Ici n’est plus ici

Tommy Orange, Ici n’est plus ici

Un livre coup de poing
assurément. De celui que l’on
assène dans le visage de la bonne conscience. Avec un coup de
poing américain…ou plutôt
amérindien. Car il s’agit bel et
bien d’Indiens mais pas de ceux
de Danse avec les loups ou des
héros magnifiques de Louise
Erdrich. Non, chez Tommy
Orange, que ce premier roman a
propulsé au sommet des prix
littéraires américains, ces Indiens ont troqué leurs chevaux pour
des voitures customisées, leurs fusils pour un 357 Magnum et ne
fument pas le calumet de la paix mais, bien au contraire, le crack
de la déchéance et de la violence.

A travers une galerie de portraits aussi fascinants qu’effrayants et
splendides, l’auteur nous offre un roman en forme de
documentaire un peu à la manière de Dene Oxendene, ce
personnage qui souhaite réaliser des interviews de membres de la
communauté indienne d’Oakland en Californie. Alcool, drogue,
obésité, violence intrafamiliale, échec scolaire, discrimination,
tout y passe et tout converge dans ce roman à l’architecture
millimétrée, vers le brasier final qui prend l’aspect d’une danse
macabre. Avec une langue qui sent le métal, parfois chauffée à
blanc, Orange ravive des cendres que l’on croyait éteintes. Ce
roman, appelé à faire date constitue à n’en point douter, la pierre
manquante de l’envers du rêve américain et le jalon
supplémentaire qu’un génocide qui ne s’est jamais arrêté mais a
revêtu, en ce 21e siècle, ses habits les plus sournois.

 

Chez Albin Michel, 352 p.