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Dernières nouvelles et autres nouvelles

L’écrivain californien a le don de se trouver là où on ne l’attend pas.
Et pour ce recueil de nouvelles qui se veut le dernier de sa longue et
fascinante production, il nous emmène au pays des morts. Préparez-
vous donc à côtoyer goules, sorcières, vampires et autres fantômes.  
De cette Europe qu’il a sillonnée à Kyoto et cette merveilleuse
nouvelle qui voit une Geisha transformée en cerisier en passant par
le Mexique, ces trente-deux nouvelles nous conduisent de
cimetières en lieux hantés mais plus étrangement parmi les vivants,
parmi nous. Et si le lecteur prend plaisir à suivre les traces de
l’écrivain, chaussant ses bottes littéraires dans celles,
incommensurables, des frères Grimm ou des romantiques
gothiques, la grande force de ces nouvelles tient avant tout dans le
rapport, le calque dirions-nous, que projette Vollmann sur les
vivants.

Ici, les monstres ne sont que des avatars qui servent à questionner
nos représentations. Dans ce carnaval macabre au sein duquel
William T. Vollmann règne, depuis ses débuts en littérature, en grand
ordonnateur, les personnages ne cessent d’interpeller les lecteurs
en les confrontant à leurs hypocrisies collectives. Les morts, qui
n’ont plus rien à perdre, surtout pas la vie et libérés de leurs statuts
sociaux et de leurs postures civilisationnelles, viennent ainsi
questionner nos convenances sociales et leurs futilités.

Magistralement construit (comme à chaque fois), le récit de
l’écrivain s’insinue dans les interstices de cette violence qui
constitue le ciment des rapports humains. La mort, l’assassinat et
même le sexe, ne sont que l’aboutissement de la grande œuvre de
tout humain, celle qui le voit, à chaque étape de sa vie, domestiquer
la violence. Dans ces pages, ceux que nous appelons monstres,
viennent nous rappeler qui nous sommes réellement. Mais loin
d’être un réquisitoire morbide, ce livre est avant tout une
introspection. Car ces vampires et fantômes interrogent nos
rapports à la vie, aux autres et au monde. La mort comme le sexe ne
sont-ils pas en définitive nos derniers espaces de liberté ? Vollmann
semble en tout cas le penser. Et à cet instant, le lecteur se met à
danser avec les morts. Le carnaval n’est-il pas avant tout une fête ?

Par Laurent Pfaadt

William T. Vollmann, Dernières nouvelles et autres nouvelles
Chez Actes Sud, 896 p.