Mariss Jansons, une vie de héros

Plus de deux ans après sa disparition, un coffret monumental
revient sur la carrière du célèbre chef letton à la tête de l’orchestre
symphonique de la radio bavaroise

Une vie de héros. Eine Heldleben comme le nom du poème
symphonique de Richard Strauss. La vie du chef d’orchestre letton a
fini par se confondre avec la musique qu’il interpréta et notamment
avec ce Strauss qu’il affectionnait tout particulièrement. Ce Strauss
que l’on retrouve dans ce coffret monumental réunissant la quasi-
totalité des enregistrements que Jansons réalisa à la tête de
l’Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise
(Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks) qui fut, peut-être
avec le Concertgebouw d’Amsterdam, « son » orchestre.

Avec le Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Mariss
Jansons transcenda quelques grandes pages du répertoire. Son cycle
des symphonies de Beethoven en 2012 reste encore aujourd’hui
l’une des versions de référence. Bruckner, Mahler ou Chostakovitch
attestent également avec force de sa grande compréhension et de
son incroyable sensibilité à l’égard du répertoire post-romantique et
contemporain. La version de la 8e symphonie de Mahler présentée
ici est d’une beauté à couper le souffle. Œuvre monumentale, totale,
cette interprétation inédite parmi les quinze que compte le coffret,
résonnera longtemps aux oreilles des auditeurs. Sa 10e d’un
Chostakovitch qui figura à l’affiche de l’un de ses derniers concerts
parisiens et imprégnée de son expérience auprès du grand
Mravinsky à Leningrad, dévoile avec fracas ce message qui doit faire
« appel aux sentiments humains les plus profonds ».

Ce coffret très complet permet également d’apprécier le chef dans
un répertoire qu’on ne lui associait peut-être pas immédiatement
comme ce très beau War Requiem de Benjamin Britten avec Emily
Magee et Mark Padmore ou encore Haydn. Soucieux également de
valoriser la création contemporaine, les disques consacrés à
Wolfgang Rihm, Jorg Widmann ou Rodion Shchedrin permettent à la
fois de comprendre son approche de la création contemporaine et
de l’inscrire dans une histoire de la musique plus longue.

Mariss Jansons se montra également à l’aise dans le répertoire
sacré, du Requiem de Mozart à la Berlin Mass d’Arvo Pärt eux-aussi
inédits en passant par la Messe n°3 de Bruckner, la Messa da Requiem
de Verdi ou la plus rarement jouée San Cecilia Messe de Gounod.
Capable aussi bien de sortir le Requiem de Mozart d’un tombeau que
d’élever dans les cieux ce sublime Stabat Mater de Poulenc
transcendée par la voix de Genia Kühmeier, le chef letton s’est
souvent entouré des plus belles voix de la planète – Anna Prohaska,
Mia Persson, Gerhild Romberger ou Anja Harteros – qu’il s’évertua à
mettre à l’honneur dans ses concerts. Il faut donc écouter et
réécouter, encore et encore, les enregistrements de Mariss Jansons,
pour se pénétrer du message de ce chef unique, ce héros ayant
désormais rejoint le Walhalla des musiciens d’exception.

Par Laurent Pfaadt

Mariss Jansons, The Edition, Chor & Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, 70 CDs, 72-pages Book, BR Klassik