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An American hero

Léonard Slatkin © N. Rodamel

Voyage dans la
musique classique
américaine en
compagnie de l’un de
ses plus grands
interprètes

Leonard Slatkin est
certainement l’un des
plus grands
connaisseurs de la
musique classique
américaine du siècle
dernier. Le chef
d’orchestre californien a dirigé l’orchestre symphonique de Detroit
pendant quinze ans (1979-1996), l’orchestre national symphonique,
succédant à Mtislav Rostropovitch et, depuis 2008, l’orchestre
symphonique de Detroit. A la tête de ces phalanges musicales, il a
enregistré de nombreuses œuvres du répertoire américain qu’il est
possible d’écouter ou de réécouter grâce à ce formidable coffret.

De l’aveu même du chef, « la musique américaine possède une voix tout
à fait originale. Lorsque je la dirige, c’est avec un œil où se mêlent des
influences musicales venues du monde entier ».
De cette vision, Leonard
Slatkin a tiré, grâce au travail de fond qu’il mena avec ses orchestres,
des interprétations pleines de brillance. En entendant ainsi le
maestro diriger l’orchestre symphonique de Saint Louis dans The
Incredible Flutist
de Walter Piston, on ne peut qu’être frappé par ces
couleurs abondantes.

Surtout, ce coffret, outre son témoignage historique indéniable,
permet d’appréhender ce courant musical dans sa globalité et de
tracer, grâce au travail du maestro, quelques lignes de force. Ce qui
frappe immédiatement, quel que soit les approches privilégiées, est
l’impressionnante explosivité des œuvres, de Leonard Bernstein à
William Schumann en passant par John Corigliano et son
impressionnant concerto pour piano et orchestre, qui ressemble à
un véritable combat de boxe. Leonard Slatkin nous offre ainsi un
extraordinaire panorama d’une musique se partageant souvent
entre tradition épique nourrie d’une histoire récente et de paysages
intemporels et expérimentations uniques.

Malgré l’apport musical européen, surtout après la seconde guerre
mondiale, la musique américaine a su conserver son identité propre
qui s’est enrichie au fil des décennies suivantes. Ici, débarrassée du
paravent de l’Appalachian Springs, l’œuvre symphonique d’Aaron
Copland dévoile sa beauté et sa complexité. Là, on mesure toute la
vivacité de la création américaine avec le tonitruant concerto pour
percussions de Joseph Schwantner où les influences africaines, à
l’instar d’un Hannibal Lokumbe, sont manifestes. « En tant que nation
d’immigrants, nos premières tentatives ont résonné comme nos
homologues européens. Puis, au fur et à mesure que le vingtième siècle
avança, de nombreux compositeurs commencèrent à regarder vers nos
racines puis vers de nouvelles et audacieuses idées comme le jazz et la
pop. C’est toujours le cas aujourd’hui, formant probablement à mon sens,
le groupe de compositeurs le plus intéressant et le plus divers du monde »

rappelle à juste titre Leonard Slatkin.

Ce dernier se mue ainsi en peintre musical, tantôt brossant à gros
traits ces impressionnantes mélodies patriotiques culminant avec a
Lincoln portrait
d’Aaron Copland avec comme récitant, le général
Norman Schwarzkopf, héros de la première guerre du Golfe, tantôt
traçant de fines lignes minimalistes. Un grand chef se mesure
souvent à sa capacité à rendre malléable les orchestres les plus
rigides, à les faire évoluer, à les faire douter d’eux-mêmes. Et il faut
bien reconnaître qu’avec Leonard Slatkin, le doute n’est plus permis.

Par Laurent Pfaadt

Léonard Slatkin The American Collection,
13 CD, RCA Red Seal, Sony Classical, 2018

CD du mois

Adam Laloum, Brahms, piano concertos, Orchestre symphonique de la Radio de Berlin, dir. Kazuki Yamada

Comme il est bon
d’écouter de jeunes
pianistes pour qui
puissance ne rime
pas avec
démonstration de
force et dont le
toucher révèle une
sensibilité sincère.
C’est ce que l’on
ressent dès les
premières notes de ces deux concertos pour pianos de Brahms, chefs d’oeuvre du
répertoire romantique et passage obligé de toute carrière
discographique, sous les doigts d’Adam Laloum.

Le vainqueur du concours international Clara Haskil 2009, lointain
successeur de Christoph Eschenbach, signe ici une version
magnifique où son jeu subtil confère à l’interprétation une grâce
rafraîchissante, particulièrement perceptible dans l’allegro
appasionnato du deuxième concerto. Et lorsque le tempo exige un
peu plus de dûreté comme dans le finale du premier concerto,
Laloum préfère prendre son temps et rendre ce moment unique. Il
faut dire qu’il est secondé par un Kazuki Yamada très inspiré à la
tête de l’orchestre de la radio de Berlin. Grâce à cette puissance
sonore qu’il distille parfaitement, il est le binôme parfait du soliste.
Ne pas céder à la facilité est toujours l’apanage des plus grands.

Par Laurent Pfaadt

CD du mois

Photo Petra Hajská

Sol Gabetta,
Live,
Sony Classical

Sol Gabetta est l’une plus
brillante violoncelliste de
la planète. Elle nous
revient avec un disque
live consacré à Elgar et à
Martinu. Dans le
concerto du compositeur
britannique, sa
sensualité est
perceptible dès les
premières notes, amplifiée il est vrai par la puissance romanesque
du Berliner Philharmoniker placé sous la direction de Sir Simon
Rattle. Son violoncelle virevoltant nous emmène sur les traces d’une
Jacqueline du Pré dont l’interprétation reste encore aujourd’hui
indépassable.

La véritable surprise du disque est indubitablement le concerto
pour violoncelle du Bohuslav Martinu. Une fois de plus, Sol Gabetta
prend à bras-le-corps l’œuvre pour nous délivrer une interprétation
épique et pleine de couleurs tirées de cette tradition tchèque si
vivante. La violoncelliste est parfaitement secondée au pupitre par
Krzysztof Urbanski, actuel chef de l’orchestre symphonique
d’Indianapolis, qui conduit les Berliner vers des sommets. Avec lui,
Sol Gabetta emporte l’œuvre telle une rivière tantôt bucolique,
tantôt furieuse. Une œuvre à découvrir assurément.

Laurent Pfaadt