Bergson, le penseur de l’imprévisible

De mémoire d’étudiant, il n’y eut jamais à l’Ecole Normale Supérieure, autant d’esprits aussi brillants. En cette année 1878, rue d’Ulm, se côtoyèrent ainsi Henri Bergson et Jean Jaurès. « La question qui agite la rue d‘Ulm est de savoir qui des deux sortira premier de l’agrégation de philosophie » écrit ainsi Emmanuel Kessler dans sa très belle biographie du philosophe. Bergson sortit second devant Jaurès. Le premier ? Rien de mois qu’Emile Durkheim, le père de la sociologie moderne.


Quelques trente six ans plus tard, le 12 février 1914, quatre mois avant la première déflagration mondiale, l’un des plus grands philosophes de son temps était reçu à l’Académie française, lui le juif, l’immigré polonais qui acquit la nationalité française, qui fit et continue de faire rayonner, à l’instar d’une Marie Curie et d’un Guillaume Apollinaire, la France dans le monde entier.

Ces deux dates rythment ainsi cette biographie récompensée par le prix de la Fondation Chanoine Delpeuch – Académie des sciences morales et politiques en 2022. Mêlant histoire et philosophie, elle emmène son lecteur sur les traces de l’un des plus grands penseurs français du 20e siècle mais surtout elle permet de comprendre ce philosophe fascinant qui a anticipé quelques-uns des grands défis de notre époque, du changement climatique à l’irruption des nouvelles technologies en passant par les réseaux sociaux. Chantre de ce qu’Emmanuel Kessler dénomme « le pari de l’ouverture » , Henri Bergson estimait « qu’une société pacifiée et épanouissante pour les femmes et les hommes qui la composent ne peut se constituer dans le paradigme de la clôture ». S’il faut une clôture à la société, celle-ci doti avant tout définir une volonté plaçant l’humain au centre de la société. Plus qu’une leçon de philosophie, Bergson nous invite avec ce livre à un sursaut.

Par Laurent Pfaadt

Emmanuel Kessler, Bergson, le penseur de l’imprévisible,
Alpha, Philosophie, 352 p.