Archives de catégorie : Musique

La mémoire et la mer

Sous-titré La mémoire et la mer, le concert de l’OPS donné les 20 et 21 avril derniers débutait par une création de Bruno Mantovani, suivie d’œuvres de Prokoviev et de Debussy. Alexei Volodin tenait la partie piano et l’orchestre était dirigé par Aziz Shokhakimov.


Aziz Shokhakimov
©Jean-Baptiste Millot

Inspiré par l’invasion, en septembre 2020,  du Haut-Karabagh par un Azerbaïdjan soutenu par l’armée turque, évènement politique vite enterré par le virus Sarcov-2, Mémoria pour orchestre à cordes est le fruit d’une commande passée au compositeur Bruno Mantovani dans le cadre de sa résidence à Strasbourg. Dédiée à la mémoire de quatre étudiants de l’Université française d’Erevan, morts durant les combats, l’œuvre se déploie en un seul mouvement dont le long crescendo initialet le diminuendo finalencadrent une impressionnante cadence pour violon solo, vaillamment soutenue par Charlotte Juillard. Rassemblées au grand complet (64 musiciens), les cordes de l’OPS exécutent une musique insolite, jouant de la division entre les différents pupitres et distillant une atmosphère assez envoutante, à la fois tendue et contemplative.

Net changement d’atmosphère avec le troisième concerto pour piano de Prokoviev, qui s’inscrit dans l’exaltation  futuriste des années 1920. Le piano de Prokoviev – grand pianiste lui-même – est toujours une épreuve pour ses interprètes : Rachmaninov lui-même s’avouait en difficulté dans ce troisième concerto ! Dès l’entrée du premier mouvement allegro, Alexei Volodin et Aziz Shokhakimov ne font pas dans la demi-mesure. Ce caractère de combat entre piano et orchestre ne les empêchent pourtant pas de faire sonner les cinq belles variations du mouvement lent avec toute l’éloquence qui sied. Dans le dernier mouvement, d’une énergie roborative, Volodin fait preuve d’une aisance confondante pendant que Shokhakimov allume un feu d’artifice orchestral. 

Après l’entracte, il s’est levé un grand vent, le soir de ce 20 avril, sur La Mer de Debussy. Dans la langue de la météo marine, on eût parlé d’une ‘’houle très forte, voire grosse’’. Moyennant un orchestre au brio irréprochable, la traversée ne fut toutefois pas désagréable. Reste cependant qu’à l’écoute d’accords aux accents implacables et d’une lumière très blanche, on s’est bien souvent cru dans le Poème de l’extase d’Alexandre Scriabine plutôt que dans La Mer de Claude Debussy.

Michel Le Gris  

Omar Khairat, Sheikh Zayed Book Award 2023

Le musicien et compositeur égyptien a été désigné personnalité culturelle de l’année 2023 par le principal prix littéraire du monde arabe

Son nom ne vous dit peut-être pas grand-chose et pourtant, de l’autre côté de la Méditerranée, Omar Khairat, 75 ans, est l’un des musiciens et compositeurs les plus célébrés du monde arabe. Du Maroc à Oman, en passant par Tunis ou Abu Dhabi, nombreux sont les habitants de ces pays à se souvenir de ses notes composées pour le film Le Sixième jour (1984) ou la série télévisée Le Jugement de l’Islam plus récemment. C’est également lui qui composa la musique de l’inauguration de l’opéra de Dubaï où il se produisit à nombreuses reprises en compagnie des plus grandes voix de la planète notamment José Carreras en 2016.

Le Sheikh Zayed Book Award vient aujourd’hui récompenser cette personnalité culturelle majeure du monde arabe, succédant notamment à l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf, à l’UNESCO, à l’Emir de Dubaï, Son Altesse le Sheikh Mohammed Bin Rashed Al Maktoum ou au Dr Abdullah Al-Ghathami, récompensé l’an passé.

Omar Khairat est né en 1948 au Caire. Après des études au conservatoire de la capitale égyptienne, il débute en tant que batteur du groupe populaire de rock égyptien Les Petits Chats à la fin des années 1960 avant de mettre ses talents de compositeur au service du cinéma et de la télévision.

Les œuvres de Khairat font désormais parties du répertoire de la musique égyptienne contemporaine et mêlent dans une subtile alchimie musique orchestrale et mélodies orientales qu’il a interprété, en tant que pianiste, lors de concerts restés dans toutes les mémoires. « Au Sheikh Zayed Book Award, nous nous engageons à mettre en lumière chaque année d’éminentes personnalités culturelles, artistiques ou créatives, qui ont apporté une contribution remarquable au mouvement culturel qui sera transmise aux générations futures. Nous sommes fiers de témoigner notre reconnaissance à l’une des figures de proue de la musique et de la culture arabes, et le musicien Omar Khairat est certainement l’une de ces figures ; sa musique suscitera toujours du sens et de profondes émotions, portant dans ses notes les marqueurs de notre culture, qu’il a su brillamment mélanger avec d’autres cultures, créant des chefs-d’œuvre intemporels qui resteront gravés dans notre mémoire et dans notre identité » a ainsi déclaré Son Excellence Dr Ali Bin Tamim, secrétaire général du Sheikh Zayed Book Award.

La désignation de ce compositeur qui a su, dans ses œuvres, tracer des ponts musicaux entre l’Orient arabe et l’Occident vient un peu plus conforter la démarche d’une capitale des Emirats Arabes Unis souhaitant apparaître comme l’un des carrefours culturels majeurs de la planète. Après avoir été désigné ville de la musique en 2021 par l’UNESCO et lieu d’un important festival de musique qui essaime dans le monde entier, Abu Dhabi affirme ainsi son soutien à la musique, instrument de rapprochement du monde arabe et des autres cultures, tout en suscitant le développement d’échanges culturels afin de rapprocher sociétés et générations. Ce prix constitue également une nouvelle étape pour la capitale des Émirats arabes unis dans ses efforts visant à mettre en évidence la richesse de la composition arabe et de l’histoire de la musique et à ainsi réitérer son dévouement aux arts et à la culture sous toutes leurs formes.

Par Laurent Pfaadt

The Unreleased Masters

Ces fameux enregistrements de la célèbre soprano américaine disparue le 30 septembre 2019 ont agité pendant longtemps le petit monde de la musique classique. Les fans commençaient à se demander s’ils les écouteraient un jour. Car Jessye Norman, perfectionniste tatillonne, a longtemps refusé d’autoriser ces merveilleux bijoux.


Les trois CDs qui composent ce coffret sont chacun, à leur manière, indispensables. Il y a ce Wagner qu’elle n’appréciait pas en tant que personne, elle qui possédait des convictions humanistes chevillées au corps, mais dont la voix de bronze était taillée pour les opéras du génie allemand. Ils furent nombreux à lui proposer d’alléchants contrats pour interpréter Tristan et Isolde, ce « fruit défendu » qu’elle s’est toujours refusé à goûter. En compagnie de Kurt Masur et du Gewandhaus de Leipzig, l’expérience fut amère puisque les relations entre eux restèrent marquées par des tensions. Mais l’amertume de cet unique enregistrement studio donne cependant une dimension de puissance incarnée et libérée de toute divination. Jessye Norman y est profondément bouleversante. 

Dans cet autre CD en compagnie du Boston Symphony orchestra et de son emblématique chef japonais, Seiji Osawa, elle campe des reines qui laissent transparaître une incroyable fragilité. Si la Phaedra de Britten est péremptoire, sa Cléopâtre est d’une beauté à couper le souffle. Jessye Norman donne ici la pleine mesure de son timbre unique et exceptionnel, plein de solennité. Et par la magie de la voix, elle devient le personnage qu’elle incarne. 

L’apothéose de ces enregistrements est atteinte avec les quatre dernier Lieder de Strauss sous la conduite d’un James Levine à la tête des Berliner Philharmoniker au sommet de leur art qui semblent ne faire qu’un avec la soprano dans cet enregistrement de mai 1989. Trois grands orchestres dirigés par trois grands chefs au service de l’une des plus belles voix de cette fin de 20e siècle. Une voix désormais gravée un peu plus dans la légende grâce à ces trois merveilleux disques.

Par Laurent Pfaadt

Jessye Norman, The Unreleased Masters, 3 CDs, Decca

Claus Peter Flor

Anton Bruckner et Max Bruch étaient au programme du concert que donnait, le vendredi 3 mars, le chef allemand Claus Peter Flor, invité de longue date à  l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg. La violoniste néerlandaise Liza Ferschtman tenait la partie soliste.


Claus Peter Flor

Bien qu’auteur d’une œuvre importante, comprenant plusieurs opéras, oratorios, symphonies et autres compositions, Max Bruch n’est aujourd’hui connu que pour l’un de ses trois concertos pour violon, au demeurant fort réussi. Il a aussi écrit, durant les années 1879-80, une Fantaisie écossaise pour violon et orchestre. A l’instar de l’autre ‘’écossaise’’, la symphonie de son mentor Mendelssohn, la pièce de Bruch emprunte elle aussi son matériau thématique à la musique traditionnelle du pays. Mais elle est bien loin d’offrir l’élégance, la finesse d’inspiration et l’originalité d’écriture du chef d’œuvre de son ainé. Après une introduction plutôt avenante, les quatre mouvements qui suivent, aux couleurs conventionnelles et à l’harmonie naïve, peinent à retenir l’intérêt malgré les qualités de rythme et de timbre qu’y déploie la violoniste Liza Ferschtman, attentivement épaulée par Flor et l’orchestre. En bis, Liza Ferschtman nous a proposé sa conception particulièrement méditative de l’andante de la seconde sonate pour violon de Jean-Sébastien Bach.

Certains musicologues et chefs d’orchestre considèrent la troisième symphonie d’Anton Bruckner comme vraiment inaugurale de sa musique. Elle ne lui en a pas moins donné du fil à retordre, comme en témoignent les trois révisions et éditions successives (1873, 1878, 1889). Œuvre ambitieuse, d’une grande originalité d’écriture, d’une orchestration particulièrement cuivrée, la qualification de ‘’génial chaos harmonique’’ proposée par Pierre Boulez à propos de la tardive huitième symphonie convient également à sa cadette. Entre l’édition de 1873 et celle de 1878, on remarque d’importantes différences : dans la seconde, les deux mouvements extrêmes se trouvent raccourcis et, pour le premier, dépouillé de quasi toutes les citations wagnériennes ; en revanche, le déjà remarquable scherzo voit son caractère méphistophélique accru par une étonnante coda. Si beaucoup d’arguments plaident en faveur de l’unité supérieure de la seconde édition, la première, de 1873, garde pour elle son caractère envoutant et la puissance de son étrangeté, en dépit d’un final un peu répétitif. Quoi qu’il en soit, c’est cette version originelle de 1873 qui figurait, le soir du 3 mars, au programme de l’OPS.

A la tête d’une formation resserrée d’environ soixante-quinze musiciens, Claus Peter Flor en aura donné une interprétation particulièrement vibrante et fébrile, sans négliger pour autant l’indispensable homogénéité de la texture orchestrale. Vu la durée de l’œuvre, on a apprécié la vivacité du tempo adopté ; et aussi le jeu expressionniste de tous les pupitres de l’orchestre dans cet univers quasi-abstrait où ‘’faire joli’’ n’a guère de sens. L’OPS a  montré une fois encore l’excellente forme qu’il affiche depuis le début de saison.

                                                                                              Michel Le Gris

au cœur de Vienne

L’Orchestre National de Lille était l’invité de la saison de l’OPS lors du concert du vendredi 10 février. Intitulé ‘’au cœur de Vienne’’, le programme allait du classicisme viennois de Mozart à l’avant-gardisme de Berg et Webern, en passant par le romantisme schubertien.


Fondé dans les années 1970 à partir du défunt orchestre de la radio lilloise et à l’initiative de Jean-Claude Casadessus qui demeurera son directeur musical durant quarante ans, l’ONL a désormais atteint un niveau de qualité sonore et de maturité musicale qui le classe parmi les bonnes formations nationales. Il est venu à Strasbourg, en formation resserrée d’une soixantaine de musiciens, non avec son actuel directeur, Alexandre Bloch, mais dirigé par le jeune chef hongrois Gergely Madaras, titulaire quant à lui de l’Orchestre Philharmonique de Liège.

Orchestre National de Lille
© Jean-Batiste Millot

Composée de deux mouvements et dite en conséquence ‘’inachevée’’, la huitième symphonie de Schubert n’en forme pas moins un tout d’une remarquable homogénéité. Autrefois objet d’interprétations romantiques avec de grands effectifs orchestraux, elle fait désormais partie des œuvres conquises par le courant historiquement informé, jouant sans vibrato, avec des attaques nerveuses et sèches. Autant cette approche s’avère souvent convaincante dans les premières symphonies de Schubert, d’inspiration encore classique, autant les deux dernières, foncièrement romantiques, semblent davantage en pâtir qu’y gagner. L’atmosphère tour à tour frémissante, rêveuse, mélancolique ou puissamment dramatique des grandes interprétations d’antan laisse alors la place à des mouvements tectoniques et à des secousses telluriques d’une froide abstraction, dont on se demande quel rapport historique elle peut bien avoir avec le romantisme inaugural de cette musique. Avec application et non sans quelque raideur, les musiciens de Lille suivent le jeune Gergely Madaras dans cette conception au goût du jour de l’inachevée de Schubert.

Amour, nature et univers onirique forment les motifs poétiques des Sieben frühe lieder d’Alban Berg, écrits d’abord pour le piano et orchestrés ultérieurement dans sa période avant-gardiste de grande maturité. Ils ont bénéficié d’une belle incarnation, due à la voix profonde et ample de la soprano Judith van Wanroij et à un bon soutien orchestral, doté d’une riche palette de timbres. Qualités sonores que l’on ne retrouve malheureusement pas complètement dans les Variations pour orchestre d’Anton Webern, certes d’une grande énergie rythmique mais dont l’exécution un peu grise manque précisément de variétés et de couleurs.

Le meilleur moment de la soirée restera celui de la quarantième symphonie de Mozart, jouée dans une approche historiquement informée parfaitement judicieuse, sur un rythme haletant mais sachant néanmoins faire place à des moments de belle gravité. Le quatuor à cordes de l’Orchestre National de Lille aura montré le haut niveau de virtuosité et de musicalité qu’il est capable d’atteindre.

                                                                                              Michel Le Gris   

Mahler, Symphonie nᵒ 3 en ré mineur

Avant sa nomination au poste de directeur musical de l’orchestre, Aziz Shokhakimov avait donné, pendant l’hiver 2020, une cinquième symphonie de Mahler des plus convaincantes. Allait-il, durant cette saison, renouveler la prouesse avec la troisième, qu’il dirigeait pour la première fois ? Nous eûmes, en fin de compte,  une interprétation d’une intelligence musicale exceptionnelle, servie par un orchestre éblouissant.


Aziz Shokhakimov
©Jean-Baptiste Millot

Dans une de ses conférences sur Gustav Mahler donnée à Vienne dans les années 1960, le philosophe allemand Adorno parlait ‘’du fond d’enfance qu’il avait conservé, pour son bonheur et pour son malheur, dans son existence d’adulte et l’ayant empêché de souscrire à ce qui définit le contrat social officiel de toute musique : l’obligation de se fixer des limites’’. Cette esthétique de la démesure imprègne particulièrement la troisième symphonie, longue d’environ 1h30, composée de six mouvements dont le premier, à lui tout seul, dure le temps de la cinquième de Beethoven, mobilisant un orchestre gigantesque, une mezzo-soprano, une maîtrise de garçons et un chœur de femmes. Commençant sous l’aspect d’un chaos musical chargé d’inquiétude, l’œuvre se termine dans l’utopie d’une fusion totale, clamée dans un accord monumental et ponctué par les deux timbaliers, mettant les cuivres de l’orchestre au bord de l’apoplexie.

Dans la vaste introduction de l’œuvre, certains chefs installent un climat d’inquiétude mélancolique, d’autres soulignent davantage la dimension chaotique et agitée. A vrai dire, les deux options se défendent, l’essentiel résidant dans la qualité du jeu orchestral. Dès les premières mesures, Shokhakimov installe une ambiance tourmentée et fébrile, mais d’une manière très rigoureuse, dépourvue d’emphases et de grossissements inutiles. D’emblée, l’orchestre, avec une mention spéciale pour les cors, fait preuve d’une tenue et d’une concentration saisissantes. Tous les changements d’atmosphère qui traversent cet immense premier mouvement, partagé entre épisodes de marches exultantes et retour du chaos initial, sont vraiment restitués avec un art consommé. Comme souvent, le jeune directeur de l’OPS opte pour des tempi soutenus, mais sans précipitations ni bousculades, fignolant au contraire une polyphonie scintillante d’une grande richesse de timbre, que des enregistrements pourtant bardés de micros indiscrets ne font pas toujours entendre. Toute cette évidence de la musique se retrouve dans sa vision du second mouvement, d’une grande poésie sonore, et du troisième, avec un dialogue entre orchestre et cor de postillon fort réussi.

Alle Lust will Ewigkeit (Toute joie aspire à l’éternité), telles sont les paroles tirées du Zarathoustra de Nietzsche, chantées d’une voix profonde et grave par la mezzo Anna Kissjudit, avant le bim/bam, mouvement choral entonné par la maîtrise de l’Opéra du Rhin et le Chœur de femmes de l’OPS, sur un de ces textes de religiosité populaire tiré du recueil du Knaben Wunderhorn qu’affectionnait Mahler. Quant au long adagio final, il laisse souvent insatisfait, même sous la houlette de chefs de renom, tant certains l’amoindrissent pendant que d’autres font dans l’enflure ou dans l’alambiqué. Décidemment très inspiré par la musique de Mahler, Shokakhimov subjugue par l’intensité et la justesse du propos, obtenue avec des phrasés judicieusement épurés et des tempi plutôt allants. Moyennant de très subtils ralentis et juste ce qu’il faut d’emphase, toutes les convulsions orchestrales précédant le gigantesque accord final sont magnifiquement restituées par un orchestre qui jamais n’a paru autant en accord avec son chef. Programmée avant la crise sanitaire, cette intégrale Mahler en voie d’achèvement avait connu des débuts incertains avec notamment une fort décevante sixième symphonie sous la conduite du chef Josef Pons. Avec la récente neuvième dirigée par Vassili  Sinaïski et cette troisième de Shokakhimov, le niveau atteint soutient toutes les comparaisons.

Michel LE GRIS

Orchestre philharmonique de Strasbourg

https://philharmonique.strasbourg.eu

Jonas Kaufmann & Ludovic Tézier

Das Festspielhaus Baden-Baden feiert dieses Jahr, sein 25. Jubilaeum, wie es Intendant Benedikt Stampa in seiner herzlichen Ansprache an das Publikum, verkündete.


Als Auftakt des grossartigen Spielplans 2023, erklang ein Opernabend zweier wunderbaren Stimmem, des strahlende Tenors Jonas Kaufmann und des gefeierten Bariton Ludovic Tézier. Das Programm wurde auschliesslich dem italienischen Fach gewidmet. 

Als Erstes, vier Auschnitte aus « La Forza del Destino ». Schon die Ouvertüre, bewies das die feurig spielende Deusche Radio Philharmonie unter Jochen Rieder, eine erstklassige Wahl für den Abend war.

Das Duett « Solenne in quest’ora » wurde von den beiden Protagonisten nicht nur mit Schönklang und Stil vorgetragen, aber auch mit Gefühl und dramatischem Können.

Die Arie des Don Carlos de Vargas die auch im Werk sofort nach dem Duett erklingt, wurde von Ludovic Tézier und seiner grossartigen, typisch  verdischen Baritonstimme, meisterhaft vorgetragen.

Die Arie des Alvaro « la vita e inferno all’infelice », mit seinem melancholischen fabelhaft vorgertragenem Klarinettensolo, wurde zu einem der Höhepunkte des Abends. Jonas Kaufmann gelang es alle Regungen der Gefühlen des unglücklichen Helden mitzuleben. Rein gesanglich, war man verblüfft von dem Nuancenreichtums des Vortrags, vom Hauchdünnen Pianissimo bis zum strahlenden Forte ! 

Das Duett « Invano Alvaro » aus dem vierten Akt blieb auf derselben Höhe. Die beiden Sänger konnten hier ihr Können erweisen, so gut gesanglich wie theatralisch. Die beiden Stimmen passen auch vom Timbre her, herrlich zusammen.

Der zweite Teil des Abends begann mit der Ouvertüre zu Verdis « Les vêpres siciliennes » die unter der Leitung von Jochen Rieder zur Tondichtung geedelt wurde.

Ponchiellis Oper « La Gioconda »ist das einzige Werk des Musiklehrers von Puccini und Mascagni die immer noch auf dem Spielplan der grossen Haüser anzutreffen ist, wenn auch « I Lituani » oder « I promessi sposi » nach Manzoni, viele Schönheiten enthalten.

Das Duett « Enzo Grimaldo » zeigt wieder die beiden Sänger, auf der Höhe ihres Könnens.

Der Tanz der Stunden, aus derselben Oper, wurde vor Allem als Parodie in Walt Disneys « Fantasia »gekannt ! Und doch enthält dieses Ballett schöne, feine Musik, die von dem Orchester völlig ausgekostet wurde.

Die Romanze des Enzo « Cielo e mar », ein Glanzstück aller grossen Tenöre, wurde von Jonas Kaufmann elegant vorgetragen, liess aber eine kaum perzeptible Ermüdung erscheinen.

Otello, Giuseppe Verdis  Alterswerk, ist eines der Meisterwerke der Gattung Oper überhaupt. 

Das « Credo »von Iago, eine nihilistiche Bekennung wurde von Ludovic Tézier mit so viel Feuer und Bosheit vorgetragen, das einem kalt im Rücken wurde. Einer der vielen Höhepunkte des Abends . 

Das Duett Otello Iago « Tu indietro », eigentlich beinahe die Hälfte des zweiten Aktes, erlaubte beiden Sängern nochmals ihr Können zu zeigen. Sie spielten nicht, nein, sie lebten diese schreckliche Szene wo die ganze Verzweiflung von Otello und seine Rachezucht keimt und die Heuchlerei Iagos triumphiert.

Vor dem tosenden Applaus des begeisterten Publikums, gaben die Sänger noch das Duett Rodolfo/Marcello aus dem vierten Aufzug von Puccinis « La Bohème »und ein leider sehr verstümmeltes Duett Carlos/Posa aus Verdis Don Carlos.

Jean-Claude HURSTEL

FESTSPIELHAUS BADEN-BADEN    8. JANUAR 2023
Jonas Kaufmann & Ludovic Tézier
Deutsche Radio Philharmonie Jochen Rieder

Gustav Mahler

Depuis qu’Alain Lombard l’introduisit à Strasbourg dans les années 1970, la musique de Gustav Mahler a connu nombre de belles interprétations grâce notamment à Jan Latham-Koenig, Marc Albrecht et Marko Letonja. Le concert de l’OPS donné le 25 novembre dernier était entièrement consacré à la neuvième symphonie. Invité pour l’évènement, le chef russe Vassili Sinaïski en a donné une vision d’une intelligence musicale exceptionnelle, soutenue par un orchestre chauffé à blanc.


Une telle performance mérite d’autant plus d’être saluée que ce chef d’œuvre du romantisme tardif, bien qu’ayant fait l’objet d’une centaine d’enregistrement, pose des problèmes d’interprétation qui sont loin d’être toujours résolus. A côté de chefs ne retenant que la seule dimension romantique, il y a ceux qui, à l’inverse, l’enferment dans un modernisme monolithique. Il en est aussi qui restituent bien l’ambiance ironique et sarcastique des deux mouvements centraux mais qui achoppent devant le dramatisme austère des mouvements extrêmes ; et d’autres chez qui c’est le contraire. Il y a enfin ceux qui, restituant bien le caractère transitoire et ambivalent de l’œuvre, font cependant preuve de timidité face à une matière sonore dont la sauvagerie tourne le dos aux nuances maniérées, aux phrasés édulcorés, aux pianissimi exagérés. Toutes ces insuffisances ou ces impasses furent magistralement surmontées lors du concert de Vassili Sinaïski, atteignant un niveau d’excellence tel que l’on regrette qu’aucune radio, télévision ou maison de disques n’aient, ce soir-là, posé ses micros dans la salle Érasme. Quand pareille intelligence de l’œuvre le dispute à la passion de l’exécution, il émane de cette musique un amour éperdu de la terre et un adieu au monde d’une puissance émotive bouleversante. Avec des mouvements précis, des gestes attentionnés et des expressions de visage d’une grande humanité, ce chef a obtenu de l’OPS ce qu’il faut bien appeler une véritable performance sonore. À preuve, le terrifiant scherzo, d’une difficulté telle qu’il est arrivé à un orchestre comme le Philharmonique de Berlin d’y commettre de fautives embardées (sous la direction de Léonard Bernstein, en 1979). Sinaïski l’attaque, quant à lui, dans une rythmique implacable et dans un tempo foudroyant ; cordes de l’orchestre unies derrière la super-soliste Charlotte Juillard, vents et percussions enflammés se surpassent jusque dans une coda des plus impressionnantes. Pour le reste, on ne peut qu’approuver la justesse de style, tant au plan des timbres particulièrement vibrants que des rythmes ou des mélodies, qui jouent la puissance du sentiment contre le sentimentalisme niais et font entendre tout ce que cette musique recèle d’extrêmement savant mais aussi de profondément populaire.

Une semaine avant, l’orchestre accueillait le violoniste arménien Sergey Khachatryan dans le concerto pour violon de Beethoven. Il y a un peu plus de vingt ans, encore dans son adolescence, il était venu jouer cette même grande œuvre. Nonobstant sa jeunesse et son trac d’alors, on avait déjà perçu sa musicalité souveraine et son lyrisme profond. Quelques années plus tard, il donnait en concert et enregistrait à Paris, avec son mentor Kurt Masur, une mémorable version des deux concertos de Shostakovitch. Non seulement il n’a rien perdu de ses qualités d’antan, mais il a gagné une liberté de jeu qui a rayonné du début à la fin du chef d’œuvre beethovenien, culminant dans un rondo final particulièrement alerte et chantant.  C’est un autre chef russe, venant quant à lui de la grande école pétersbourgeoise, Stanislas Kochanovsky, qui dirigeait ce soir-là l’orchestre. Certains mélomanes se sont demandés si la nervosité des forte staccato, l’orchestre à cordes resserré et son jeu sans vibrato, les vents particulièrement audibles et les timbales très claires, autrement dit l’option d’un  style ‘’historiquement informé’’ s’accordaient avec le lyrisme profond et la sonorité délicate de Kachatryan. C’est oublier, à mon sens, la restitution  particulièrement chantante des longues phrases mélodiques, si bien jouées par le quatuor à cordes de l’orchestre, décidément très en forme.

En seconde partie de soirée, Stanislas Kochanovsky nous aura offert une troisième symphonie de Brahms de grande classe, bien contrastée entre la froide énergie des mouvements extrêmes et les moments mélancoliques et nostalgiques des parties centrales. On eût certes aimé un surcroît de sentiment dans le célèbre allegretto ; en revanche,  on a particulièrement apprécié la droiture des instruments à vents dans les dernières mesures de l’œuvre, quand la musique semble enfin atteindre une réelle sérénité. D’un bout à l’autre de cette belle et étrange symphonie, le jeu de l’OPS s’est montré d’une clarté et d’une homogénéité parfaites.

Je profite de cette recension pour dire également tout le bien que je pense de deux concerts de musiciens amateurs, entendus durant le mois de novembre. Le samedi 12, l’Orchestre des Solistes de Strasbourg, formé d’étudiants de l’Académie Supérieure de Musique, donnait son premier concert sous la direction d’Etienne Bideau, violoniste par ailleurs. Après un larghetto pour cor de Chabrier et un concerto pour clarinette et alto de Bruch, témoignant de la qualité des solistes de cette nouvelle formation, l’orchestre et son jeune chef nous ont offert une symphonie écossaise de Mendelssohn d’une juvénilité d’inspiration et surtout d’une qualité d’exécution que l’on n’attendait pas d’une formation débutante. On aura seulement regretté l’acoustique quelque peu tourbillonnante de l’église Saint-Pierre le jeune.

Gaspard Gaget a, quant à lui, bénéficié de l’acoustique nouvellement rénovée du Palais des Fêtes pour le 150ème anniversaire de la Chorale Strasbourgeoise, institution historique qu’il dirige et qu’il dynamise depuis maintenant trois ans. Pour cette soirée du samedi 26 novembre, le Chœur d’hommes de Molsheim était convié pour des chants de son répertoire, également le Centre Chorégraphique de Strasbourg pour une chorégraphie sur une musique de Mozart. La partie instrumentale de la soirée était assurée par des instrumentistes de La Philharmonie, orchestre d’amateurs fondé en 1900. Après une petite symphonie d’un quasi-contemporain de Beethoven, G. Valéri, dirigé par le chef Gustave Winckler, musiciens et choristes strasbourgeois se sont retrouvés sous la direction de Gaspard Gaget pour un Magnificat de Vivaldi et une Spatzenmesse de Mozart qui, l’un comme l’autre, ont montré le niveau artistique que peut atteindre un ensemble de choristes amateurs lorsqu’ils sont guidés à la fois par l’exigence et l’enthousiasme. Qualités que l’on aura encore appréciées dans le chœur final de l’Oratorio de Noel de J.S.Bach, qui terminait ce programme ambitieux et fort bien conçu.

                                                                                              Michel Le Gris

GIUSEPPE VERDI

REQUIEM

Das weltberühmte Requiem von Giuseppe Verdi wurde im Festspielhaus schon mehreremale gegeben, und die Meisterinterpration von Riccardo Muti im Jahre 2019 ist noch in allen Erinnerungen. Desto mehr gespannt war man die Auffassung des jungen, gelobten und umstrittenen Teodor Currentzis zu hören. Die Version des feurigen Dirigenten war so vortrefflich, dass man meinte man hörte das Werk zum ersten Mal. Von den ersten Takten bis zum Schluss, hat er einen grossen Bogen gesponnen der jeder Fazette des Meisterwerkes völlig gerecht wurde ! Schon die ersten Takten waren gerade verblüffend, diese hauchzarten Pianissimi der tiefen Streicher die wie aus dem Nichts kommend, das Publikum in ihren Bann zogen. Der Chor fügte sich in diese Vision an, und die ersten Worte, « Requiem aeternam » waren beinahe geflüstert. Das « Dies Irae » hingegen, das oft nur hingeschmettert wird, war eine wahreTonmalerei des jüngsten Gerichts ! Wuchtig, angsteinflössend aber nicht brutal, ein stets musikalisch bleibendes Schreckensbild. Das fabelhafte Orchester und der hervorragende Chor musicAeterna haben da Massstäbe gesetzt.


Das Sänger Quartett konnte da nicht miteifern wenn sie auch auf hohem Niveau waren.

Andreas Schager, der Beste Tristan zur Zeit, verfügt über eine mächtige, schön timbrierte Heldentenorstimme die leider aller Feinheiten der Partie nicht gerecht werden konnte. Schon bei seinem ersten Eintritt drohte er zu entgleisen. Das « Ingemisco » wurde zur auftrumpfenden Opernarie und man entbehrte jedes religiöse Gefühl. 

Mathias Göerne sang, wie immer, sehr gepflegt, versuchte aber vergebens seiner schönen Baritostimme, die Farbe eines tiefen Basses zu geben, was er eigentlich nicht ist.

Zarina Abaeva verfügt über eine grosse lyrische Sopranstimme und wusste zu überzeugen aber in dem wichtigsten Teil ihrer Partie, das « Libera me », hatte sie oft Intonationsprobleme.

Eve- Maud Hubeaux war die Einzige die ihre Partie total meisterte.Ihr wunderbarer Mezzo wurde jeder Nuance der Partitur gerecht und das « Liber scriptus » wurde zu einem der Höhepunkte des Abends.

Aber dank der fabelhaften Direction von Teodor Currentzis, dem fantastisch spielenden Orchesters und dem blendend singenden Chors, verliess man das Haus mit dem Gefühl eine musikalische Sternstunde erlebt zu haben.

Jean-Claude HURSTEL

CAVALLERIA RUSTICANA

Cavalleria Rusticana ist einer der Pfeiler des italienischen « Verismo »und sicher eine der beliebtesten und meist gespielten Opern in der Welt. Altvater Verdi hat das Werk sehr gelobt. Leider konnte Mascagni den riesigen Erfolg des Werkes nicht mehr erreichen, wenn man auch « Iris » und « Isabeau » bevorzügen kann.


Thomas Hengelbrokhat die Originalpartitur studiert und beschlossen die Urfassung des genialen Wurfs zu geben. Und siehe, das Original klingt viel moderner, besonders in den Chören die beinahe avantgardiste Züge zeigen und developpierter als in der revidierten Fassung sind. So ist die Eintrittsarie des Alfios, mit Chor, viel bewichtiger und gibt der Partie  des Baritons meht Präzens. Das Trinklied des Turiddu ist auch viel länger, eine der Strophen wird mit Lola dargebieten, und der Chor gerät immer mehr in beinahe orgiastische Ausbrüche.

Das Bedeutenste aber ist das Santuzza nicht für Mezzo oder für ein Hochdramatischen Sopran gedacht ist, aber für einen lyrischen, was der Partie eine jugendliche Farbe verleiht ! Wir haben es hier mit einer jungen Frau, nicht mit einer Diva zu tun.

Die Besetzung fügt sich ganz in diese neue Perspektive ein. 

Die Rolle der Santuzza wird von Carolina Lopez Moreno mit jugendlicher Stimme vorgetragen. Ihr lyrische Sopran verfügt über eine wunderbar strahlende Höhe, überzeugt aber auch im tieferen Register. Die Kunst des Legatos und die wunderschönen Nuancen erlauben ihr das rührende Porträt einer liebenden jungen Frau zu gestalten. Da die Sängerin auch Bildhübsch ist und ein feines darstellerisches Gefühl hat kann man ihr eine grosse Karriere voraussagen.

Als die Rivalin Lola, überzeugt Eva Zaïcik mit ihrem leichten Mezzo.

Elisabetta Fiorillo , die eine fabelhafte Karriere hinter sich hat, gestaltet eine tragische Mamma Lucia, ohne je ins pathetische zu entgleisen. Die Stimme ist immer noch schön timbriert und die Ausprache hervorragend.

Giorgio Berrugi gestaltet Turiddu mit seinem schönen, strahlenden Tenor, weiss aber auch den Nuancen der Partie völlig gerecht zu werden.

Alfio wird von Domen Krizaj tadellos vorgetragen. Seine schöne Baritonstimme entfaltet sich in der Rolle, die hier viel gewichtiger ist als in der üblichen Fassung. Sein Alfio ist nicht der brutale Fuhrmann den man gewohnt ist sondern ein junger, verliebter und betrogener Mann.

Thomas Hengelbrock kostet jede Nuance der Partitur aus, die sehr geschickt orchestriert ist und nichts mit manchen Grobheiten eines falschen Verismo zu tun hat. Das grossartig spielende Balthasar Neumann Orchester ist total im Einklang mit dem Dirigenten, sowie der tadellos singende Balthasar Neumann Chor der die heiklen Stellen dieser Fassung völlig meistert.

Um das Gewicht der katholischen Kirchen in Sizilien zu unterstreichen, hat Thomas Hengelbrok das Credo der « Missa di Gloria » von Puccini vor Beginn der Oper dirigiert. Es ist sicher nicht das Beste was Puccini geschrieben hat und war eigentlich überflüssig, trotz der schönen Darbietung des Tenors.

Man kann nur wünschen das die Opernhäuser die Originalfassung des Werkes in ihren Spielplan aufnehmen werden.

Jean-Claude Hurstel

Festspielhaus Baden-Baden Freitag, den 11 November 2022
PIETRO MASCAGNI