La fille préférée

Un livre passionnant raconte l’histoire de la Porsche 911

Trois chiffres résonnant comme un mythe, comme une icône. Modèle phare de la marque, la Porsche 911 est entrée, depuis sa conception en 1963, dans l’imaginaire collectif comme nous le rappelle Serge Bellu dans son livre passionnant. Construit comme un journal séquencé en neuf grandes étapes, ce livre relate la vie de cette gamine indomptable depuis ce salon de Francfort où elle dévoila sa ligne inimitable entretenue depuis au gré de looks et de liftings successifs qui lui valurent de nouveaux soupirants ou, au contraire, des amoureux déçus.


Elle eut plusieurs pères : « Butzi », le petit-fils de Ferdinand Porsche qui façonna son berceau, Anatole Lapine qui fit d’elle une femme ou Michael Mauer qui lui retira sa coque en septembre 1997 avant de lui préférer sa petite sœur Panamera. Mais cette fille a de la ressource, croyez-moi. Elle est farouche, en course surtout quand elle a un Martini dans le ventre ou qu’elle a pour amant, un Gérard Larousse qui se passe de mots pour l’emmener au septième ciel. Farouche aussi quand elle s’affuble d’un Carrera sur ses flancs comme on porterait un T-Shirt moulant Armani et qu’elle file à 240 km/h, ou quand elle libère sa chevelure peroxydée pour la laisser voler au vent au début des années 80.

On a tous notre modèle favori mais il faut bien reconnaître qu’avec sa poitrine opulente (des pare-chocs renforcés pour satisfaire les exigences américaines), un cul d’enfer avec cet aileron, et une facilité à emballer, la 911 Turbo sortie en 1974 fut la plus belle. Notre beauté, cette Claudia Schiffer automobile, n’avait alors que 19 ans et était partie pour conquérir le monde et devenir « la » 911. D’ailleurs, pour se pardonner d’avoir fait tourner tant de têtes, la marque offrit la millionième Porsche, une 911, à la police fédérale allemande.

La quarantaine arrivant, elle se mua en femme fatale avec une poupe affinée et des ailes élargies. La génération 993 devint alors la préférée des Porschistes. Des lunettes jugées trop sages (996) furent vites remplacées par des lentilles de contact qui lui permirent de retrouver son regard de braise.

Très vite la 911 est entrée dans notre imaginaire collectif grâce notamment au cinéma et à la télévision. On ne compte plus les films et les séries télévisées où elle fit son apparition comme une actrice débutante avant de jouer les grands rôles aux côtés des plus grands, Belmondo, Di Caprio ou Tom Cruise dans le dernier Top Gun. Notre Claudia Schiffer devint Marylin Monroe, Mélanie Griffith ou Scarlett Johansson.

Des autographes, elle en a signé surtout chez les maîtres du neuvième art. Ainsi, la 911 fut très vite associée à Ric Hochet, ce célèbre détective créé par André-Paul Duchâteau en 1963, nettement plus séduisant qu’un Derrick qu’elle accompagna jusqu’à la retraite. Dans de nombreux albums, Ric Hochet conduit une 911 jaune, devenue au fil des albums, indissociable du personnage, notamment dans Epitaphe pour Ric Hochet et sa couverture montrant la 911 écrasée contre un arbre, Le Trio maléfique ou La ligne de mort. Fidèle en plus. C’est pour cela qu’on l’aime autant.

Le livre de Serge Bellu raconte tout cela, l’histoire de cette Allemande partie à la conquête du monde. Porschistes de toujours, amoureux de vitrines ou voyeurs de trottoirs, tous se régaleront devant tant de photos, de souvenirs, de détails techniques et de cette histoire inaccessible sans fin qui nous plaît tant.

Par Laurent Pfaadt

Serge Pellu, Anthologie 911, E.P.A.I.

A lire également : Ric Hochet, La ligne de mort, Le Lombard, 1975