La fabrique des salauds

Jetez-vous à la lecture !

Bousculée par le COVID, cette rentrée littéraire 2020 sera, comme chaque année, pléthorique avec plus de 500 titres.
Hebdoscope vous aide à naviguer entre ces livres qui nous ont tant manqué…

Chris Kraus, La fabrique des salauds,
10/18, 1104 p.

Réédition en poche du magnum opus
de l’écrivain allemand Chris Kraus
paru chez Belfond l’an passé et qui n’a
pas rencontré le succès escompté
alors que de l’autre côté du Rhin, il a
figuré en tête des best-sellers. Et pour
cause : impossible après l’avoir lu de
ne pas y repenser. Situé quelque part
entre Cent ans de solitude de Gabriel
Garcia Marquez et les Bienveillantes de
Jonhatan Littell, La fabrique des
Salauds
suit les destinées des frères Solm, Koja et Hub et de leur sœur adoptée Ev.

Dans un hôpital de Munich où il est soigné au milieu des années 70,
Koja raconte à son voisin de lit, son histoire ainsi que celle des siens,
commencée en Lettonie lors de la première révolution russe en
1905 avec le lynchage du grand-père. Le meurtre, le massacre
comme fil conducteur d’une histoire familiale – celle du narrateur
mais aussi celle de l’auteur – et d’un roman. Koja suivit cette route
jusqu’au cœur des ténèbres, celui de l’invasion de l’URSS par la
Wehrmacht et la SS. Devenu membre des Einsatzgruppen, il
traversa la seconde guerre mondiale avant de se fondre avec aisance
dans le nouveau rapport de forces de la guerre froide.

Comment devient-on un bourreau et comment tromper la mémoire
collective des siens et de toute une nation ? A cette question, Chris
Kraus tente de répondre sur plus de mille cent pages et sur
soixante-dix ans en s’appuyant sur sa propre histoire familiale. De ce
labyrinthe mental et littéraire, le lecteur ressort avec le sentiment
d’une blessure qui ne vous tue pas mais vous tourmente sans arrêt.
Comme une balle de revolver logée dans votre cerveau et dans celui
d’une nation.

Par Laurent Pfaadt