Mémoires, soldat jusqu’au dernier jour

« L’oncle Albert ». C’est ainsi que les soldats de la Wehrmacht et de la
Luftwaffe appelaient Albert Kesselring, peut-être le moins connu
des maréchaux allemands de la seconde guerre mondiale, à l’instar
des von Manstein et Rommel. Avec ces mémoires écrites en
captivité, publiées en France en 1956 et enfin rééditées par
l’entremise de l’historien Benoit Rondeau, l’un de nos plus grands
connaisseurs de cette période historique, il nous possible de
découvrir ce maréchal et surtout d’enrichir notre connaissance des
faits militaires du second conflit mondial.

Chef d’état-major de la Luftwaffe entre 1936 et 1938, ayant joué un
rôle fondamental dans la victoire des troupes de Franco en Espagne,
ce proche d’Hitler sans pour autant être un intime, officia lors de la
bataille d’Angleterre et à l’Est avant de commander la Wehrmacht
en Italie lors du débarquement des troupes alliées en Sicile en juillet
1943. Son nom reste ainsi attaché à la défense de la ligne Gustave
marquée par la fameuse bataille de Monte Cassino dont il souligna
d’ailleurs la vaillance des troupes coloniales françaises ainsi que par
l’abandon de la ville de Rome, déclarée « ville ouverte »

Les annotations de Benoit Rondeau permettent au lecteur de
naviguer avec facilité dans les différents théâtres d’opérations et
réunions d’état-major parfois techniques. Elles permettent de
pénétrer dans le cercle très fermé des hommes qui ont fait, du côté
allemand, la seconde guerre mondiale et de comprendre certains
épisodes complexes telle l’affaire Fritsch, du nom du chef d’état-
major de la Wehrmacht, disgracié en 1938 car homosexuel mais qui,
en réalité, s’opposait aux velléités bellicistes d’Hitler et de Goering.
L’apport de Benoit Rondeau demeure ainsi primordial pour
décrypter les mots d’un homme qui s’est voulu soldat jusqu’au
dernier jour, de ce maréchal pour le moins ambigu qui « n’a pas une
seule fois reconnu le caractère criminel du régime, pas plus qu’il n’a admis
la moindre faille à la « grande » Wehrmacht ». Pas un mot pour la
répression des Juifs à l’Est qui confère presque au déni, justification
de la répression des résistants, on comprend mieux pourquoi « 
l’oncle Albert » était autant aimé de ses troupes. Car jusque devant
le gibet, il n’a pas trahi ses hommes. 

Par Laurent Pfaadt

Albert Kesselring, Mémoires, soldat jusqu’au dernier jour,
édition présentée et annotée par Benoît Rondeau
Chez Perrin, 576 p.