Sophie Taeuber-Arp

Abstraction vivante

Le jeudi 18 mars s’est tenu la conférence de presse en ligne pour
ouvrir la première grande exposition 2021 du Kunstmuseum de Bâle
en présence de son directeur Josef Helfenstein et de la commissaire
Eva Reifert. L’évènement est coproduit avec la Tate Modern de
Londres – qui reprendra l’exposition du 15/07 au 17/10/2021 – et le
Museum of Modern Art de New York – où elle sera présentée du
21/11/2021 au 12/03/2022. Avec les restrictions actuelles, Natalia
Sidlina et Anne Umland, les curatrices de ces musées, n’ont pas fait le
déplacement à Bâle, mais sont intervenues en ligne.
L’envie partagée remontait à une dizaine d’années avec déjà cette
idée de collaboration puisque les trois musées disposent d’un
important fond de l’artiste franco-suisse.

Le travail de Sophie Taeuber-Arp (née en 1889 à Davos) est ancré
dans sa formation en artisanat d’art à Saint-Gall et à l’école
Debschitz de Munich où elle se spécialise en design textile et en
sculpture sur bois. De sa pratique – utilisant une grande variété de
technique et de matériaux – émerge une œuvre transdisciplinaire
qui détourne la forme des objets par ses motifs et une tension vers l’abstraction géométrique qui réfute l’allusion figurative. Le parcours
proposé est chronologique et débute par sa période zurichoise
(1914-26) où elle a aussi enseigné jusqu’au début des années trente.
Beaucoup d’artistes fuyant la guerre y trouvent refuge et le
mouvement dada y voit le jour. Dans son travail, Sophie Taeuber-Arp
ignore les frontières entre œuvre d’art et objet du quotidien :
bourses en perles, coussins, poudriers, marionnettes…
À l’invitation des frères Horn chargés de grands travaux
d’urbanisme à Strasbourg, elle réalise à partir de 1926 la décoration
intérieure de bâtiments privés ou publics (hôtel Hannong, Aubette –
devenue musée) concevant à l’occasion des vitraux ou du mobilier.
Dans les années trente, elle et son mari, l’artiste Jean Arp,
s’engagent aux côtés de l’avant-garde parisienne non-figurative
qu’accueillera la Kunsthalle Basel en 1937 pour l’exposition
Constructivistes avec une contribution importante de Sophie
Taeuber-Arp.
Suite à l’invasion de la France par les nazis, le couple fuit vers le sud
où il s’installe à Grasse. Elle décède accidentellement début 1943
lors d’un séjour en Suisse.

En coproduction avec Narrative Boutique et le soutien du Théâtre
de marionnettes de Bâle et du Museum für Gestaltung de Zurich,
des vidéos produites spécialement pour l’exposition redonnent vie à
ses marionnettes. Elles sont visibles en cours de visite, mais aussi
projetées la nuit sur la façade du bâtiment.
Une visite guidée par Eva Reifert est accessible en ligne en anglais
ou en allemand.

Par Luc Maechel

Kunstmuseum Basel, Neubau
du 20.03 au 20.06.2021
mar-dim 10h-18h (20h le mer)
Commissaires : Eva Reifert, Anne Umland, Natalia Sidlina,
Walburga Krupp

Sur les traces de J.-S. Bach

Quiconque s’intéresse à la musique baroque et à Jean-Sébastien
Bach en particulier ou qui a laissé ses oreilles un peu trop traîner sur
les ondes de France Musique ne peut ignorer Gilles Cantagrel.
Poursuivant une nouvelle fois son idole, il nous convie cette fois-ci à
ce voyage littéraire assez incroyable. A la fois exhaustif et léger,
profond et magnifiquement didactique, Sur les traces de J.-S. Bach se
propose de suivre le cantor de Leipzig à chaque étape de sa vie et de
sa mort. Traversant l’Europe et le temps, l’ouvrage de Cantagrel est
un véritable guide historique et musical qui suit Bach des chapelles
allemandes où il officia jusqu’aux interprétations et
réinterprétations de ses œuvres et notamment la fameuse
Chaconne de la Partita n°2, révélée en 1848 par le compositeur et
violoniste Henri Vieuxtemps en passant par les tribunaux ou les
plaisanteries dont cet aveugle était friand. Sans la lourdeur d’une
biographie réservée aux initiés, Sur les traces de J.-S. Bach n’en
demeure pas moins très complet et permet de répondre aux
questions que nous nous posons tous sur celui qui reste avec Mozart
et Beethoven, l’un des plus grands musiciens de l’histoire de
l’humanité, peut-être même le plus grand.

Fourmillant d’une multitude d’anecdotes fascinantes comme cette
rencontre qui n’eut pas lieu entre Bach et Haendel, « son jumeau
historique, né quatre semaines avant lui » selon l’auteur, Sur les
traces de J.-S. Bach est absolument passionnant. Le lecteur y entre
quand bon lui semble et l’abandonne pour mieux y retourner.
Assurément, le livre de chevet idéal pour tous ceux qui souhaitent
être bercés par les notes d’une suite pour violoncelle ou des
variations Goldberg avant de plonger dans des rêves d’éternité.

Par Laurent Pfaadt

Gilles Cantagrel, Sur les traces de J.-S. Bach,
Chez Buchet et Chastel, 496 p
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