Madrigals

Une pièce étonnante qui nous a remplis d’un vrai bonheur intérieur, ravivant en nous la joie de vivre. Elle nous vient de Belgique où elle a été créée au Toneelhuis d’Anvers en janvier 2002. 


Elle est l’œuvre de Benjamin Abel  Meirhaeghe, un jeune auteur belge, né en 1995, qui a déjà acquis une solide réputation de créateur  inventif, original dans le monde  du théâtre musical.

Quand une déchirure apparaît sur le rideau de scène c’est pour laisser entrevoir des profondeurs sombres comme celles d’une grotte primitive sillonnée d’éclairs et remplis de fumigène (Scénographie et lumière Zaza Dupont) une silhouette de femme qui s’avance, nue vers nous, accompagnée de sons grondants, pour nous,  inviter à réfléchir sur nous puis d’une manière surprenante elle se met à émettre des sons avec une voix suraiguë.

Le rideau s’ouvre, le plateau est envahi bientôt par un groupe de jeunes comédiens-danseurs, quatre filles et quatre garçons (Hanako Hayakawa, Alice Giulani ,Els Mondelaers, Lucie Plasschaertghouti, Khaled Baghouti, Clément Corillon, Victor Dumont, Antonio Fajardo)  qui se poursuivent, virevoltent, pleins d’aisance dans leur costume de corps nus soulignés d’une ceinture noire, support de leur micro. Rencontres par deux, par trois, par petits groupes. On s’enlace, s’embrasse, s’affronte, « le combat de Tancrède » n’y est pas pour rien superbement chanté à pleine voix par l’un des leurs et puis on se disperse, s’éparpille. On court parfois, on saute parcourant l’espace avec fougue, ou bien on s’affale sur le sol. Toute gestuelle se pratiquant avec élégance, grâce, spontanéité comme dans une improvisation de rencontres intempestives. Il n’y a pas de temps morts mais des plages de silence qui succèdent au chant, à la musique qu’interprètent en live les trois musiciens, Pieter Theuns, théorbe, Rebecca Huber, violon, David Wish, violon, et Wouter Deltour à l’électronique, installés, côté cour en fond de scène.

C’est à eux que revient d’interpréter les extraits de la musique de Monteverdi pour les « Madrigali  guerrieri et amorosi » que le compositeur italien écrivit en 1638, les partitions étant arrangées par le compositeur Doon Kanda qui les agrémente de sons électroniques et la direction  musicale signée Wouter Deltour.

Après s’être égarés, on se rassemble, on se retrouve autour de ce feu primitif, accroupis, allongés, parfois dans une tendre proximité et l’on chante, un s’improvise guitariste pour un accompagnement discret, clin d’œil, ici au feu des hommes préhistoriques, au feu de camp des scouts et l’on suit cela avec amusement et petit pincement au cœur.

Les intentions du metteur en scène et de sa dramaturge Louise van den Eode de rapprocher les époques et les arts, la musique, le chant, la danse, et même la peinture avec ces tableaux qui descendent des cintres, sans oublier les jeux de lumière avec entre autres ce porteur de faisceaux laser qui viennent éblouir jusqu’aux spectateurs, leur volonté de s’éloigner du conventionnel et de l’académisme se manifestent avec pertinence et de façon incontestablement ludique.

C’est un moment d’une grande intensité émotionnelle et joyeuse quand, au final ils entonnent en chœur le chant qui les montre encore tous rassemblés  devant nous qui avons hâte de les applaudir.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 12 mai 2023 au Maillon