La musique contre l’oppression

Adams © Jeff Roffman

Le violon est à
l’honneur de
plusieurs
compositions
contemporaines

Le violon inspire
toujours autant les
compositeurs de
notre époque. Et à
l’instar d’un Niccolo Paganini ou d’un Joseph Joachim, il se trouve
toujours autant d’interprètes réceptifs à ces nouvelles œuvres qui
seront amenées dans les décennies à venir à intégrer le répertoire
et à devenir des classiques.

Aujourd’hui, quelques-uns des plus grands compositeurs de notre
époque (John Adams, Wolfgang Rihm, Pascal Dusapin et Bruno
Montovani) consacrent à l’instrument roi plusieurs œuvres qu’il
nous est possible d’apprécier. Avec cette symphonie dramatique
pour violon et orchestre baptisé Shéhérazade 2, John Adams, rendu
célèbre pour ses opéras provocateurs Nixon in China ou The Death of
Klinghoffer
reste fidèle à lui-même. En choisissant de raconter le
destin d’une femme face à des fanatiques religieux, Adams a choisi
un engagement qui se traduit dans son orchestration par un
mouvement perpétuel. Comme dans l’œuvre de Rimski-Korsakov, le
violon est un protagoniste à part entière de l’œuvre. Son dialogue
permanent avec le cymbalum, sorte d’élément masculin de l’œuvre,
renforce ce côté narratif particulièrement explicite notamment lors
du second mouvement.

Pour traduire cet engagement, il fallait une artiste à la mesure du
défi proposé. Et il faut dire qu’Adams a trouvé en Leïla Josefowicz
qui compte parmi les plus grandes interprètes du monde, l’artiste
idoine. Sublime Shéhérazade, elle nous raconte avec son jeu
parfaitement maitrisé, cette histoire de femme qui lutte dans un
monde où l’aliénation vient tantôt des fanatiques, tantôt des
hommes. Leïla Josefowicz a présidé à la création mondiale de
l’œuvre à New York en mars 2015 puis en France ces dernières
semaines. On la retrouve avec brio sur ce disque en compagnie de
David Robertson, grand connaisseur de la musique d’Adams, à la
tête du St Louis Symphony.

Renaud Capuçon fait lui aussi partie de ces artistes dédicataires
d’oeuvres. Avec ce disque consacré à plusieurs concertos
contemporains, il nous montre sa sensibilité à des univers différents
en même temps qu’il nous prouve une fois de plus, la plasticité de
ses interprétations. Réunis sur un même disque, les univers de
Wolfgang Rihm, Pascal Dusapin ou Bruno Montovani diffèrent
assurément même si une forme d’anxiété musicale tend à les
rapprocher. Chez Rihm, l’angoisse est immédiatement perceptible.
Gedicht des Malers, le poème du peintre, est traversé par un
expressionnisme musical très marqué avec ses rythmes percutants.
D’ailleurs le compositeur a pensé l’œuvre en se référant au travail
du peintre Max Beckmann. Dans le concerto Aufgang de Pascal
Dusapin, le violon se fait moins nerveux et certains accords tendent
à rappeler parfois the Lark Ascending de Ralph Vaughan Williams. Le
compositeur britannique s’inspira d’un poème de George Meredith
dont ces quelques vers : « Elle s’élève et se met à tourner, Elle laisse
tomber la chaîne argentée du son, sans séparer ses nombreux anneaux,
avec force pépiements, sifflements, liaisons et tremblements »
ne
sauraient mieux décrire l’interprétation de Renaud Capuçon, bien
secondé par l’orchestre philharmonique de Radio-France et la
magnifique baguette de Myung-Whun Chung.

Les Jeux d’eau de Bruno Montovani referment ce disque. Pleine de
fureur, cette pièce est plus un torrent furieux que les tranquilles
vagues de Maurice Ravel. Une fois de plus, Capuçon secondé cette
fois-ci par Philippe Jordan et l’orchestre de l’opéra de Paris,
transcende cette pièce transformée en une apothéose sonore.

Laurent Pfaadt

John Adams, Shéhérazade 2, Leïla Josefowicz,
St Louis Symphony, dir. David Robertson,
Nonesuch, 2016

Capuçon : Rihm, Dusapin, Montovani,
21st century violins concertos,
Erato Warner Classics, 2016