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Aujourd’hui

Les souvenirs ressemblent à ces poussières d’étoiles, ces fragments
de vie qui virevoltent dans l’espace et le temps. Quelques fois, ils
s’agrègent, se reconstituent autour d’un être, étoile perdue ou astre
mort. Ce sentiment, le lecteur le partage immédiatement en
plongeant dans les mots de Dominique Fabre, cet écrivain de la
mémoire.

A travers le retour d’un homme sur les lieux de son passé, à l’ombre
de la carcasse de la gare Saint Lazare, se déploie une symphonie du
souvenir. Ces petits riens, ces choses sans importance, anodines se
rassemblent alors lentement, au gré des pages, pour former une
existence. Le talent de Dominique Fabre est là : transcender des
banalités pour en faire des expériences sensibles. La prose devient
poésie, la standardisation s’efface pour faire de ses personnages
atomisés, des êtres singuliers avec leurs joies, leurs douleurs, leurs
regrets, leurs frustrations. Le dialogue entre Fabrice et le narrateur
dans le café Malesherbes est à ce titre merveilleux.

Comme les étoiles, ses personnages et les rencontres qu’ils font
semblent invisibles. Mais il ne tient qu’à nous, qu’à eux, de lever la
tête vers le ciel pour voir ces mêmes étoiles et s’y raccrocher. Car,
elles sont là à nous attendre. Elles ont, en fait, toujours été là, avec
nous, parmi nous, avec leurs tristesses inavouées et leurs amitiés
bridées. On se trompe souvent mais on s’aime toujours. L’amour et le
chagrin, mirages urbains et émotionnels, guident les vies des
personnages. Il ne tient qu’à nous également d’écouter les
battements de cœur de ces mirages, « comme on épie derrière une
porte la conversation des parents, la conversation des enfants ». Avec ce
merveilleux récit, Dominique Fabre touche du doigt l’essence même
de la littérature : donner une voix à ceux qui n’en ont pas.
Finalement, ce livre est le nôtre. A nous tous. Anonymes ou pas.

Aujourd’hui offre ainsi un miroir au lecteur, celui de profiter de la vie
même dans son apparente laideur quotidienne. Et en ces temps de
crise, c’est peu dire.

Par Laurent Pfaadt

Dominique Fabre, Aujourd’hui
Chez Fayard, 272 p.