La ville aux mille et une cultures

Qu’elle soit royale, juive, combattante ou post-soviétique, la capitale polonaise offre une diversité culturelle remarquable

On ne sait où donner de la tête tant la culture est, ici, omniprésente. Qui aurait pu imaginer une renaissance aussi éclatante alors que la ville n’était, au lendemain de la seconde guerre mondiale, qu’un champ de ruines ? Quelques quatre-vingts ans plus tard, sa reconstruction l’a inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, au côté des plus grandes cités européennes. Et quoi de mieux que de monter sur la terrasse du 30e étage du palais de la culture et de la science édifié par les communistes qui exigèrent qu’aucune construction ne le dépassa – toujours cette idée de prouver la supériorité du socialisme mais bon – pour avoir une vue imprenable de la ville et embrasser du regard cette culture multidimensionnelle incroyable.

Alors oui, on ne le niera pas, Varsovie a un petit côté « frenchy » avec Fréderic Chopin, Jozef Poniatowski et Marie Curie. Le célèbre pianiste et compositeur est omniprésent, de l’aéroport qui porte son nom au musée qui lui est consacré dans le palais Ostrogski en passant par ces merveilleux bancs musicaux sur lesquels on s’assoit en admirant la statue de Jozef Poniatowski, cet autre héros de la nation polonaise qui se dresse fièrement devant le palais présidentiel et s’illustra au côté d’un Napoléon qui le nomma maréchal d’Empire – il est le seul étranger à avoir obtenu cet honneur – et qui possède à juste titre sa place.

On sifflotera quelques airs célèbres sur ces bancs en arrivant dans le centre-ville tout en comparant les tableaux de Bernardo Belotto qui servirent à reconstruire les différents édifices de la ville, avec leurs réalisations. Et oui, on a peine à y croire et pourtant c’est vrai : Varsovie a son Canaletto. Pas celui des canaux vénitiens et du Rialto, quoique la Vistule et ses belvédères soutiennent la comparaison. Mais celui que l’on peut admirer dans les collections d’art du musée national en compagnie d’autres grands noms de la peinture polonaise : Jan Matejko évidemment dont La bataille de Grunwald fait office de Sacre de Napoléon, mais également Piotr Michalowski ou Henryk Siemiradzki. Ces grands noms côtoient ainsi ceux de quelques grands maîtres de la peinture européenne (Jacob Jordaens, Philippe de Champaigne et son portrait du cardinal de Richelieu, Sir Lawrence Alma-Tadema dont on admirera le portrait du président et pianiste Ignacy Jan Paderewski – il faut également pénétrer dans l’hôtel Bristol pour voir le buste de ce dernier – ou la très belle collection de primitifs flamands) sauvés en partie grâce à l’intrépidité des conservateurs du musée pendant l’invasion allemande.

Alors oui, il nous faut parler de la guerre. L’invasion allemande et la lutte acharnée que lui opposa une ville par deux fois, en mai 1943 lors de la révolte du ghetto et en août 1944 lors de l’insurrection, ont inscrit dans la mémoire de l’humanité puis dans deux musées – celui de l’histoire des juifs polonais Polin et celui de l’insurrection – un état d’esprit de courage encore manifesté ces dernières semaines à l’attention de son voisin ukrainien, et une volonté de transformer les armes en culture.

Quant à notre chère Marie Curie, on l’aurait presque oublié. Après avoir traversé le centre-ville, voilà qu’apparaît sa maison natale, rue Freta dans laquelle un musée interactif permet au visiteur de découvrir l’histoire incroyable de cette femme qui reçut deux Prix Nobel.

Sur le chemin, on s’est au préalable arrêté sur la place du marché pour écouter le joueur d’orgue de barbarie – une institution – après avoir donné une pièce à la peluche qui a remplacé le singe d’antan. La ville tourne comme un tourbillon de couleurs, de cultures, mêlant passé, présent et futur.

Une ville qui avance, ne se repose pas et surtout ne reste pas figée dans un passé certes glorieux. Il faut pour cela aller admirer les sculptures modernes et fascinantes du sculpteur postmoderniste polonais Igor Mitoraj qui vécut en partie à Paris. Une ville qui se lance aussi de nouveaux défis culturels et urbanistiques en réhabilitant par exemple des anciennes usines pour en faire de lieux branchés comme l’ancienne usine de métaux non-ferreux Norblina Fabrika où les petites cuillères et les chandeliers ont cédé la place aux foodtrucks et aux marchés bios ou le Praga, ce quartier de la rive droite de la Vistule qui allie magnifiquement street art et monuments du XIXe, ambiance postindustrielle et authenticité. Autant dire qu’ici, à Varsovie, le vertige culturel vous guette.

Par Laurent Pfaadt

Où dormir : Le Chopin B&B avec ses chambres au charme suranné très années 50, situé près du Musée national et du Musée Chopin, à partir de 70 euros. Chaque soir, un récital dédié au maître des lieux est organisé.

Où manger : Le Bursztynowa Bistro sur l’avenue Nowy Swiat qui propose d’excellents pierogis, la spécialité nationale, ces succulents raviolis fourrés au fromage et à la truffe issus de leur propre production fromagère.

Quelques lectures pour vous accompagner :

Jillian Cantor, Marie et Marya (Préludes) très beau roman qui revient sur le destin incroyable de Marie Curie, jeune femme polonaise pauvre et dresse le magnifique portrait d’une combattante qui n’a jamais renoncé et a vaincu la fatalité

Zygmunt Miłoszewski, les Impliqués (Pocket), un thriller qui emmène le lecteur dans les Varsovie d’hier et d’aujourd’hui à la poursuite d’un tueur

Jean-Pierre Pécau, Dragan Paunovic, L’insurgée de Varsovie (coll. Histoire et destins, éditions Delcourt) Magnifique BD relatant l’histoire de la résistante Maria-Sabina Devrim durant l’insurrection d’août 1944

Pour préparer votre voyage, consultez le site de l’office de tourisme polonais sur :https://www.pologne.travel/fr