L’Olympe sur le Rocher

Le Grand Prix de Monaco fête sa 80e édition

Le Grand Prix de Formule 1 de Monaco a toujours été un grand prix à part. Le plus beau. Le plus prestigieux. Il constitue un rêve, un tournant dans la carrière de chaque pilote. Tous les pilotes et directeurs de course vous le diront. Il est « le plus glamour de l’année, l’un des plus techniques aussi » estiment ainsi Daniel Ortelli et Antoine Grenappin dans leur très beau livre. Toutes les légendes de la Formule 1 se sont illustrées ici : de José Manuel Fangio à Sergio Pérez, dernier vainqueur et premier mexicain en passant par Niki Lauda, Jackie Stewart, Ayrton Senna qui détient le record de victoires (6) notamment celle du « tour parfait » en 1988 selon ces mêmes auteurs et Michael Schumacher. Le GP de Monaco a ainsi vu triompher des pilotes d’exception.


Le Grand Prix de Monaco de 1982 connut quatre changements de leader dans les quatre derniers tours avant la victoire de Patrese qui était pourtant parti à la faute à deux tours de la fin

Pendant longtemps, il est demeuré le seul circuit urbain avant d’être rejoint par Djeddah, Bakou et Singapour. Extrêmement exigeant, il requiert une attention de tous les instants pour dompter un tracé « hors-norme et jusqu’à ces dernières années il ne ressemblait à rien d’existant. Rouler dans les rues étroites de la Principauté au volant d’une F1 est un exercice de fou, quasi impossible à faire » estime ainsi le journaliste de l’Equipe spécialiste de Formule 1, Frédéric Ferret. La moindre erreur de pilotage peut être dramatique et il est extrêmement difficile de dépasser. Si bien que les positions sur la grille de départ déterminent souvent le classement à l’arrivée.

Si Ferrari, vainqueur à dix reprises mais une seule fois ces vingt dernières années avec le quadruple champion du monde, Sébastien Vettel, rêve de glaner cette année un nouveau trophée, le Grand Prix de Monaco ressembla surtout à une promenade des Anglais ou plutôt de britanniques avec, sur la piste, des légendes comme Graham Hill, Stirling Moss qui offrit la première victoire en Formule 1 à une Lotus en 1960, Lewis Hamilton et dans le paddock avec McLaren et ses quinze victoires.

Côté français, Maurice Trintignant dit « Petoulet » fut le premier Français de l’histoire de la Formule 1 à gagner ici un Grand Prix comptant pour le championnat du monde au volant d’une Ferrari 625, exploit qu’il renouvela en 1958. D’autres français ont suivi : Jean-Pierre Beltoise, Patrick Depailler et Olivier Panis sans oublier bien évidemment Alain Prost qui triompha sur le Rocher à quatre reprises. Mais la légende du Grand Prix de Monaco s’écrivit aussi dans le sang, celui d’accidents restés célèbres, de Lorenzo Bondini en 1967, mort dans l’explosion de sa Ferrari, à Karl Wendlinger en 1994.

A Monaco où le spectacle est à la fois sur la piste et dans les tribunes, le Grand Prix a très vite inspiré nombre d’auteurs et de créateurs. En 1966, John Frankenheimer mit en scène dans Grand Prix Yves Montand, James Garner et Eva Marie Saint sur le mythique circuit avec des cameo de Fangio, Hill, McLaren ou Brabham. En 1971, Roman Polanski signa un documentaire sur Jackie Stewart, vainqueur à trois reprises. Son Weekend of a champion en 1972 dépeint parfaitement l’excitation et le danger qui règnent sur le circuit. Tony Stark, le personnage de Marvel, créateur d’Iron Man participa même sous les traits de l’acteur Robert Downey Jr à la course dans le film Iron Man 2 (2010).

Si le 7e art célébra le Grand Prix, le 9e ne fut pas en reste notamment avec Jean Graton, le génial créateur de Michel Vaillant. Le Grand Prix de Monaco est ainsi présent dans de nombreux albums, du célèbre Pilote sans visage (1960) à L’Epreuve (2003) en passant par L’honneur du samouraï (1966) ou Champion du monde (1974). Il lui consacra même un album spécifique devenu culte, Panique à Monaco, paru en 1957. Avec son inoubliable couverture figurant la sortie de piste de la Vaillante d’Hervé Regout, le coéquipier de Michel Vaillant, l’album raconte l’histoire d’un mystérieux maître chanteur menaçant de faire exploser une bombe s’il n’obtient pas les trois millions de francs exigés. D’ailleurs Denis Lapière, le scénariste de la nouvelle série en convient : « Le circuit de Monaco est le préféré de Michel Vaillant. Il est tellement dessingénique ! Tellement particulier. On fait deux cases et les fans savent immédiatement de quel circuit on parle. C’est le plus graphique de tous, ça monte, ça descend, ça tourne ».

Rendez-vous de la jet-set et de personnalités en tout genre, le Grand Prix est aussi cet instant, ce lieu où le monde et ceux qui l’influencent se donnent rendez-vous et se croisent dans le paddock ou sur les terrasses des restaurants étoilés pour assister au spectacle, un verre de champagne à la main, de vingt hommes frôlant la mort comme dans l’amphithéâtre de la Rome antique. Alors lorsque les feux rouges s’étendront comme un pouce impérial tourné vers le bas, ils seront vingt à rêver d’inscrire leur nom dans la légende d’une course à nulle autre pareille qui, depuis quatre-vingts éditions, continue toujours autant de faire rêver le monde entier. 

Par Laurent Pfaadt

A lire :

Daniel Ortelli et Antoine Grenappin, Histoire de la Formule 1, de Jim Clark à Fernando Alonso, préface de Bernie Ecclestone, nouvelle édition, Casa éditions, 232 p.

Jean Graton, Panique à Monaco, Jean Graton éditeur, Dupuis, 48 p.

A voir :

John Frankenheimer, Grand Prix (1966)

Drive to survive, la série Netflix, en particulier les épisodes qui reviennent sur la victoire de Daniel Ricciardo et l’abandon de Charles Leclerc