Le charme du piano, seul ou à deux

BuduLe label suisse
Claves met à
l’honneur des
pianistes
incroyables

Les Préludes de
Chopin sont un
peu le passage
obligé de tout pianiste qui veut faire carrière à l’image d’un Pollini,
d’une Argerich ou d’un Blechacz. Ces vingt-quatre pièces restent,
près de 180 ans après leur création, toujours aussi magiques et
constituent un étalon de la virtuosité et de la sensibilité d’un
pianiste amené à rester dans l’histoire de la musique. Et à ce petit
jeu, le pianiste brésilien, Cristian Budu, vainqueur du concours
international de piano Clara Haskil en 2013, qui a consacré
notamment Christoph Eschenbach ou le prodige coréen Sunwook
Kim, s’en tire avec les honneurs.

Les Préludes de Budu sont pleines de couleurs. Tantôt ondoyantes
notamment les 3e, 5e et 16e, ces pièces témoignent d’une vitalité
et d’une énergie faîtes de rythme et de maîtrise. Grâce à son
talent incroyable, Cristian Budu adapte en permanence cette
formidable énergie comme par exemple lorsqu’elle devient si
sensible dans le 15e prélude. Il y a quelque chose de si charmant à
se laisser embarquer par Cristian Budu que l’on ne résiste pas
longtemps. Au 24e et dernier prélude, véritable chef d’œuvre
d’interprétation, on entend parfois l’écho du légendaire Claudio
Arrau à Prague en 1960. Le disque est complété par les bagatelles
de Beethoven qui sont merveilleusement pétillantes.

Dans un style différent, le duo Françoise-Green régale nos
oreilles avec leur nouveau disque consacré à Bach, Schubert et
surtout Kurtag. Antoine Françoise et Robin Green, qui
enchantent depuis plusieurs années de nombreux festivals,
possèdent un style vraiment particulier et où la complicité est le
maître-mot. Avec eux, on oublie que l’art du piano est trop
souvent considéré comme un exercice solitaire. Leur complicité
est immédiatement perceptible et se transmet aux auditeurs.
Avec Bach, on reste dans le classicisme le plus absolu, sans
fioriture mais sans pour autant être mécanique.

Ce qui est particulièrement appréciable chez eux, c’est leur
approche de la musique de Kurtag. Celle-ci qui peut parfois
paraître hermétique est ici traitée avec douceur. Sous les doigts
des deux pianistes, pas de brutalité dans les sonorités mais au
contraire, une complicité étonnante, joyeuse et légère qui
donnent à ces Jeux, ces Jatélok du compositeur hongrois qui
évoquent l’enfance, une fluidité agréable.

Cette douceur est également perceptible dans la Fantasie en fa
mineur pour quatre mains. Leurs interprètes ont su à merveille
restituer cet amour caché du compositeur envers la comtesse
Caroline Esterházy dont Schubert était secrètement amoureux.

Laurent Pfaadt

Cristian Budu, Chopin & Beethoven, Claves records, 2016

Françoise-Green piano duo, Games, Chorales & Fantasy, the music of Kurtag, Bach and Schubert, Claves records, 2016