Le jour où Kennedy n’est pas mort

Ils ont été nombreux à le faire
mourir sous les balles de la mafia,
du FBI ou des Cubains. Le maître
du roman fantastique a même
tenté de remonter le temps pour le
sauver. 22 novembre 1963 : le
cortège présidentiel traverse
Dallas lorsque des coups de feu
retentissent et…JFK sort
miraculeusement indemne de cet
attentat. Au même moment, Mitch
Newman, un journaliste apprend le
soi-disant suicide de son ex-petite
amie, Jean, qui, curieusement
enquêtait sur la famille Kennedy et notamment sur les
malversations qui ont permis à JFK d’être élu. Mitch part alors sur
les traces de ce crime et ce qu’il trouve va le conduire bien au-delà
d’un simple suicide.

Il faut tout le talent de conteur de R.J. Ellory, grand maître du
polar pour conduire avec maestria le lecteur dans les entrelacs de
cette uchronie. En lisant ce page-turner qu’on ne lâche qu’à regret,
on se retrouve plongé dans une ambiance à la James Ellroy avec ce
crime qui s’insinue partout, jusqu’au plus haut sommet du pouvoir.
Dans les coulisses de ce dernier où règne un Bobby Kennedy tout
puissant, tous les coups sont permis pour permettre à JFK d’être
réélu et surtout pour effacer les traces des addictions de ce
dernier. Mais un grain de sable va faire dérailler la machine…
Histoire revisitée, conspiration, manipulation, crimes, face cachée
de l’icône Kennedy, le cocktail parfait pour une lecture sous le
soleil brûlant de Dallas et de ses fantômes…

Par Laurent Pfaadt

R.J. Ellory, Le jour où Kennedy n’est pas mort,
Chez Sonatine éditions, 432 p.

Mohamed Ali Kinshasa 1974

Poursuivant sa série entamée
avec Capa, Mc Curry et
Cartier-Bresson, les éditions
Dupuis ont investi le champ
du noble art afin de croquer
l’un des plus grands matchs de
boxe du 20e siècle, celui qui
opposa George Foreman,
champion du monde des poids
lourds à son insaisissable
provocateur et challenger :
Mohamed Ali.

C’est un photographe iranien, Abbas, mort en mars 2018, qui
immortalisa le combat du 30 octobre 1974 dans le stade de
Kinshasa et que la postérité allait retenir sous le nom de « Rumble
in the jungle »
, le « combat dans la jungle ». Ses photographies
mythiques désormais propriétés de l’agence Magnum, partenaire
de cet album, dessinent littéralement le film du combat tandis que
les crayons des auteurs offrent des instantanés saisissants.
Cependant, comme le rappelle Jean-David Morvan, à nouveau
scénariste de ce nouvel opus dans la passionnante histoire de
l’aventure de ce roman graphique : « ne jamais redessiner une photo
telle quelle, ne jamais la recadrer, ne jamais placer une bulle ou un pavé
de texte dessus. Ce serait tuer la force de l’image »

Le lecteur suit ainsi les pas d’Abbas à Kinshasa, son histoire ainsi
que celle du combat, qui prennent forme sous la plume du
dessinateur argentin Rafael Ortiz dont la talentueuse approche de
sujets historiques n’est plus à prouver. Son trait nerveux, tout en
rupture, trouve ici une incroyable résonance avec l’univers de la
boxe. Nulle trace de sang mais plutôt une atmosphère à couper au
couteau, étouffante à souhait avec une longue montée en
puissance de la tension au fil des rounds, entrecoupée de
flashbacks qui plongent dans l’enfance des deux boxeurs ou dans
les combats politiques d’un Cassius Clay devenu Mohamed Ali.
Les personnages gagnent en densité et la dramaturgie s’en trouve
renforcée. L’alchimie entre photos et dessins, entre réel et
inconscient opère immédiatement et ne cesse qu’au huitième
round après un ultime battement d’ailes du papillon de Louisville.
Foreman ne s’en relèvera pas. Quant au lecteur, il restera
longtemps sonné.

Par Laurent Pfaadt

Magnum Photos : Mohamed Ali Kinshasa 1974,
Abbas-JDMorvan/Rafael Ortiz,
Parution Dupuis, 136 p.

Roberto Forès Veses

L’orchestre national
d’Auvergne gagne
indiscutablement à
être connu comme
en témoigne ce
disque d’une
profonde densité
consacré à deux
compositeurs
majeurs de la
seconde école de
Vienne (Berg,
Webern) et à Franz
Schreker. Avec
l’exigeante suite lyrique de Berg comme point d’orgue, l’orchestre,
sous la conduite de son chef, Roberto Forès Veses qui, depuis son
prix au concours Svetlanov en 2007, n’a eu de cesse de confirmer
son talent et de l’insuffler aux orchestres qu’il a conduit, confirme
toute sa qualité d’interprétation.

Dans cette pièce emblématique de la période dodécaphonique
d’Alban Berg, l’orchestre est resté fidèle à la nature originelle de
l’œuvre, à savoir le quatuor à cordes pour en tirer, avec ses cordes
tranchantes, haletantes, toute la quintessence. Grâce à une
magnifique prise de son, cette interprétation plonge
immédiatement l’auditeur dans la noirceur mélodieuse de cette
queue de comète mahlérienne. La lumière viendra de Webern dont
le Langsamer Satz apporte une douceur inouïe sans pour autant
verser dans un pathos qui la caricaturerait. Avec Schreker et ses
magnifiques violoncelles en guise d’apothéose, l’orchestre national
d’Auvergne nous a, pour quelques temps, transporté dans la Vienne
du début du 20e siècle. En attendant Strauss…

Par Laurent Pfaadt

Berg-Webern-Schreker, Orchestre national d’Auvergne,
Roberto Forès Veses
Chez Aparté