Vers l’infini et au-delà

Le nouveau roman de Kim Stanley
Robinson part à la conquête de
planètes au-delà du système
solaire. Toujours aussi fascinant.

Mars a été terraformée, non sans
peine. Puis est venu, en 2312, le
système solaire. Mais l’humanité,
lancée dans une course
technologique sans fin et mue par
un désir toujours plus grand de
colonisation, d’exploration, est
allée au-delà.

L’ouvrage suit les péripéties de Freya, partie avec ses parents vers
Aurora, cette lune d’une planète extrasolaire située dans le
système de Tau Ceti. Avec sa mère, Devi, ingénieur en chef du
vaisseau et leader de ces 2532 colons, et dont le destin finira par
se confondre avec celui de sa fille  – Devi, malade, ne verra jamais
Aurora – Freya accompagne le lecteur tout au long de cette
expédition partie depuis cent soixante-neuf années puis durant
l’installation de ces colons repartis de zéro dans ce nouveau
monde. Sorte de mémoire de l’ancien monde, Freya va alors
s’imposer comme le leader de cette nouvelle humanité. Non sans
mal.

Car Freya n’est pas sa mère. Moins brillante que cette dernière,
elle n’en demeure pas moins plus humaine. Mais l’humanisme est
ici, dans ce vaisseau, une faiblesse, un retard mental. En tout cas
pour sa mère. La technicité a été érigée au rang de valeur
suprême, de principe de gouvernement comme en témoigne les
conversations passionnantes de Devi avec l’IA du vaisseau. Le
voyage a imposé une discipline justifiant la confiscation des
libertés. Le succès de l’expédition fut à ce prix. Une fois de plus,
derrière la prose de Robinson, se cache la proportion humaine non
seulement à créer des régimes liberticides mais à les adapter à
n’importe quel environnement. Avec en miroir, la propension de
l’homme à combattre les injustices qu’il a généré.

Avec Aurora, Kim Stanley Robinson poursuit son œuvre
d’anticipation, celle qui nous laisse entrevoir d’ici à un demi-
millénaire – un battement de cils à l’échelle de l’histoire – notre
futur. Il fait le pari que non seulement, nous découvrirons d’autres
formes de vie – les dernières découvertes d’eau sur la planète
extrasolaire K2-18b constituent un preuve supplémentaire – mais
surtout que nous irons à la conquête de ces galaxies et ces terres
qui, aujourd’hui, nous semblent totalement inatteignables.
L’œuvre de Robinson peut apparaître de prime abord abstraite et
la vision de l’écrivain fortement teintée de cette volonté anglo-
saxonne de conquête des nouvelles frontières que l’on retrouve
dans nombre de romans et de séries, semble éculée. Il n’empêche
qu’elle interpelle sur la capacité qu’a l’être humain de s’adapter et
de se réinventer et montre que l’histoire humaine, en dépit de
toutes les prophéties auto réalisatrices, se poursuivra.

Par Laurent Pfaadt

Kim Stanley Robinson, Aurora,
Chez Bragelonne, 480 p.