Le soldat britannique

Soldats de la Wehrmacht contre combattants de l’Armée Rouge,
Forces Françaises Libres ou GI américains débarquant sur les plages
de Normandie et engagés dans une lutte à mort contre des soldats
japonais fanatisés, le mythe du soldat de la Seconde guerre mondiale
s’est largement construit en omettant le soldat britannique. Et
pourtant, celui-ci peut se prévaloir de faits d’armes d’importance : il
défit, dans le désert, le plus intrépide des généraux allemands et
évita aux Alliés de perdre la guerre où, selon les mots de Winston
Churchill, « jamais dans l’histoire des conflits tant de gens n’ont dû autant à si peu », en référence aux aviateurs de la Royal Air France qui
gagnèrent la bataille d’Angleterre.

Le livre de Benoît Rondeau répare enfin cette injustice, cet oubli de
l’historiographie française. Sur quoi se base-t-elle ? A l’impossibilité
de définir une identité ? L’auteur il montre qu’il n’y a pas un soldat
britannique mais des soldats britanniques, un soldat impérial entre
Irlandais, Ecossais, Kiwis Néo-Zélandais, Gurkhas du Népal
considérés comme l’élite de l’armée des Indes ou Juifs de Palestine.
Cela tient-il au respect profond et à l’honneur que ce soldat
manifesta à l’égard des lois de la guerre quand le conflit se définissait
par le nombre de massacres exercés de part et d’autre de la ligne de
front ? Peut-être même si les bombardements à outrance des villes
allemandes, dont certains peuvent être considérés comme des  
crimes de guerre notamment à Dresde en février 1945, ont été le
fait de la RAF.

Ces réponses se trouvent assurément dans le livre de Benoît
Rondeau. Explorant toutes les caractéristiques du soldat
britannique avec comme à son habitude, une extraordinaire
exhaustivité et reprenant sa méthode déjà exposée avec brio dans
son livre sur la Wehrmacht (Etre soldat de Hitler, Perrin, 2019),
l’auteur nous emmène dans les cercles d’officiers, les arsenaux, sur
mer et en compagnie des fameux génies de Bletchley Park qui
cassèrent les codes nazis. Le livre se lit presque comme un
dictionnaire, c’est-à-dire en l’ouvrant au chapitre souhaité. Il
fourmille d’anecdotes tantôt drôles comme ce piano amené par le
général Philip « Pip » Roberts sur lequel l’officier jouait du jazz lors de la campagne de Tunisie ou la découverte du harem du bey de
Tunis, tantôt tragiques comme l’entrée dans le camp de
concentration de Bergen-Belsen. Mais à chaque fois, elles servent à
cerner la mentalité du soldat et à appréhender la construction de
son mythe.

Sans faire un livre d’histoire de l’armée britannique durant le second
conflit mondial, l’auteur s’attache à suivre le soldat dans son
quotidien et parvient, assez subtilement à nous présenter, du point
de vue du soldat de base ou du général, les grands affrontements
(guerre du désert que connaît particulièrement bien l’auteur, les
campagnes d’Italie ou de Birmanie) dans lesquels les Britanniques
furent impliqués. Les lacunes ne sont pas omises comme les défaites
du début du conflit, le manque de coordination interarmes ou les
carences en sous-marins, Benoît Rondeau explore également dans
des chapitres passionnants la conception de la guerre propre aux
soldats britanniques – croyance dans la victoire finale au sein de la
troupe, nécessité de limiter les pertes humaines chez les officiers –  
ainsi que les rapports sociaux au sein de l’armée et avec l’ennemi. Au
final, la démonstration du livre important de Benoit Rondeau permet
de prendre toute la mesure de la contribution majeure de l’armée
britannique à la victoire finale.

Par Laurent Pfaadt

Benoît Rondeau, Le soldat britannique
Chez Perrin, 512 p.