Le Jardin des délices

Attirés, intrigués par ce titre magnifique qui reprend celui d’un tableau du célèbre peintre flamand du Moyen-Age, Jérôme Bosch et par la connaissance que nous avons du metteur en scène, Philippe Quesne, et de sa Cie  le Vivarium Studio venu à plusieurs reprises ici au Maillon, (« La nuit des taupes » en 2016) nous avions grande envie de voir sa dernière création qu’il a montrée au Festival d’Avignon pour la réouverture de la Carrière Boulbon.


© Martin Argyroglo

Nous nous retrouvons face à un plateau quasiment vide où, côté jardin, est à l’arrêt un grand bus blanc. En fond de scène un immense tableau représente dans des tons pastel un paysage de la nature.

Tout commence quand, l’un après l’autre les protagonistes descendent du bus, certains avec des chapeaux de cow-boys et presque tous santiags au pied. (Costumes Karine Marques Ferrera). Sommes-nous dans un désert américain ?

Leur action consiste à se rendre près des gros sacs de chantier pour y prélever à grands coups de pelle et de pioche des cailloux qu’ils vont disposer en cercle au centre du plateau avant d’y installer solennellement un très gros œuf (scénographie Elodie Dauguet)

L’hommage qu’ils lui rendent a tout d’un rite funéraire puisque l’un après l’autre, il s’approche pour le toucher, le caresser, esquisser une ronde et lui offrir un petit concert de flûtes, banjo et castagnettes.

Ce premier moment achevé, celui qui paraît être l’organisateur du groupe (Gaétan Vourc’h) propose de mettre en place « un cercle de paroles » où chacun s’exprimera à sa guise. Le projet étant approuvé, on va bientôt assister à de fantasques exhibitions, les uns, lisant des textes, d’autres s’allongeant sur le sol, d’autres encore, exécutant la posture de l’équilibre sur la tête, quelques-uns se regroupant pour se constituer en tableau vivant pendant que sur le toit du bus Thierry Raynaud déclame des sonnets, que, près du bus, Sébastien Jacobs joue du violoncelle et chante. Une femme traverse le plateau, une pomme posée sur la tête, une autre posera des questions absurdes telles que « les cannibales ont-ils des cimetières ? »

Côté cour défilent sur un écran lumineux des textes surréalistes signés Laura Vasquez.

Une nouvelle séquence s’ouvre avec le démantèlement du bus auquel on arrache les fenêtres et une partie de la carrosserie pour en faire une scène de cabaret sur laquelle un des passagers se transforme en chanteur lyrique suivi d’un autre devenu magicien capable de redonner une chevelure abondante à un chauve. Beaucoup de fantaisie, d’incongruités dans ces démonstrations qui semblent improvisées et répondre à des nécessités qui nous échappent.

Parfois des silences, des temps morts comme si ce groupe ne savait ce qu’il fait là.

Alors l’orage avec tonnerre, éclairs et pluie relance le mouvement, tous se mettent à courir pour se mettre à l’abri et regagner le bus cela va de soi.

C’est encore une surprise de voir apparaître des personnages en costumes médiévaux qui déambulent en citant des textes philosophiques en vieux flamand puis  on entend « chaque pierre est un éclat du cosmos » et un homme sur le justaucorps duquel est dessiné un squelette apparaît à son tour.

Côté cour on voit parfois jaillir des flammes (l’enfer ?).

Enfin la question du départ se pose. Un triangle lumineux se dessine sur le tableau du fond, C’est comme une destination vers l’infini, vers l’espace qui manifestement convient à ces curieux voyageurs.

Ainsi s’achève  le spectacle  de Philippe Quesne qui n’a cessé de nous surprendre et de nous dérouter par son aspect apparemment décousu où les références au tableau de Bosch sont loin d’être évidentes si ce n’est justement par ce côté foisonnant et énigmatique que l’on retrouve chez l’un comme chez l’autre.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 12 octobre au Maillon