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au cœur de Vienne

L’Orchestre National de Lille était l’invité de la saison de l’OPS lors du concert du vendredi 10 février. Intitulé ‘’au cœur de Vienne’’, le programme allait du classicisme viennois de Mozart à l’avant-gardisme de Berg et Webern, en passant par le romantisme schubertien.


Fondé dans les années 1970 à partir du défunt orchestre de la radio lilloise et à l’initiative de Jean-Claude Casadessus qui demeurera son directeur musical durant quarante ans, l’ONL a désormais atteint un niveau de qualité sonore et de maturité musicale qui le classe parmi les bonnes formations nationales. Il est venu à Strasbourg, en formation resserrée d’une soixantaine de musiciens, non avec son actuel directeur, Alexandre Bloch, mais dirigé par le jeune chef hongrois Gergely Madaras, titulaire quant à lui de l’Orchestre Philharmonique de Liège.

Orchestre National de Lille
© Jean-Batiste Millot

Composée de deux mouvements et dite en conséquence ‘’inachevée’’, la huitième symphonie de Schubert n’en forme pas moins un tout d’une remarquable homogénéité. Autrefois objet d’interprétations romantiques avec de grands effectifs orchestraux, elle fait désormais partie des œuvres conquises par le courant historiquement informé, jouant sans vibrato, avec des attaques nerveuses et sèches. Autant cette approche s’avère souvent convaincante dans les premières symphonies de Schubert, d’inspiration encore classique, autant les deux dernières, foncièrement romantiques, semblent davantage en pâtir qu’y gagner. L’atmosphère tour à tour frémissante, rêveuse, mélancolique ou puissamment dramatique des grandes interprétations d’antan laisse alors la place à des mouvements tectoniques et à des secousses telluriques d’une froide abstraction, dont on se demande quel rapport historique elle peut bien avoir avec le romantisme inaugural de cette musique. Avec application et non sans quelque raideur, les musiciens de Lille suivent le jeune Gergely Madaras dans cette conception au goût du jour de l’inachevée de Schubert.

Amour, nature et univers onirique forment les motifs poétiques des Sieben frühe lieder d’Alban Berg, écrits d’abord pour le piano et orchestrés ultérieurement dans sa période avant-gardiste de grande maturité. Ils ont bénéficié d’une belle incarnation, due à la voix profonde et ample de la soprano Judith van Wanroij et à un bon soutien orchestral, doté d’une riche palette de timbres. Qualités sonores que l’on ne retrouve malheureusement pas complètement dans les Variations pour orchestre d’Anton Webern, certes d’une grande énergie rythmique mais dont l’exécution un peu grise manque précisément de variétés et de couleurs.

Le meilleur moment de la soirée restera celui de la quarantième symphonie de Mozart, jouée dans une approche historiquement informée parfaitement judicieuse, sur un rythme haletant mais sachant néanmoins faire place à des moments de belle gravité. Le quatuor à cordes de l’Orchestre National de Lille aura montré le haut niveau de virtuosité et de musicalité qu’il est capable d’atteindre.

                                                                                              Michel Le Gris   

Mahler, Symphonie nᵒ 3 en ré mineur

Avant sa nomination au poste de directeur musical de l’orchestre, Aziz Shokhakimov avait donné, pendant l’hiver 2020, une cinquième symphonie de Mahler des plus convaincantes. Allait-il, durant cette saison, renouveler la prouesse avec la troisième, qu’il dirigeait pour la première fois ? Nous eûmes, en fin de compte,  une interprétation d’une intelligence musicale exceptionnelle, servie par un orchestre éblouissant.


Aziz Shokhakimov
©Jean-Baptiste Millot

Dans une de ses conférences sur Gustav Mahler donnée à Vienne dans les années 1960, le philosophe allemand Adorno parlait ‘’du fond d’enfance qu’il avait conservé, pour son bonheur et pour son malheur, dans son existence d’adulte et l’ayant empêché de souscrire à ce qui définit le contrat social officiel de toute musique : l’obligation de se fixer des limites’’. Cette esthétique de la démesure imprègne particulièrement la troisième symphonie, longue d’environ 1h30, composée de six mouvements dont le premier, à lui tout seul, dure le temps de la cinquième de Beethoven, mobilisant un orchestre gigantesque, une mezzo-soprano, une maîtrise de garçons et un chœur de femmes. Commençant sous l’aspect d’un chaos musical chargé d’inquiétude, l’œuvre se termine dans l’utopie d’une fusion totale, clamée dans un accord monumental et ponctué par les deux timbaliers, mettant les cuivres de l’orchestre au bord de l’apoplexie.

Dans la vaste introduction de l’œuvre, certains chefs installent un climat d’inquiétude mélancolique, d’autres soulignent davantage la dimension chaotique et agitée. A vrai dire, les deux options se défendent, l’essentiel résidant dans la qualité du jeu orchestral. Dès les premières mesures, Shokhakimov installe une ambiance tourmentée et fébrile, mais d’une manière très rigoureuse, dépourvue d’emphases et de grossissements inutiles. D’emblée, l’orchestre, avec une mention spéciale pour les cors, fait preuve d’une tenue et d’une concentration saisissantes. Tous les changements d’atmosphère qui traversent cet immense premier mouvement, partagé entre épisodes de marches exultantes et retour du chaos initial, sont vraiment restitués avec un art consommé. Comme souvent, le jeune directeur de l’OPS opte pour des tempi soutenus, mais sans précipitations ni bousculades, fignolant au contraire une polyphonie scintillante d’une grande richesse de timbre, que des enregistrements pourtant bardés de micros indiscrets ne font pas toujours entendre. Toute cette évidence de la musique se retrouve dans sa vision du second mouvement, d’une grande poésie sonore, et du troisième, avec un dialogue entre orchestre et cor de postillon fort réussi.

Alle Lust will Ewigkeit (Toute joie aspire à l’éternité), telles sont les paroles tirées du Zarathoustra de Nietzsche, chantées d’une voix profonde et grave par la mezzo Anna Kissjudit, avant le bim/bam, mouvement choral entonné par la maîtrise de l’Opéra du Rhin et le Chœur de femmes de l’OPS, sur un de ces textes de religiosité populaire tiré du recueil du Knaben Wunderhorn qu’affectionnait Mahler. Quant au long adagio final, il laisse souvent insatisfait, même sous la houlette de chefs de renom, tant certains l’amoindrissent pendant que d’autres font dans l’enflure ou dans l’alambiqué. Décidemment très inspiré par la musique de Mahler, Shokakhimov subjugue par l’intensité et la justesse du propos, obtenue avec des phrasés judicieusement épurés et des tempi plutôt allants. Moyennant de très subtils ralentis et juste ce qu’il faut d’emphase, toutes les convulsions orchestrales précédant le gigantesque accord final sont magnifiquement restituées par un orchestre qui jamais n’a paru autant en accord avec son chef. Programmée avant la crise sanitaire, cette intégrale Mahler en voie d’achèvement avait connu des débuts incertains avec notamment une fort décevante sixième symphonie sous la conduite du chef Josef Pons. Avec la récente neuvième dirigée par Vassili  Sinaïski et cette troisième de Shokakhimov, le niveau atteint soutient toutes les comparaisons.

Michel LE GRIS

Orchestre philharmonique de Strasbourg

https://philharmonique.strasbourg.eu

Jonas Kaufmann & Ludovic Tézier

Das Festspielhaus Baden-Baden feiert dieses Jahr, sein 25. Jubilaeum, wie es Intendant Benedikt Stampa in seiner herzlichen Ansprache an das Publikum, verkündete.


Als Auftakt des grossartigen Spielplans 2023, erklang ein Opernabend zweier wunderbaren Stimmem, des strahlende Tenors Jonas Kaufmann und des gefeierten Bariton Ludovic Tézier. Das Programm wurde auschliesslich dem italienischen Fach gewidmet. 

Als Erstes, vier Auschnitte aus « La Forza del Destino ». Schon die Ouvertüre, bewies das die feurig spielende Deusche Radio Philharmonie unter Jochen Rieder, eine erstklassige Wahl für den Abend war.

Das Duett « Solenne in quest’ora » wurde von den beiden Protagonisten nicht nur mit Schönklang und Stil vorgetragen, aber auch mit Gefühl und dramatischem Können.

Die Arie des Don Carlos de Vargas die auch im Werk sofort nach dem Duett erklingt, wurde von Ludovic Tézier und seiner grossartigen, typisch  verdischen Baritonstimme, meisterhaft vorgetragen.

Die Arie des Alvaro « la vita e inferno all’infelice », mit seinem melancholischen fabelhaft vorgertragenem Klarinettensolo, wurde zu einem der Höhepunkte des Abends. Jonas Kaufmann gelang es alle Regungen der Gefühlen des unglücklichen Helden mitzuleben. Rein gesanglich, war man verblüfft von dem Nuancenreichtums des Vortrags, vom Hauchdünnen Pianissimo bis zum strahlenden Forte ! 

Das Duett « Invano Alvaro » aus dem vierten Akt blieb auf derselben Höhe. Die beiden Sänger konnten hier ihr Können erweisen, so gut gesanglich wie theatralisch. Die beiden Stimmen passen auch vom Timbre her, herrlich zusammen.

Der zweite Teil des Abends begann mit der Ouvertüre zu Verdis « Les vêpres siciliennes » die unter der Leitung von Jochen Rieder zur Tondichtung geedelt wurde.

Ponchiellis Oper « La Gioconda »ist das einzige Werk des Musiklehrers von Puccini und Mascagni die immer noch auf dem Spielplan der grossen Haüser anzutreffen ist, wenn auch « I Lituani » oder « I promessi sposi » nach Manzoni, viele Schönheiten enthalten.

Das Duett « Enzo Grimaldo » zeigt wieder die beiden Sänger, auf der Höhe ihres Könnens.

Der Tanz der Stunden, aus derselben Oper, wurde vor Allem als Parodie in Walt Disneys « Fantasia »gekannt ! Und doch enthält dieses Ballett schöne, feine Musik, die von dem Orchester völlig ausgekostet wurde.

Die Romanze des Enzo « Cielo e mar », ein Glanzstück aller grossen Tenöre, wurde von Jonas Kaufmann elegant vorgetragen, liess aber eine kaum perzeptible Ermüdung erscheinen.

Otello, Giuseppe Verdis  Alterswerk, ist eines der Meisterwerke der Gattung Oper überhaupt. 

Das « Credo »von Iago, eine nihilistiche Bekennung wurde von Ludovic Tézier mit so viel Feuer und Bosheit vorgetragen, das einem kalt im Rücken wurde. Einer der vielen Höhepunkte des Abends . 

Das Duett Otello Iago « Tu indietro », eigentlich beinahe die Hälfte des zweiten Aktes, erlaubte beiden Sängern nochmals ihr Können zu zeigen. Sie spielten nicht, nein, sie lebten diese schreckliche Szene wo die ganze Verzweiflung von Otello und seine Rachezucht keimt und die Heuchlerei Iagos triumphiert.

Vor dem tosenden Applaus des begeisterten Publikums, gaben die Sänger noch das Duett Rodolfo/Marcello aus dem vierten Aufzug von Puccinis « La Bohème »und ein leider sehr verstümmeltes Duett Carlos/Posa aus Verdis Don Carlos.

Jean-Claude HURSTEL

FESTSPIELHAUS BADEN-BADEN    8. JANUAR 2023
Jonas Kaufmann & Ludovic Tézier
Deutsche Radio Philharmonie Jochen Rieder

Gustav Mahler

Depuis qu’Alain Lombard l’introduisit à Strasbourg dans les années 1970, la musique de Gustav Mahler a connu nombre de belles interprétations grâce notamment à Jan Latham-Koenig, Marc Albrecht et Marko Letonja. Le concert de l’OPS donné le 25 novembre dernier était entièrement consacré à la neuvième symphonie. Invité pour l’évènement, le chef russe Vassili Sinaïski en a donné une vision d’une intelligence musicale exceptionnelle, soutenue par un orchestre chauffé à blanc.


Une telle performance mérite d’autant plus d’être saluée que ce chef d’œuvre du romantisme tardif, bien qu’ayant fait l’objet d’une centaine d’enregistrement, pose des problèmes d’interprétation qui sont loin d’être toujours résolus. A côté de chefs ne retenant que la seule dimension romantique, il y a ceux qui, à l’inverse, l’enferment dans un modernisme monolithique. Il en est aussi qui restituent bien l’ambiance ironique et sarcastique des deux mouvements centraux mais qui achoppent devant le dramatisme austère des mouvements extrêmes ; et d’autres chez qui c’est le contraire. Il y a enfin ceux qui, restituant bien le caractère transitoire et ambivalent de l’œuvre, font cependant preuve de timidité face à une matière sonore dont la sauvagerie tourne le dos aux nuances maniérées, aux phrasés édulcorés, aux pianissimi exagérés. Toutes ces insuffisances ou ces impasses furent magistralement surmontées lors du concert de Vassili Sinaïski, atteignant un niveau d’excellence tel que l’on regrette qu’aucune radio, télévision ou maison de disques n’aient, ce soir-là, posé ses micros dans la salle Érasme. Quand pareille intelligence de l’œuvre le dispute à la passion de l’exécution, il émane de cette musique un amour éperdu de la terre et un adieu au monde d’une puissance émotive bouleversante. Avec des mouvements précis, des gestes attentionnés et des expressions de visage d’une grande humanité, ce chef a obtenu de l’OPS ce qu’il faut bien appeler une véritable performance sonore. À preuve, le terrifiant scherzo, d’une difficulté telle qu’il est arrivé à un orchestre comme le Philharmonique de Berlin d’y commettre de fautives embardées (sous la direction de Léonard Bernstein, en 1979). Sinaïski l’attaque, quant à lui, dans une rythmique implacable et dans un tempo foudroyant ; cordes de l’orchestre unies derrière la super-soliste Charlotte Juillard, vents et percussions enflammés se surpassent jusque dans une coda des plus impressionnantes. Pour le reste, on ne peut qu’approuver la justesse de style, tant au plan des timbres particulièrement vibrants que des rythmes ou des mélodies, qui jouent la puissance du sentiment contre le sentimentalisme niais et font entendre tout ce que cette musique recèle d’extrêmement savant mais aussi de profondément populaire.

Une semaine avant, l’orchestre accueillait le violoniste arménien Sergey Khachatryan dans le concerto pour violon de Beethoven. Il y a un peu plus de vingt ans, encore dans son adolescence, il était venu jouer cette même grande œuvre. Nonobstant sa jeunesse et son trac d’alors, on avait déjà perçu sa musicalité souveraine et son lyrisme profond. Quelques années plus tard, il donnait en concert et enregistrait à Paris, avec son mentor Kurt Masur, une mémorable version des deux concertos de Shostakovitch. Non seulement il n’a rien perdu de ses qualités d’antan, mais il a gagné une liberté de jeu qui a rayonné du début à la fin du chef d’œuvre beethovenien, culminant dans un rondo final particulièrement alerte et chantant.  C’est un autre chef russe, venant quant à lui de la grande école pétersbourgeoise, Stanislas Kochanovsky, qui dirigeait ce soir-là l’orchestre. Certains mélomanes se sont demandés si la nervosité des forte staccato, l’orchestre à cordes resserré et son jeu sans vibrato, les vents particulièrement audibles et les timbales très claires, autrement dit l’option d’un  style ‘’historiquement informé’’ s’accordaient avec le lyrisme profond et la sonorité délicate de Kachatryan. C’est oublier, à mon sens, la restitution  particulièrement chantante des longues phrases mélodiques, si bien jouées par le quatuor à cordes de l’orchestre, décidément très en forme.

En seconde partie de soirée, Stanislas Kochanovsky nous aura offert une troisième symphonie de Brahms de grande classe, bien contrastée entre la froide énergie des mouvements extrêmes et les moments mélancoliques et nostalgiques des parties centrales. On eût certes aimé un surcroît de sentiment dans le célèbre allegretto ; en revanche,  on a particulièrement apprécié la droiture des instruments à vents dans les dernières mesures de l’œuvre, quand la musique semble enfin atteindre une réelle sérénité. D’un bout à l’autre de cette belle et étrange symphonie, le jeu de l’OPS s’est montré d’une clarté et d’une homogénéité parfaites.

Je profite de cette recension pour dire également tout le bien que je pense de deux concerts de musiciens amateurs, entendus durant le mois de novembre. Le samedi 12, l’Orchestre des Solistes de Strasbourg, formé d’étudiants de l’Académie Supérieure de Musique, donnait son premier concert sous la direction d’Etienne Bideau, violoniste par ailleurs. Après un larghetto pour cor de Chabrier et un concerto pour clarinette et alto de Bruch, témoignant de la qualité des solistes de cette nouvelle formation, l’orchestre et son jeune chef nous ont offert une symphonie écossaise de Mendelssohn d’une juvénilité d’inspiration et surtout d’une qualité d’exécution que l’on n’attendait pas d’une formation débutante. On aura seulement regretté l’acoustique quelque peu tourbillonnante de l’église Saint-Pierre le jeune.

Gaspard Gaget a, quant à lui, bénéficié de l’acoustique nouvellement rénovée du Palais des Fêtes pour le 150ème anniversaire de la Chorale Strasbourgeoise, institution historique qu’il dirige et qu’il dynamise depuis maintenant trois ans. Pour cette soirée du samedi 26 novembre, le Chœur d’hommes de Molsheim était convié pour des chants de son répertoire, également le Centre Chorégraphique de Strasbourg pour une chorégraphie sur une musique de Mozart. La partie instrumentale de la soirée était assurée par des instrumentistes de La Philharmonie, orchestre d’amateurs fondé en 1900. Après une petite symphonie d’un quasi-contemporain de Beethoven, G. Valéri, dirigé par le chef Gustave Winckler, musiciens et choristes strasbourgeois se sont retrouvés sous la direction de Gaspard Gaget pour un Magnificat de Vivaldi et une Spatzenmesse de Mozart qui, l’un comme l’autre, ont montré le niveau artistique que peut atteindre un ensemble de choristes amateurs lorsqu’ils sont guidés à la fois par l’exigence et l’enthousiasme. Qualités que l’on aura encore appréciées dans le chœur final de l’Oratorio de Noel de J.S.Bach, qui terminait ce programme ambitieux et fort bien conçu.

                                                                                              Michel Le Gris

GIUSEPPE VERDI

REQUIEM

Das weltberühmte Requiem von Giuseppe Verdi wurde im Festspielhaus schon mehreremale gegeben, und die Meisterinterpration von Riccardo Muti im Jahre 2019 ist noch in allen Erinnerungen. Desto mehr gespannt war man die Auffassung des jungen, gelobten und umstrittenen Teodor Currentzis zu hören. Die Version des feurigen Dirigenten war so vortrefflich, dass man meinte man hörte das Werk zum ersten Mal. Von den ersten Takten bis zum Schluss, hat er einen grossen Bogen gesponnen der jeder Fazette des Meisterwerkes völlig gerecht wurde ! Schon die ersten Takten waren gerade verblüffend, diese hauchzarten Pianissimi der tiefen Streicher die wie aus dem Nichts kommend, das Publikum in ihren Bann zogen. Der Chor fügte sich in diese Vision an, und die ersten Worte, « Requiem aeternam » waren beinahe geflüstert. Das « Dies Irae » hingegen, das oft nur hingeschmettert wird, war eine wahreTonmalerei des jüngsten Gerichts ! Wuchtig, angsteinflössend aber nicht brutal, ein stets musikalisch bleibendes Schreckensbild. Das fabelhafte Orchester und der hervorragende Chor musicAeterna haben da Massstäbe gesetzt.


Das Sänger Quartett konnte da nicht miteifern wenn sie auch auf hohem Niveau waren.

Andreas Schager, der Beste Tristan zur Zeit, verfügt über eine mächtige, schön timbrierte Heldentenorstimme die leider aller Feinheiten der Partie nicht gerecht werden konnte. Schon bei seinem ersten Eintritt drohte er zu entgleisen. Das « Ingemisco » wurde zur auftrumpfenden Opernarie und man entbehrte jedes religiöse Gefühl. 

Mathias Göerne sang, wie immer, sehr gepflegt, versuchte aber vergebens seiner schönen Baritostimme, die Farbe eines tiefen Basses zu geben, was er eigentlich nicht ist.

Zarina Abaeva verfügt über eine grosse lyrische Sopranstimme und wusste zu überzeugen aber in dem wichtigsten Teil ihrer Partie, das « Libera me », hatte sie oft Intonationsprobleme.

Eve- Maud Hubeaux war die Einzige die ihre Partie total meisterte.Ihr wunderbarer Mezzo wurde jeder Nuance der Partitur gerecht und das « Liber scriptus » wurde zu einem der Höhepunkte des Abends.

Aber dank der fabelhaften Direction von Teodor Currentzis, dem fantastisch spielenden Orchesters und dem blendend singenden Chors, verliess man das Haus mit dem Gefühl eine musikalische Sternstunde erlebt zu haben.

Jean-Claude HURSTEL

CAVALLERIA RUSTICANA

Cavalleria Rusticana ist einer der Pfeiler des italienischen « Verismo »und sicher eine der beliebtesten und meist gespielten Opern in der Welt. Altvater Verdi hat das Werk sehr gelobt. Leider konnte Mascagni den riesigen Erfolg des Werkes nicht mehr erreichen, wenn man auch « Iris » und « Isabeau » bevorzügen kann.


Thomas Hengelbrokhat die Originalpartitur studiert und beschlossen die Urfassung des genialen Wurfs zu geben. Und siehe, das Original klingt viel moderner, besonders in den Chören die beinahe avantgardiste Züge zeigen und developpierter als in der revidierten Fassung sind. So ist die Eintrittsarie des Alfios, mit Chor, viel bewichtiger und gibt der Partie  des Baritons meht Präzens. Das Trinklied des Turiddu ist auch viel länger, eine der Strophen wird mit Lola dargebieten, und der Chor gerät immer mehr in beinahe orgiastische Ausbrüche.

Das Bedeutenste aber ist das Santuzza nicht für Mezzo oder für ein Hochdramatischen Sopran gedacht ist, aber für einen lyrischen, was der Partie eine jugendliche Farbe verleiht ! Wir haben es hier mit einer jungen Frau, nicht mit einer Diva zu tun.

Die Besetzung fügt sich ganz in diese neue Perspektive ein. 

Die Rolle der Santuzza wird von Carolina Lopez Moreno mit jugendlicher Stimme vorgetragen. Ihr lyrische Sopran verfügt über eine wunderbar strahlende Höhe, überzeugt aber auch im tieferen Register. Die Kunst des Legatos und die wunderschönen Nuancen erlauben ihr das rührende Porträt einer liebenden jungen Frau zu gestalten. Da die Sängerin auch Bildhübsch ist und ein feines darstellerisches Gefühl hat kann man ihr eine grosse Karriere voraussagen.

Als die Rivalin Lola, überzeugt Eva Zaïcik mit ihrem leichten Mezzo.

Elisabetta Fiorillo , die eine fabelhafte Karriere hinter sich hat, gestaltet eine tragische Mamma Lucia, ohne je ins pathetische zu entgleisen. Die Stimme ist immer noch schön timbriert und die Ausprache hervorragend.

Giorgio Berrugi gestaltet Turiddu mit seinem schönen, strahlenden Tenor, weiss aber auch den Nuancen der Partie völlig gerecht zu werden.

Alfio wird von Domen Krizaj tadellos vorgetragen. Seine schöne Baritonstimme entfaltet sich in der Rolle, die hier viel gewichtiger ist als in der üblichen Fassung. Sein Alfio ist nicht der brutale Fuhrmann den man gewohnt ist sondern ein junger, verliebter und betrogener Mann.

Thomas Hengelbrock kostet jede Nuance der Partitur aus, die sehr geschickt orchestriert ist und nichts mit manchen Grobheiten eines falschen Verismo zu tun hat. Das grossartig spielende Balthasar Neumann Orchester ist total im Einklang mit dem Dirigenten, sowie der tadellos singende Balthasar Neumann Chor der die heiklen Stellen dieser Fassung völlig meistert.

Um das Gewicht der katholischen Kirchen in Sizilien zu unterstreichen, hat Thomas Hengelbrok das Credo der « Missa di Gloria » von Puccini vor Beginn der Oper dirigiert. Es ist sicher nicht das Beste was Puccini geschrieben hat und war eigentlich überflüssig, trotz der schönen Darbietung des Tenors.

Man kann nur wünschen das die Opernhäuser die Originalfassung des Werkes in ihren Spielplan aufnehmen werden.

Jean-Claude Hurstel

Festspielhaus Baden-Baden Freitag, den 11 November 2022
PIETRO MASCAGNI

Une direction sobre et colorée

Lors du récent concert de l’OPS les 13 et 14 octobre derniers, deux œuvres de Tchaïkovski, le grand poème symphonique de jeunesse Roméo et Juliette et la cinquième symphonie encadraient Schlomo, la symphonie hébraïque du compositeur suisse Ernest Bloch.


Ernest Bloch en 1917

Outre la beauté de toutes ces œuvres, la venue du jeune Edgar Moreau pour la partie violoncelle de Schlomo et l’interprétation de Tchaïkovski par Aziz Shokhakimov, le directeur musical de l’orchestre, rendaient la soirée particulièrement attirante. Elle fut captivante d’un bout à l’autre. L’atmosphère tour à tour recueillie et poignante de Schlomo, partition écrite en pleine première guerre mondiale, fut restituée avec beaucoup de tact et de mesure, tant chez le soliste que du côté de l’orchestre. En harmonie avec la direction sobre et colorée du chef, le son du violoncelle s’est montré d’une grande plénitude, d’un archet fin, dense mais sans la moindre lourdeur ; la corde grave de l’instrument étant, il est vrai, très peu sollicitée dans cette partition. Offerte en bis le premier soir, la sarabande de la troisième suite pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach sous les doigts d’Edgar Moreau sortait de l’ordinaire : habitée, concentrée en même temps que très pudique, avec un son ténu, proche de celui d’une viole de gambe. Magnifique.

De nombreux micros flottaient au-dessus de la scène pour capter les deux œuvres de Tchaïkovski, en vue d’une publication prochaine chez Warner. Bien qu’originaire d’une ancienne république soviétique (l’Ouzbékistan), Shokhakimov ne les inscrit pas vraiment dans la grande tradition russe, celle mélancolique et tempétueuse d’un Svetlanov, ou d’une noirceur hautaine comme chez Mravinsky. Dès Roméo et Juliette et plus encore dans la cinquième symphonie, on entendit un orchestre ménageant de beaux contrastes entre lumière et notes sombres, sans que celles-ci ne prennent jamais le dessus. Somme toute une interprétation aussi intéressante qu’inattendue, retrouvant, à sa manière, une école française de la clarté et de la mesure, comme jadis les chefs Pierre Monteux, Paul Paray ou Alain Lombard qui nous ont tous laissé de beaux témoignages dans ce répertoire. Avec Shokhakimov, l’allegro final sonne comme une victoire indiscutable sur les forces hostiles qui assombrissent les deux premiers mouvements. Le jeu d’orchestre, de grande allure, témoigne d’un bon travail en répétition et d’une belle entente entre chef et musiciens.

                                                                 Michel Le Gris

Valentin Silvestrov, le chant des héros

Le 6 mars 2022, accompagné de sa fille et muni d’une simple valise remplie de partitions, le compositeur ukrainien Valentin Silvestrov, 84 ans, a pris le chemin de l’exil. Celui qui, en dehors de son pays, n’était connu que de mélomanes avertis, a depuis acquis une nouvelle dimension, notamment grâce à sa Prayer for Ukraine interprétée partout dans le monde.


A l’occasion de son 85e anniversaire sort Maidan, certainement l’une de ses plus belles œuvres résumant près de soixante ans de création. « Je le considère comme l’un des plus grands compositeurs de la seconde moitié du 20e siècle et de notre époque » affirme ainsi le pianiste russe Nikita Mndoyants, réfugié en France. Maïdan est un cycle de chants interprété par le chœur de chambre de Kiev et composé en hommage à cette place de Kiev qui constitua l’épicentre de la révolte de 2014 contre l’influence russe et se solda par une répression sanglante d’un pouvoir ukrainien alors prorusse. Dans cet enregistrement inédit puisque l’œuvre n’a été donnée qu’en Ukraine, Silvestrov, grâce à l’introduction du tocsin du monastère Saint Michel de Kiev et d’intonations liturgiques, construit une œuvre possédant une dimension sacrée extrêmement puissante et tisse une martyrologie musicale autour des héros de Maïdan, prolongeant ainsi sa réflexion entamée avec Diptyque. La musique se trouve également transcendée par les mots du poète Pavlo Chubynsky, eux-mêmes à l’origine de l’hymne ukrainien. L’atmosphère ainsi déployée est saisissante de beauté et d’émotion.

Auteur d’une production conséquente qui va de la musique symphonique à la musique de chambre, du répertoire sacré à la musique de films notamment ceux de Kira Mouratova, Valentin Silvestrov navigua entre de nombreux esthétiques : musiques tonale, atonale, dodécaphonique sans pour autant verser dans le polystylisme d’un Schnittke. Chez Silvestrov qui tire ses influences d’un Scriabine et d’un Chostakovitch, il y a la notion fondamentale de la prolongation, d’étirement du son, comme un chant qui vient à se réduire. Comme un infini qui ne semble jamais devoir s’arrêter. Comme quelque chose de tellurique traversant le cosmos. Cela est particulièrement saisissant dans ses œuvres symphoniques pour piano et orchestre Postludium et Metamusik dédiées au pianiste russe Aleksei Lioubimov, dont l’interprétation d’une œuvre de Silvestrov à Moscou fut interrompue par la police en avril dernier. Le pianiste ne dit pas autre chose concernant Silvestrov: « ce compositeur est l’auteur d’un cosmos unique en son genre, doté de ses propres thèmes et avant tout d’une pensée, d’un langage et d’une écriture propres ». Ce fameux cosmos se retrouve ainsi dans ces deux œuvres où orchestre et piano entrent dans une fusion stupéfiante. « Pour moi, il s’agit d’une musique absolument magnifique avec une telle esthétique faite de nouvelles harmonies brillantes et transparentes, une musique très sophistiquée en termes de texture, de rythme et d’orchestration » poursuit Nikita Mndoyants.

Le chant est ainsi à la base de tout chez Silvestrov. Il sert à traduire ses visions. Assis devant son piano berlinois, Silvestrov composa Maïdan en chantant. La musique de chambre n’échappe pas à cette force créatrice : « Le chant ne doit pas se détacher du piano mais au contraire émaner, pour ainsi dire, des profondeurs de son timbre » assure le compositeur lorsqu’il évoque Stille Lieder, pièce pour bariton et piano qui constitua un tournant dans son œuvre. Quant à son Requiem pour Larissa dédié à son épouse défunte, il donne le sentiment d’une immense plainte sortie des tréfonds de la terre. Comme dans Maidan, les morts parlent aux vivants. En chantant. Mais avec cette œuvre, la musique de Silvestrov se mue un peu plus en appel à la résistance car « maintenant, après Kiev et l’Ukraine, le monde entier est devenu un Maïdan. »

Par Laurent Pfaadt

A écouter chez ECM New Series / Universal Music :

  • leggiero, pesante, Maacha Deubner (soprano), Silke Avenhaus, (piano), Valentin Silvestrov (piano), Rosamunde Quartet (2002)
  • Metamusik / Postludium, radio symphonyorchestrer Wien, dir : Dennis Russell Davies ; Aleksei Lioubimov piano (2003)
  • Silent Songs / Stille Lieder, Sergey Yakovenko (bariton), Ilya Scheps, piano (2004)
  • Requiem for Larissa, National Choir of Ukraine, National Symphony Orchestra of Ukraine, dir : Volodymyr Sirenko (2004)
  • Maïdan, Chœur de chambre de Kiev, dir : Mykola Hobdych (2022)

Musica

La contrebasse et Joëlle Léandre

Prélude à cette rencontre, le titre au programme de la soirée « La contrebasse m’est tombée dans les mains à l’âge de neuf ans et depuis je tisse sans cesse des histoires, des liens, des aventures, en totale liberté, avec le feu qui est en moi, c’est ainsi… »


C’est aussi comme le début de ce grand moment pendant lequel nous aurons le bonheur de l’entendre nous parler de sa vie et de la voir jouer.

Il s’agit pour elle de mettre l’accent sur la transmission comme elle le montre en commençant ce concert en jouant avec deux jeunes élèves contrebassistes de l’école des Arts de Schiltigheim, Ambre Rogez et Aude Muller, elle-même se présentant en petite fille avec nattes et socquettes blanches !

Sa présence est un immense cadeau, celui qu’elle nous fait de sa vie, qu’elle nous confie comme un viatique, un témoignage de ce que c’est de fabriquer sa vie, ce qui doit être le projet de chacun. Qu’il s’en rende compte ou non il le réalisera forcément, affirme cette battante car c’est cela « vivre ». Elle ajoute que le degré de conscience qu’on en a peut varier mais qu’il est fondamental et en perpétuel réalisation.

C’est sur son propre parcours qu’elle s’appuie pour transmettre cette leçon de vie et c’est avec   humour, lucidité, simplicité qu’elle nous en conte les péripéties, depuis son enfance de fille de prolétaire, son désir de faire de la musique si évidente qu’il lui a permis de vaincre tous les obstacles jusqu’à cet attachement à la contrebasse avec lequel elle a fait sa vie.

De sa découverte du jazz, elle en parle avec enthousiasme, de l’improvisation qui lui est lié et qui, pour elle, signifie le partage, l’absence de hiérarchie, l’humain.

Ce récit captivant et dont elle souligne l’importance comme moyen de transmission était ponctué de deux très beaux moments musicaux, l’un en trio où elle accompagne avec le batteur Edward Perraud la chanteuse Lauren Newton et l’autre avec le guitariste Serge Teyssot-Gay.

Sa façon simple et généreuse de nous faire connaître son lien indéfectible entre la musique et sa vie nous a vivement touchés.

Marie-Françoise Grislin

Musica au TJP le 26 septembre

Noir sur Blanc

Conçue et mise en scène par Heiner Goebbels,  c’est une œuvre originale mais pas récente puisqu’il l’a  créée en 1996  en s’ inspirant d’un texte  d’Edgar Allan Poe « Shadow » que lui avait conseillé Heiner Muller où il est question  d’un groupe de survivants qui résiste à la peste qui sévit au dehors grâce à une solide porte d’airain. Mais les choses se compliquent, d’abord désorganisés, il faudra être ensemble pour faire face. Il s’agit donc d’une parabole sur la nécessité du collectif.


Après une entrée dispersée, les musiciens s’installent, dos tourné au public sur les rangées de bancs alignées sur le plateau. Bientôt, certains dressent une grande plaque métallique, à côté de la grosse caisse et voilà que d’autres se mettent à y envoyer des balles de tennis ce qui déclenchent de bien sonores tambourinages. Alors tous se mettent à jouer avec conviction. Les dix-huit musiciens de l’Ensemble Modern n’en sont pas à leur coup d’essai puisqu’ils ont été là dès sa création. Pendant que les musiciens sans se départir de leurs instruments vont et viennent, escaladant parfois les bancs, s’éclipsant, pour revenir sans autre forme de procès, un lecteur redira à plusieurs reprises ces mots extraits de « L’ombre » de Poe : « Vous qui me lisez, vous êtes encore parmi les vivants mais moi qui écris je serai depuis  longtemps parti pour la région des ombres ». Après divers moments où chacun semble poursuivre son projet, tous se retrouveront pour aller jusqu’à jouer en fanfare.

La musique est bel et bien théâtralisée, les musiciens n’hésitant pas à participer à la mise en place de certains éléments du décor.

Le spectacle est plein de surprises et nous laisse parfois interloqués mais on s’abandonne au plaisir de voir et d’entendre des interprètes aussi créatifs, autant comédiens que musiciens.

Marie-Françoise Grislin 

Musica 23 septembre au Maillon