rencontre avec Dominique Missika

« Les résistantes ont été peu récompensées »

Dominique Missika est éditrice et historienne. Elle a consacré de nombreux ouvrages aux femmes sous l’Occupation notamment Berty Albrecht (Perrin, 2005), Les Inséparables. Simone Veil et ses sœurs (Livre de poche, 2020) et Résistantes 1940-1944 (Gallimard, 2021). Pour Hebdoscope, elle revient sur ces dernières.


copyright Francesca Mantovani pour Gallimard)

Vous êtes l’auteure d’un ouvrage consacré aux Résistantes pendant la Seconde guerre mondiale. Quel rôle ont joué les femmes dans cette dernière ?

Venues de tous les milieux et de tous les horizons, elles ont hébergé des pourchassés, aviateurs alliés, évadés des stalags, réfractaires du STO, familles juives, elles espionnent l’ennemi, elles fabriquent des explosifs, les transportent, ravitaillent les maquis, fabriquent des faux papiers. Aucune mission les effraie, les Allemands les traiteront à l’égal des hommes, prison, torture et déportation. Les condamnées à mort seront exécutées en Allemagne.

Comment analysez-vous le fait qu’elles ont été les grandes oubliées de notre récit national. Par exemple, il n’y a que six femmes parmi les 1038 compagnons de la Libération.

En effet, les résistantes ont été peu récompensées. Six femmes Compagnons de la Libération sur 1038, c’est vraiment très peu. Pour la Croix de la Résistance, 10 % sont données à des femmes, et ainsi de suite. La Nation a eu du mal à leur octroyer des décorations, si tenté qu’elles les aient demandées ou qu’on ait pensé à leur donner. Souvent ce sont les maris, les chefs de famille, les pères qui ont été récompensés, alors que les épouses, les sœurs et les filles se sont elles aussi engagées. On les a laissées combattre, pas décider….

Est-ce que vous constatez une évolution surtout depuis la panthéonisation de Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz en 2015 ? Et si oui de quelle manière ?

L’entrée au Panthéon de Germaine Tillion et de Geneviève de Gaulle se déroule en 2015, celle de Jean Moulin en 1964. Il était temps. Je note au passage qu’au nom de la parité, on a fait entrer deux hommes, Pierre Brossolette et Jean Zay, qui certes avaient leur place au Panthéon, mais pourquoi ensemble ? De plus en plus, grâce aux études du genre, on prend en compte la présence et le rôle des femmes dans l’histoire de la Résistance. De même, je suis frappée par la mémoire très vive dans les régions, les villes ou les villages, à travers les musées de la résistance, de la curiosité des jeunes générations pour ce que les femmes ont accompli pendant la deuxième guerre mondiale. C’est très encourageant !

Interview Laurent Pfaadt