« Tan Dun est l’un des rares compositeurs ayant bâti des ponts entre l’Orient et l’Occident »

Seldis ©Renske Vrolijk
Seldis ©Renske Vrolijk

L’orchestre du Royal Concertgebouw
d’Amsterdam a
toujours accordé une
grande importance à la
création
contemporaine comme
en témoigne la
publication du
septième opus de sa
série Horizon. Outre les
œuvres de George Benjamin, Magnus Lindberg ou de Richard
Rijnvos, Horizon 7 est surtout marqué par le concerto pour
contrebasse The Wolf (« le Loup ») du compositeur chinois Tan Dun.
Rencontre avec son dédicataire, le contrebassiste de l’orchestre,
Dominique Seldis.

Comment qualifierez-vous la musique de Tan Dun ?

Tan Dun est l’un des rares compositeurs ayant bâti des ponts
entre l’Orient et l’Occident. Il comprend la musique occidentale,
les instruments et les musiciens occidentaux et, dans le même
temps, il entoure son écriture de cet héritage oriental qui lui est
propre pour produire de grands effets. C’est d’ailleurs pour cela
qu’il est tant aimé dans le monde.

Un concerto pour contrebasse est assez inhabituel. Pouvez-vous nous expliquer ses contraintes et ses spécificités ?

La contrebasse n’est pas un instrument solo et a été construit pour
jouer dans des orchestres mais les techniques d’interprétation, les
cordes, les instruments eux-mêmes ont évolué mais plus
important encore, c’est le jeu de l’instrument qui s’est développé
ces dernières années si bien que des opportunités sont nées pour
en jouer en solo.

L’instrument ne se projette pas autant qu’un violoncelle par
exemple et donc, l’orchestration et l’écriture musicale doivent être
légères pour ne pas étouffer le soliste. Enfin, techniquement et
physiquement, l’instrument est très exigeant.

Parlez-nous de la genèse du projet du Loup 

Le RCO souhaitait commander un concerto pour contrebasse et
m’a demandé si j’avais une préférence. J’ai immédiatement
suggéré le nom de Tan Dun mais pour être honnête, je n’ai jamais
pensé qu’il pourrait être intéressé. Et à ma grande surprise, il a dit
oui.

J’ai également été en mesure de créer l’œuvre qui fut enregistrée.
Cela cimenta une relation particulière entre Tan Dun et
l’orchestre. Il y avait des risques mais il en résulta un concerto
pour contrebasse qui a fermement pris place dans le répertoire
solo. Travailler avec Tan Dun sur ce projet constitua l’un des plus
grands moments de ma vie musicale qui sera d’ailleurs difficile à
surpasser !

Avez-vous été associé à la composition de l’œuvre ?

Oui, nous nous rencontrâmes plusieurs fois lorsqu’il élabora le
concerto notamment pour explorer les possibilités de
l’instrument. Je voulais quelque chose qui montre ce que la
contrebasse pouvait faire et non ce qu’elle ne pouvait ne pas faire.
L’intelligence de Tan Dun et sa vaste connaissance de chaque
instrument de l’orchestre ont fait le reste.

La partition complète du Loup n’arriva que peu de temps avant la
première de l’œuvre et même durant les répétitions, certaines
choses furent encore modifiées. Tan Dun est un non seulement un
grand compositeur mais également l’un des plus aimables que j’ai
connu. Une pure inspiration.

Laurent Pfaadt