Mendelssohn, la symphonie parisienne

Incroyable intégrale des symphonies de Mendelssohn

© The Gatsby Charitable Foundation
© The Gatsby Charitable Foundation

Il s’agissait des concerts à ne pas
rater en ce début d’année à la
Philharmonie de
Paris. Après une formidable intégrale des symphonies de
Robert Schumann, le couple désormais bien rodé Yannick Nézet-Séguin/ Chamber Orchestra of Europe s’était donné rendez-vous dans cette magnifique pour une intégrale des symphonies de Félix Mendelssohn.

On a tous en tête quelques airs de la troisième symphonie écossaise et de la quatrième italienne mais cette intégrale a permis au public de découvrir des pans entiers de la musique symphonique de ce musicien, de ce génie mort à 38 ans et qui annonça dans ses mélodies Wagner ou Bruckner. Et avec le chef d’orchestre québécois Yannick Nézet-Séguin, l’association a pris des airs de triomphe.

Entendre un orchestre de chambre, c’est voyager dans la musique à la découverte des différentes familles d’instrument. Et dans ce voyage, quel merveilleux vaisseau que celui du COE ! Chaque musicien écoute son voisin, le respecte, le complète. La clarinette dialogue merveilleusement avec le basson dans le dernier mouvement de la Troisième, les cordes sont oppressantes sans être omniprésentes dans la seconde, les seconds violons répondent majestueusement aux premiers dans la quatrième. A cela s’ajoute les mains de Nézet-Séguin qui tantôt tempèrent, tantôt exaltent. Il sait tirer le meilleur des musiciens pour le restituer dans une vision globale qui convainc immédiatement. Le résultat est ainsi prodigieux. Les bois sont sublimés à l’image de la flûte de Clara Andrada, petit oiseau niché dans ces arbres musicaux et qui coure le long du troisième mouvement de l’Italienne avant de guider l’orchestre dans ce troisième mouvement transformé en hymne de la cinquième symphonie dite Réformation.

Si les anciennes intégrales manquaient peut-être de couleurs, les spectateurs ont été plus que comblés par ces interprétations. Car, dans ces symphonies, on y danse souvent. Nézet-Séguin a eu la bonne idée de transformer l’énergie du COE en une danse permanente qui traverse l’ensemble des symphonies, allant même jusqu’à une forme de furiant dans le dernier mouvement de la Première ! Et puis, on y chante car l’autre grande découverte de cette intégrale est cet incroyable oratorio inséré dans la seconde symphonie et qui a résonné d’une beauté toute solennelle, mystique grâce au RIAS Kammerchor qui agit telle une mer avec ses reflux.

Le son ainsi produit se faufile dans une sorte de jeu permanent et ne prend jamais l’aspect d’une course à l’abîme que tant de chefs impriment aux symphonies de Mendelssohn, cantonnées trop souvent à leur seule dimension romantique. Nézet-Séguin ne l’occulte pas, bien au contraire, et quand il fait jouer les cordes dans cette magnifique cinquième symphonie qui devrait rester comme la plus aboutie au disque, c’est pour mieux mettre en lumière le caractère absolument novateur de Mendelssohn qui a su capter l’héritage des anciens pour le projeter dans une forme d’expérimentation.

Cette intégrale a bel et bien été l’occasion d’un voyage musical à
travers l’Europe. Pour ceux qui auraient manqué ces concerts
d’anthologie, le label Deutsche Grammophon a eu la bonne idée d’enregistrer cette intégrale qui permettra à tous de redécouvrir cette pléiade de génies réunis.

Laurent Pfaadt