Elles vivent « Feu de tout bois »

Antoine Defoort au Maillon

C’est un spectacle qui déclenche le rire et la bonne humeur tant il est
vrai que rire aux dépens des excès, des dérives de notre société fait
du bien au moral.

Tout est parfaitement conçu pour y conduire, ne serait-ce que la
charmante présentatrice (Sofia Teillet) chargée de prendre soin de
notre réception du spectacle, se donnant la peine de nous montrer
par des projections  bien choisies quelques références à noter
comme « les Pokémons » !  De plus, elle tient à nous signaler qu’elle-
même participera au jeu en tant qu’actrice et qu’on pourra la
reconnaître. Ces préliminaires bienveillants nous amusent déjà et
nous font comprendre qu’il  faudra suivre sans se formaliser outre
mesure certaines allusions, certains scoops nécessitant une
interprétation à plusieurs niveaux à l’instar de ce qu’il en est pour les
protagonistes eux-mêmes (Alexandre Le Nours, Antoine Defoort,
Arnaud Boulogne) qui jouent à se représenter dans des situations
surprenantes et à décrypter les tenants et aboutissants des
entreprises plutôt curieuses auxquelles ils s’adonnent.

En effet qu’en est-il de ces deux amis Michel et Taylor qui se
retrouvent dans une forêt après plusieurs années ?  Voilà que sur un
ton naturel et familier ils donnent à connaître ce que furent leurs
principales activités durant ce temps-là. Comme deux potaches ils
ne manquent pas de s’étonner l’un l’autre car l’un a soi -disant passer
trois ans dans un caisson (où ne va-ton pas se fourrer pour faire des
expériences extrêmes ?) pendant que l’autre révèle qu’il a fondé une
sorte de parti politique (c’est d’actualité) Pour confirmer ses dires ce
dernier projette sur l’écran grâce à un appareil très sophistiqué les
images de la réunion fondatrice où chacun est représenté par un
personnage stylisé avec oreilles de chat !

Tout cela ne manque pas de paraître farfelu mais nous nous prêtons
au jeu. On est à la fois dans le comique de geste et de situation. Le
parti créé par Taylor intitulé « La Plateforme Contexte et Modalité »
dont le programme est basé sur la » Magie paradoxale », ne manque
pas d’intriguer fortement Michel. Alors il pose des questions
concernant sa mise en place et son efficacité éventuelle. Ce qui
oblige Taylor à s’engager dans des démonstrations toutes plus
originales et cocasses les unes que les autres comme cette fameuse
« prière du bâton » qui consiste à se munir d’un bâton pris dans la
forêt et lui faire prendre des positions correspondant aux
préoccupations de l’individu qui le tient. Par exemple pour « la
bienveillance  » le bâton est tenu à l’horizontale et l’on penche
amoureusement la tête sur lui, pour l’humilité, on incline la tête sur
le bâton à la verticale…

Cette série d’actions nous sera  d’ailleurs communiquée, texte et
images à l’appui dans le « Kit d’initiation » que chacun recevra en
sortant de la salle sous forme d’une petite enveloppe bleue
contenant en plus de ce mode d’emploi deux pilules placebo
déclarées comme tel  dans les  fameuses « instructions » qui
avertissent, concernant  la « prière » : « Rappelez-vous qu’en tant que
rituel de magie paradoxal, tout ça  est une vaste blague » et pour les
pilules : « On sait que c’est de la connerie et pourtant on sait que ça
marche ». Un charlatanisme de bon aloi qui de moque de lui-même et
le revendique.

Une critique ludique, jouissive même d’un monde où les pires
suggestions peuvent être proposées et être gentiment gobées par
ceux qui n’ont pas l’idée de les remettre en question.

Mais la démonstration est concluante et justifie le nouveau titre
donné au spectacle, » les idées vivent » quels qu’en soient leur
contenu, leur audace, leur fantaisie, leurs aberrations, leur portée.
Alors mise en garde, méfiance et réflexion.

Marie-Françoise Grislin

Au Maillon le 17 novembre 2021