Portzamparc, dompteur de rêves

L’architecte français se raconte à travers ses œuvres

Suzhou (© Christian de Portzamparc)
Suzhou (© Christian de Portzamparc)

Lire un artiste
raconter son œuvre
est toujours
fascinant. Que l’on
soit clairement dans
l’hagiographie
importe peu car le
lecteur, séduit ou
agacé, est à chaque
fois embarqué dans un voyage unique.

Avec ce livre en forme d’album de souvenirs qui constitue autant
une monographie qu’une réflexion sur la création, Christian de
Portzamparc nous fait ainsi pénétrer dans le secret de son intimité.
Premier français à avoir remporté le Pritzker Prize – le Nobel de
l’architecture – en 1994, l’auteur de la tour LVMH de New York, du
siège du journal Le Monde et du palais des congrès de Paris se
raconte au fil des pages et détaille ses différents projets sur plus de
quarante ans, de la tour verte Noisiel au projet du Parlement
algérien.

« L’itinéraire est inconnu, la raison et le rêve se répondent et se
provoquent comme si chacun voulait décider »
écrit Portzamparc en
ouverture de l’ouvrage. Et à force de tourner les pages, on se rend
bien compte que le rêve a souvent remporté la partie. Est-ce la
raison qui a gagné la partie dans ce projet du Broad Art Foundation
Museum représentant deux grands vers tirés du roman Dune de
Franck Herbert ? Certainement pas. Ici, dans la Tour 57 à New York,
c’est clairement le rêve qui l’a emporté quand on admire cet éperon
d’argent dressé vers le ciel et qui abrite certainement un super-
héros sorti d’un comic book. Là encore, dans le centre culturel de
Suzhou, la rêve a réussi à faire prévaloir son avantage, tiré comme le
rappelle l’auteur, d’un « roman d’anticipation ». Ici enfin au musée
Hergé, c’est assurément le rêve qui a raflé la mise en construisant
une bande dessinée de béton.

On ne se lasse donc pas de lire Christian de Portzamparc raconter
ses exploits architecturaux. Le classement chronologique permet
aussi de mesurer son évolution artistique, à la manière d’un
compositeur changeant de style à partir de fondamentaux dont le
fameux îlot ouvert et représentés sous forme de pastels,
d’acryliques, de maquettes et surtout de ses innombrables dessins.
D’ailleurs, ces derniers, « ces faux amis les plus intimes », ne sont pour
lui que des partitions musicales qui attendent, à la manière de
symphonies, d’être jouées sur le chantier. Alors Portzamparc
musicien ? La Cidade des Arts à Rio de Janeiro, la Philharmonie de
Luxembourg, la Cité de la musique de Paris, les projets de la
Philharmonie de Paris et du centre culturel de Suzhou laissent à
penser que oui.

L’ouvrage permet également de découvrir des réalisations et projets
moins connus comme « le saut de l’antilope », ce complexe culturel et
économique de la future ville angolaise de Kilamba Kiaxi avec ses
grands arcs protégeant de la pluie et du soleil, ou l’extension en mer
de la Principauté de Monaco proposée en compagnie des deux
autres géants de l’architecture, Rem Koolhaas et Frank Gehry. Mais
surtout, Kilamba Kiaxi et Monaco replacent l’architecte dans son
rôle fondamental, celui d’éclaireur de l’humanité qui, à travers ses
rêves, permet aux nouvelles sociétés de voir le jour. Avec ce
magnifique ouvrage, on comprend mieux que Christian de
Portzamparc appartient à ces hommes qui, de Filippo Brunelleschi à
Alejandro Aravena en passant par Frank Lloyd Wright ou Renzo
Piano ont changé à jamais la vie des hommes.

Christian de Portzamparc, les dessins et les jours,
« l’architecture commence toujours avec un dessin »
,
Somogy éditions d’art, 2016

Laurent Pfaadt