« Le succès des séries Netflix nous fait dire qu’il y a une vraie appétence du public pour le genre »
Elsa Delachair est éditrice chez 10/18, responsable de cette nouvelle collection imaginée avec le magazine Society.
1. Comment est née l’idée de cette nouvelle collection ?
Les éditions 10/18 et Society travaillaient déjà ensemble sur un podcast, appelé « Histoires d’Amérique » consacré au catalogue de la maison : des émissions sur nos grands auteurs (Toni Morrison, Jim Harrison, Richard Price etc). Et quand, à l’été 2020, Society a rencontré un immense succès avec le double numéro sur Xavier Dupont de Ligonnès, nous avons commencé à réfléchir ensemble à cette collection. L’idée était de conserver les Etats-Unis comme territoire d’exploration, mais non plus à travers ses grands auteurs mais plutôt à travers ses faits divers.
2. Les grandes affaires criminelles en livre de poche sont une tradition éditoriale de longue date…
Oui, mais plutôt sous l’angle de la fiction j’imagine. Ou du moins de la reprise en poche de livres qui ont eu un succès en grand format d’abord. Là, la dimension originale du projet tient à l’association d’une maison d’édition à un journal, pour sortir des histoires inédites au prix et au format poche.
3. Les succès de Mindhunter ou de Dahmer sur Netflix plus récemment vous ont-ils convaincu qu’il y avait un regain d’intérêt pour les tueurs en série ?
Notre collection n’est pas une collection consacrée aux serial killers, c’est une collection consacrée aux faits divers, ce qui recouvre beaucoup de type de criminalités. Les serial killers en sont bien sûr un des aspects. Mais sur les 2 premiers livres qui sortent, seul un des deux est consacré à un tueur en série. Le 2e est une histoire d’enlèvement d’enfants et de son traitement judiciaire dans une Amérique patriarcale.
Sur les 4 livres qui paraîtront cette année, seul un est consacré à un tueur. Mais bien entendu, le succès des séries Netflix nous fait dire qu’il y a une vraie appétence du public pour le genre.
4. Votre collection se veut un voyage dans l’Amérique mais également dit quelque chose socialement de ce pays, de sa violence notamment
Cette collection a pour point de départ de cartographier les affaires criminelles d’un pays, immense, complexe et hétérogène. Nous choisissons un fait divers par état, et nous l’explorons grâce à la voix du journaliste qui retranscrits à la fois les faits criminels mais aussi l’ambiance, la géographie, l’histoire des lieux. Il est évident que les faits divers racontent bien plus que le simple crime dont ils sont l’objet : les faits divers sont de véritables reflets sociologiques, politiques, historiques.
5. Vous avez choisi un format assez court, deux cents pages max qui rappellent un peu les romans dits de gare…
C’est une volonté de départ : des livres courts, pas chers, qui se lisent comme des polars. Ils sont construits comme des polars, se lisent rapidement, les chapitres sont calibrés pour être lus en une séquence de lecture minimum. Nous voulions faire une collection grand public et de qualité. Le travail des journalistes est profondément documenté (par des recherches bibliographiques, d’archives, et de terrain également) : c’est une véritable démarche, ils ont d’abord effectué une partie des recherches depuis la France puis sont partis plusieurs semaines enquêter sur les lieux des affaires. C’est donc une approche très sourcée du simple fait que les auteurs soient journalistes. Cela aussi, c’était l’un des points de départ du projet.
6. Pouvez-vous nous dire quels serial killers les lecteurs seront-ils être amenés à croiser dans les prochains numéros ?
Alors, comme décrit plus haut, ce ne seront pas des serial killers à proprement parler. L’Inconnu de Cleveland, qui paraîtra en juin, s’intéresse à un personnage très énigmatique qui s’est suicidé au début des années 2000 et dont l’identité très trouble et le fait qu’il ait cherché systématiquement à disparaître des radars a conduit les enquêteurs à s’interroger sur le profil de cet homme : que cherchait-il à cacher ? Son histoire, qui se passe en Ohio, nous conduira bien sûr sur les pas d’un tueur très célèbre.
Et la 4e affaire, qui paraîtra en octobre, s’intéressera à un avocat au-dessus de tout soupçon, accusé du double meurtre de sa femme et de son fils et au procès-fleuve qui vient de se dérouler en Caroline du Sud.
Laurent Pfaadt