Correspondances (1922-1936)

La rencontre en 1918 n’avait laissé
à l’une comme à l’autre aucune
impression particulière. Ils
croisaient tellement de monde à
cette époque. Mais Boris
Pasternak (1890-1960) et Marina
Tsvetaeva (1892-1941) ont,
quelques années plus tard, entamé
des carrières littéraires qui allaient
faire d’eux des géants de la
littérature non seulement russe
mais également de ce 20e siècle
soviétique qui s’employa à les
détruire. Le dialogue devint
épistolaire et la fugacité d’une rencontre se mua alors rapidement
en obsession.

La lecture de cette magnifique correspondance retranscrit
parfaitement cette impression de puissance émotionnelle. De
l’espoir d’une nouvelle rencontre à la crainte d’une éventuelle
entrevue qui viendrait briser la magie des mots, le lecteur passe
ces quatorze années en compagnie de ces deux monstres sacrés.
La beauté de leurs mots où se construisit une passion qui, on le
sent page après page, ne pourra trouver qu’une matérialisation
littéraire, sculpte ainsi un peu plus leurs œuvres respectives. « J’ai
laissé votre lettre refroidir en moi, je l’ai laissé s’ensevelir dans les
décombres de deux jours »
écrivit ainsi Marina Tsvetaeva. Sur les
ruines de cet amour platonique, cette correspondance dessine sur
leurs statues de marbre, ces quelques rides qui leur donnent un
inoubliable supplément d’âme.

Par Laurent Pfaadt

Marina Tsvetaeva, Boris Pasternak,
Correspondances (1922-1936),
aux éditions des Syrtes, 832 p.