Le restaurateur d’un idéal

L’empereur Justinien est le sujet d’une biographie réussie

476 après J-C : Rome n’est plus dans Rome. Le chef barbare Odoacre a destitué le dJustinienernier empereur et a mis fin à l’Empire romain d’Occident. Désormais, les héritiers d’Auguste se trouvent à Constantinople, capitale de l’Empire romain d’Orient, qui deviendra bientôt byzantin et vivra encore près d’un millénaire. A sa tête, un homme, un empereur-Dieu, Justinien, allait conforter et assumer l’héritage des Césars.

Celui qui personnifia mieux que quiconque cet empire romain entré dans une nouvelle époque et en fut le plus illustre représentant est aujourd’hui l’objet d’une biographie fort bien réussie, signée par Pierre Maraval qui est certainement le plus grand spécialiste français du Bas-Empire romain. Sa biographie vient indiscutablement faire concurrence à celle de Georges Tate qui a longtemps fait
autorité.

Justinien n’est qu’un enfant au moment de l’effondrement de
l’Empire romain d’Occident et c’est dans le sillage de son oncle
Justin, devenu empereur en 518, qu’il parvint à se hisser au sommet du pouvoir. Pendant les 38 années de ce règne (527-565) qui allait durablement marquer l’Antiquité tardive, Justinien démontra une intelligence politique remarquable. En politique extérieure, il sécurisa sa frontière orientale avec les Perses et regagna les territoires abandonnés aux Barbares (Afrique et Italie). Sur le front intérieur, il mena une intense activité législative, de la codification du droit qui allait devenir le Code Justinien en 529 à la promulgation de nouvelles lois sur la justice ou le droit familial. Pour mener à bien cette tâche herculéenne, Justinien s’entoura également des meilleurs hommes de son temps : Bélisaire et Narsès sur les champs
de bataille, le juriste Tribonien ou Pierre le Patrice qui excella dans les négociations diplomatiques.

Dans cette biographie très académique et très sérieuse – Pierre
Maraval recense parfaitement l’intégralité des sources mises à
disposition de l’historien pour montrer l’action de l’empereur notamment lorsqu’il convoque la numismatique ou l’arsenal législatif pour expliquer le développement de l’idéologie politique impériale – l’empereur Justinien apparaît très vite imprégné d’une mission divine, celle d’assurer le royaume de Dieu sur terre.  « La conception qu’il se faisait de son rôle d’empereur chrétien impliquait que la promotion et la défense du christianisme orthodoxe soient au premier plan de ses préoccupations, tout aussi urgentes, sinon davantage, que la défense des frontières » écrit Pierre Maraval.

Toutes ses actions devaient en effet être corrélées à cette volonté d’établir un empire chrétien universel. Il s’attacha donc à réduire les velléités de ceux qui pouvaient contrecarrer cette utopie dirons-nous aujourd’hui totalisante. Il s’efforça de réduire les dernières poches de paganisme en les condamnant à une mort civile et utilisa la répression et la contrainte pour faire rentrer dans le rang tous les croyants qui n’avaient pas adhéré aux conclusions du concile de Chalcédoine en 451. Ce fut le cas des chrétiens d’Egypte ou d’Orient qui furent persécutés malgré la protection de l’impératrice
Théodora.

L’historien est assez sévère quant à la politique religieuse menée par Justinien, qualifiant de « chimère » son désir d’unité de la foi et estimant que les dissensions actuelles dans l’église catholique d’Orient portent encore la marque de la politique religieuse désastreuse de Justinien, un empereur qui se laissa aveugler par son fanatisme
religieux. Un de plus…

Pierre Maraval,
Justinien, le rêve d’un empire chrétien universel,
Tallandier, 2016.

Laurent Pfaadt