Cardiff, près de la mer

En lisant les quatre récits du nouveau livre de Joyce Carol Oates, on repense immédiatement au film de Kenneth Lonergan, Manchester by the Sea, près de Boston. Cardiff, elle, est plus au nord, dans ce Maine, terrain de jeu littéraire de Stephen King. Et si Clare, Mya, Alyce et Elisabeth ont remplacé Lee et que se jouent, à travers ces différentes histoires, les drames à rebours d’une violence qui infuse, livre après livre, nouvelle après nouvelle, l’œuvre d’une Joyce Carol Oates toujours prolifique, c’est bel et bien dans l’atmosphère inquiétante du maître du roman fantastique que nous embarque l’auteure.

Dans cette ambiance malsaine, Joyce Carol explore ainsi, telle la brillante archéologue de la psyché qu’elle est, ces instincts qui sommeillent en nous et se réveillent un jour, sans crier gare, et ravagent nos vies. Cette violence qui structure notre passé et se diffuse lentement, années après années dans notre présent, puis oriente notre avenir, constitue ce fil conducteur qui lie ces quatre femmes. L’injustice et la cruauté sont là, tapies dans notre inconscient. Et comme à chaque fois, comme avec chacun de ses personnages, elles reviennent vous détruire quand on s’y attend le moins. Le génie de l’écrivaine transpire alors à chaque ligne, le lecteur ayant, à chaque fois, cette incroyable impression d’être le personnage principal, se voir sa propre histoire mise à nu. Des histoires comme des miroirs que l’on traverse, une mer littéraire dans laquelle chacun se noie avec gêne et plaisir.

Par Laurent Pfaadt

Joyce Carol Oates, Cardiff, près de la mer, récits traduits de l’anglais (États-Unis) par Christine Auché
Chez Philippe Rey, 448 p.