La danse macabre de Martin Zimmermann

Cette danse macabre lui appartient de fait puisqu’il en signe la conception, la mise en scène, la chorégraphie, la scénographie avec Simeon Meier, les costumes avec Susanne Boner et qu’il participe au jeu en y tenant le rôle de La Mort.


Depuis 2003, régulièrement invité au Maillon nous avons pu apprécier son grand talent de concepteur d’œuvres tragicomiques.

Ce qui frappe d’entrée de jeu c’est ce décor de grand désordre, de décharge, d’amas de vieux papiers traînant sur le sol et ce remuement sous les sacs poubelles ce qui nous évoque immédiatement ces SDF qui souvent n’ont rien d’autres qu’eux pour s’y abriter et y dormir.

© Basil Stücheli

Et on n’est pas loin de penser cela en voyant surgir d’un cercueil de carton puis virevolter ce personnage de la mort ricanant et claquant lugubrement des dents

Mais trêve de tragique ceux qui émergent, ils sont trois à se dégager, hirsutes et mal fagotés (costumes Susanne Boner) vont à leur tour défier cet environnement pourri et en faire un partenaire de jeu, c’est à dire de vie, car c’est à eux (Tarek Halaby, Dimitri Jourde, Methinee Wongtrakoon en alternance Eline Guenat) maintenant de virevolter et de ne pas en laisser l’apanage à la mort. Démonstration va en être faite quand, par exemple, dans la petite cabane perchée sur le sommet d’une pyramide, les occupants du lieu seront confrontés au mouvement de balancier qui la fait basculer de droite à gauche et les projette contre les murs. Il s’agit de garder l’équilibre et cela nécessite des rétablissements constants et suffisamment hasardeux pour créer un comique de situation tout en étant une sorte de représentation symbolique de cette résistance dont il faut faire preuve face aux aléas de la vie.

Deux des enfermés de la cabane basculante finissent par s’en échapper par des glissades qui les ramènent sur le plancher des vaches pendant que le troisième (Dimitri) s’exerce par toutes sortes de manœuvres et d’acrobaties à maîtriser l’espace. Une fois sorti de ce lieu inhospitalier, il pourra exprimer son mécontentement en râlant fermement et bruyamment au milieu des déchets qu’il ne cesse de repousser du pied et en projetant une de ses chaussures au milieu du public avant de la lui réclamer illico. Son numéro de clown a parfaitement fonctionné et il en profite pour renchérir avec force cris et gesticulations.

 La mort passe, sortant d’un bidon abandonné où elle s’était cachée pour donner un coup de balai et repousser quelques débris, histoire surtout de se montrer toujours prête à narguer ceux qui évoluent près d’elle. Ce que ne manque pas de faire la danseuse (Eline) enchainant les pirouettes et les contorsions ou le comédien (Tarek) qui se prend pour une diva, minaude, joue j avec ses longs cheveux, avant de s’exercer à des vocalises dignes de la Castafiore. La musique forte, rythmée, composée par Colin Vallon accompagne de façon pertinente ces exercices de « haute voltige »  sous des jeux de lumière sophistiqués (création lumière Sarah Büchel)

Tout cela frise l’absurde et ne manque pas d’humour. Les propositions se multiplient sans présenter de vrais liens entre elles et certaines improbables comme cette scène d’accouchement frisent le burlesque ou le mauvais goût selon la sensibilité de chacun, cependant elles sont menées avec brio dans un ambiance de cirque déjanté par des comédiens dont le vrai talent est de savoir dérisionner, montrant ainsi que l l’on peut célébrer la vie même si le tragique de l’existence tend à s’imposer.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 19 octobre