L’oiseau-Lignes

De Chloé Moglia et Marielle Chatain

Cie Rhizome

Le titre est aussi poétique que l’engagement du spectacle qui nous mène à la rencontre de deux jeunes femmes aux talents différents mais bien complémentaires, l’une, Chloé Moglia est une performeuse circassienne, l’autre, Marielle Chatain, une musicienne, compositrice. Une étroite collaboration s’opère entre elles et qui s’exprime notoirement dans la première partie du spectacle consacrée au dessin figuratif.

C’est d’abord sur la face avant d’un gros cube placé à l’avant du plateau que Chloé dessine à la craie,  en quelques traits rapides, un visage et un corps, un personnage qui nous regarde de tous ses yeux. Toujours avec empressement, elle se précipite vers l’immense tableau d’ardoise qui occupe le plateau dans toute sa largeur pour y tracer des traits, comme des signes qu’elle fera se rejoindre en une ligne continue sur laquelle elle dessine de naïfs bonshommes qui dansent. Cet épisode à la fois poétique et quelque peu elliptique est accompagné  par les sons du piano électrique et les effets électro-acoustiques que lance avec constance et efficacité Marielle Chatain depuis sa console de jeu qu’elle déplace parfois pour se rapprocher de sa partenaire, n’hésitant pas à la rejoindre  pour agrémenter, à sa manière,  les productions de celle-ci. Ne faut-il pas ajouter quelques oiseaux à ceux qui volent déjà sur la ligne ?

Quand elles en viennent à tout effacer à grands  coups d’éponge et que le tableau se scinde en deux parties, on pressent qu’on va rencontrer une autre forme d’expression. Ainsi en est-il  lorsque Chloé se saisit d’un des pans du tableau et se met à le faire tourner en le poussant de toutes ses forces avant de l’escalader pour en parcourir l’arête en fine équilibriste puis de s’en servir pour atteindre la ligne  de tubes métalliques qui brille au-dessus de la scène et nous intrigue depuis le début de la représentation conception et réalisation (Eric Noël et Silvain Ohl).

Commence alors une nouvelle exploration. Tout en suspension, elle suit la ligne, s’y installe, se propulse, s’y agrippant, une main après l’autre, à bout de bras et ne se laissant pas démonter quand, à plusieurs reprises, un des tubes de la chaîne vient à se détacher, la laissant exposée à l’absence de support. Sans sourciller, elle poursuit sa périlleuse aventure qui la conduit à nous faire la démonstration de ses talents de trapéziste en effectuant des figures de retournement et d’équilibre virtuose où l’apesanteur semble la règle et donne à ses gestes une légèreté qui nous rappelle  ces images de cosmonautes évoluant dans l’espace pour réparer la station spatiale ou se déplaçant en apesanteur dans leur cabine. Elle procède par mouvements lents et sûrs, s’arrêtant parfois comme l’oiseau sur la branche qui semble attendre avant de reprendre son vol, mû par quelque nécessité qui nous échappe.

Une remarquable performance qu’accompagne, manifestant attention et compréhension, Marielle Chatain, sa partenaire musicienne avec une création sonore, minimaliste, répétitive, indispensable.

Marie-Françoise Grislin