » qui s’inspira de la musique noire américaine.

On écoutera avec bonheur le son si émouvant du Stradivarius de Zara Nelsova (Sarah Nelson) en particulier dans le premier mouvement du concerto pour violoncelle ou l’alto de Jan Talich, venu prêter main forte au quatuor Stamitz dans le quintette à cordes n°3 car Dvorak, outre son génie symphonique, fut également un très grand compositeur de musique de chambre.

On redécouvre également avec joie des œuvres oubliées ou rarement jouées tel le concerto pour piano, le poème symphonique du Pigeon des bois ou les merveilleux chants tziganes.

Ce coffret permet, comme à chaque fois avec Brilliant Classics, de redécouvrir l’extraordinaire fonds musical de ces orchestres et ensembles situés de l’autre côté du mur de Berlin, en Allemagne, en Pologne ou en République tchèque. Ainsi, l’enregistrement du Requiem par l’orchestre philharmonique de Varsovie dirigé par Antoni Wit qui n’est plus un inconnu en Europe est une divine surprise. Cette œuvre de toute beauté couronne la dimension vocale de l’œuvre du compositeur.

Ce coffret merveilleux permet donc de saisir dans sa globalité l’œuvre de ce compositeur, assurément l’un des plus grands génies de l’histoire de la musique qui appartient désormais au patrimoine de l’Europe.

Dvorak edition, Brilliant Classics, 2015

Laurent Pfaadt